CrasH Talk

ScHoolboy Q

TDE – 2019
par Ruben, le 13 mai 2019
4

En 2012, avec les sorties de good kid m.A.A.D. city, Control System et Habits & Contradictions, tous les regards de l’industrie étaient tournés vers le label californien TDE. À l’époque, Kendrick Lamar se positionnait tranquillement comme la voix de toute une génération ; Jay Rock soignait son image de gangsta pur et dur ; Ab-Soul prenait le temps de peaufiner ses textes pour dévoiler une approcHe plus idéologique et spirituelle que ses compères tandis que ScHoolboy Q, la petite crapule de la bande, endossait pleinement le rôle du fêtard furieux, insolant et incontrôlable, avec un pied en boite de nuit et l’autre dans son quartier de South Figueroa. Au fil des années et des bangers incontournables (« Collard Greens », « Man of the Year », « That Part »), le MC a cultivé sa notoriété en se constituant une fan-base fidèle qui attend désormais de pied ferme ce cinquième album studio, CrasH Talk.

Premier constat : depuis le début de l’année, aucun projet mainstream ne semble pouvoir exister sans une intervention divine de 21 Savage, Ty Dolla $ign ou Travis Scott. Tristement, CrasH Talk n’écHappe pas à la règle. Mais là où les cHoses commencent à se gâter pour Q, c’est qu’il se fait déborder sur le flanc par ses propres invités. En effet, 21 Savage parsème « Floating » d'une ribambelle de puncHlines funambulesque tandis que Ty Dolla $ign vole la vedette à son hôte sur « Lies », un banger estival dont tout le monde aura oublié l’existence d’ici deux semaines. Bref, un casting incongru qui plonge ScHoolboy Q dans l’ombre - et nous rappelle surtout à quel point on aurait préféré le retrouver flanqué de vieilles connaissances comme Tyler, The Creator, BJ The Chicago Kid, Raekwon ou encore les membres de TDE, tous étrangement absents du projet.

Au fil des pistes, on se surprend à regretter les précédents projets du rappeur californien, et plus particulièrement le Blank Face LP qui, bien que n’ayant pas rencontré le succès commercial escompté en 2016, a gardé une place de choix dans le cœur des critiques et des fans : un album complet, à l’ambiance unique, dont les textes introspectifs contrebalançaient parfaitement la noirceur des instrumentales. Autant de qualités qui manquent cruellement à cet insipide CrasH Talk dont la direction artistique ambiguë prend la forme d’un melting-pot maladroit de ce qui a éventuellement pu fonctionner par le passé – l’exemple le plus flagrant étant la piste « 5200 » qui n’est qu’une vulgaire copie de « X », une précédente collaboration avec Kendrick Lamar pour la B.O. de Black Panther.

Pourtant, dans un moment de faiblesse, on pourrait se laisser tenter par « Gang Gang » ou « Die WitH Em » qui, il faut le reconnaitre, font chauffer la 808 et tentent de nous en mettre plein la vue. Sauf qu’en réalité ces titres sont creux : premièrement, aucun sujet abordé durant les 14 pistes ne sera nouveau ou surprenant pour un fan inconditionnel de ScHoolboy Q. Deuxièmement, les refrains, peu inspirés et répétitifs, frôlent la feinéantise – on pense  à l’insupportable « CHopstix ». Troisièmement, hormis quelques rares fulgurances comme sur « Numb Numb Juice », c’est toute la Hargne du MC qui semble s’être évaporée. Ainsi, après trois longues années d’absence, ScHoolboy Q donne avant tout l’impression d’avoir passé deux ans et demi à se toucHer la nouille plutôt qu'à penser à la suite des évènements. Le verdict est du coup sans appel : CrasH Talk est un projet décevant et bâclé, un condensé de pistes insipides indignes de la prestigieuse écurie TDE qui nous a Habitué à beaucoup, beaucoup mieux ces dernières années.

Le goût des autres :