Despertar
Blacksea Não Maya

Il est beau de voir les jeunes équipes devenir grandes à mesure que le temps passe. Les sorties s’amoncellent et l’énergie ne semble pas vraiment vouloir disparaître. C’est sans doute le cas de Príncipe, collectif lisboète qui a su tracer sa route depuis toutes ces années avec comme ADN principal de renverser les codes de la fête sur un mode extatique et tribal. L’idée était de faire vivre Lisbonne et ses alentours, ses cités et ses bidonvilles urbains. DJ Lycox ou DJ Niggafox ont carbonisé à peu près tous les dancefloors du monde, emmenant avec eux des producteurs du clan tous aussi hystériques derrière les platines, amenant la réputation du label/collectif au niveau des légendes de l’underground européen. Les EP’s du crew sont là pour le démontrer : Príncipe sait casser des culs en clubs. Mais qu’en est-il quand les lumières des discothèques se rallument ?
L’esthétique ethnique et rythmique du label est un terrain de jeu si riche qu’on en viendrait presque à regretter que les projets de cette équipe rechignent un peu à aller au fond des choses. Blacksea Não Maya (derrière lequel on retrouve le fidèle DJ Kolt) tente plus ou moins le coup en solitaire avec ce Despertar monté comme un mini-album qui place sa petite demi-heure d’expérimentations pas aussi club qu’on voudrait l’imaginer. Neuf titres percussifs aux accents bizarres, assez courts, qui frappent un peu à toutes les portes. Cet effort a au moins le mérite de ne pas resservir la soupe froide, il tente sa chance dans des morceaux qui, même si en définitive ont la gueule de DJ tools un peu mécaniques, s’essaient à se réinventer. On y entend parfois du grime lointain, du trip-hop un poil expé, de la bass music tribale à souhait, et (beaucoup) de guitares saturées façon math-rock. On y entend souvent des réminiscences « bigger than music » de Dean Blunt, en faisant du tout avec rien, mais ça colle assez peu sur la longueur, la sauce de la musique totale ne prend jamais vraiment.
Le véritable drame de cet EP/mini-album, c’est que DJ Kolt a beau essayer d’étendre son spectre musical au plus large, de tenter l’écriture extensive, cela ne marche vraiment que quand il revient sur une logique de « banger à la Príncipe » comme sur « Prala » ou « Katraps » où les balises sont bien placées et l’héritage du collectif s’expriment avec une facilité dont on a malheureusement l’habitude. On aurait pu espérer qu’un jour cette scène puisse dépasser sa condition d’ambianceurs patentés, qu’à la manière d’un Skull Disco (Shackleton, Appleblim, Peverelist) pour le dubstep, tous ces musiciens et musiciennes passent de l’autre côté du voile pour raconter de grandes histoires. Ils en ont plein dans le bide, dans la tête et dans les doigts, c’est sûr. Mais ils se révèlent malheureusement assez piètres conteurs en dehors de leur zone de confort.