Justice

Ed Banger – 2007
par Jeff, le 21 juin 2007
7

Le voilà ! Il est enfin là le † (ou alt. T pour les intimes) de Justice, l’un des disques les plus attendus de cette année 2007. Maintes fois annoncé et chaque fois repoussé, le premier album du duo composé de Gaspard Augé et Xavier De Rosnay débarque près de quatre ans après la sortie de l’inusable « Never Be Alone ». Ce remix d’un titre des défunts Simian allait constituer le premier jalon d’une carrière qui porte depuis ses débuts le sceau de la hype pure et dure. Bien «coachés» par un Pedro Winter qui a rapidement compris qu’il tenait en ces jeunes garçons (rencontrés lors d’une raclette party chez la mère de Gaspard) les futurs étalons de son écurie Ed Banger, Justice est devenu au fil des remixes pour Britney Spears ou Pharell Williams et des productions aussi rares qu’explosives (le sombre Waters of Nazareth EP) le nouvel étendard d’une french touch qui n’en pouvait plus de chercher un second souffle.

Evidemment, avec des titres aussi irrésistibles que « Let There Be Light » ou « Waters of Nazareth » balancés sporadiquement à des hordes de fans assoiffés, les attentes placées dans ce † censé « faire le grand écart entre la pop au sens le plus pur et l’expérimental » et « faire se tenir dans la main les gothiques et les fluo kids » (pour citer deux phrases contenues dans le dossier de presse) allaient forcément être énormes… tout comme la déception qui s’en suit neuf fois sur dix.

Car malgré les écoutes répétées, impossible de se défaire de l’idée qu’en 2005, on avait cette impression jouissive que la jolie et innocente french touch se faisait casser les petites pattes arrières par un monstre electrotrash se nourrissant aux guitar heroes et à l’électro stridente. Justice réveillait alors un démon vieux de dix ans pour mieux le crucifier et créait par la même occasion un son qui lui était propre. Il n’y avait plus qu’à associer tout cela à une imagerie aussi simple que baroque et le tour était joué.

Pourtant, les deux titres annonçant † avait tout de suite de quoi refroidir : entre un « Phantom » qui prenait un peu trop ses distances par rapport à ce son sale pour s’en aller batifoler sur le terrain de jeu fréquentés par Daft Punk période Human After All et un « D.A.N.C.E » kitsch et mollasson, le doute s’installait. Heureusement, dès les premières notes d’un « Genesis » furibard, sorte de Marche de l’Empereur du 21e siècle, le doute s’estompe quelque peu pour laisser place à quelques moments de bravoure made in Ed Banger.

Plutôt que de se borner à ressusciter cette house filtrée usée jusqu’à la corde, Augé et De Rosnay s’en vont creuser davantage encore dans les archives pour en ressortir des éléments funk (« The Party »), disco (« Phantom II ») ou classiques (énorme « Stress ») que le duo se plaît à maltraiter tout au long de †. Et paradoxalement, alors que Gaspard Augé et Xavier De Rosnay reconnaissent être des DJ’s moyens (« Au début on était vraiment mauvais, ça a failli flinguer notre réputation » confiaient-ils le mois dernier à Technikart), ce disque s’apparente à un set enflammé et impressionne par la solidité de son tracklisting en forme de montagne russe.

En fait, il est vraiment dommage que Justice ait décidé de conserver sur ce premier album deux titres aussi imbattables que « Waters of Nazareth » ou « Let There Be Light » aux côtés desquels la majorité des autres morceaux de † font souvent pâle figure - malgré un niveau largement supérieur à la moyenne actuelle. Cependant, malgré une légère déception bien légitime, il faut peut-être prendre ce disque comme les premières lignes de ce nouveau chapitre de l’histoire de la musique électronique française et à l’écriture duquel devraient participer, outre Justice, SebastiAn, Krazy Baldhead ou Mr. Oizo.

Le goût des autres :
6 Simon 7 Julien 7 Laurent_old 8 Nicolas 8 Julien Gas