Interview

Militarie Gun

par Alex, le 22 juin 2023

Période d'activité intense en vue pour les punks de Militarie Gun. Alors qu'elle vient à peine de rentrer d'une courte tournée européenne, la bande à Ian Shelton s'apprête à effectuer son retour sur nos terres dès cette semaine pour le grand raout des festivals (une période qui ira de Rock Werchter à la fin du mois jusqu'au Pitchfork Paris en novembre), avec cette fois du neuf sous le coude. A quelques jours de la sortie de Life Under The Gun, un premier album dont on pense qu'il peut faire basculer le groupe dans une autre dimension, c'est depuis sa maison de Los Angeles que le chanteur nous accorde sa toute première interview pour un média francophone.

Salut Ian ! J’ai l’impression que Militarie Gun est l’un de ces groupes pour qui tout s’est accéléré ces derniers mois…Tu as cette sensation aussi?

Carrément, oui. En gros, le projet a débuté pendant la période de pandémie. Une fois que la vie normale s’est mise en pause, je me suis rendu dans un espace de répétition tous les jours pour écrire le plus possible, environ une chanson par jour, et former le groupe autour de cela. Dès que les concerts ont pu reprendre, on a immédiatement entamé une tournée de 50 dates, aussi pour se prouver que tout cela n’était pas qu’un hasard de la pandémie. Vu que nous étions capables d’écrire autant de morceaux, on ne s’est pas trop inquiétés. On avait tellement de matériel qu’on était prêt à partir en tournée pour défendre tout cela sans trop se poser de questions. L’album a été enregistré en janvier 2022 et il y a eu tellement de planification sur les mois qui suivaient…On ne voulait pas se précipiter pour tout sortir d’un coup. L’idée était de laisser les choses se mettre en place naturellement.

Comment tu te sens à l’approche de la sortie de ce premier album? Soulagé de pouvoir enfin dévoiler ces morceaux sur lesquels tu travailles depuis des années?

Oui, c’est assez fou. Tout cela me semble un peu surréaliste. C’est déjà super de se dire que pas mal de personnes dont des journalistes comme toi ont eu l’occasion de l’écouter mais je suis très excité à l’idée de pouvoir le dévoiler au monde. On parle ici littéralement d’années d’attente avant que les gens puissent enfin l’écouter, c’est incroyable de se dire qu’on y est presque !

Parlons-en de ce disque. J’ai pu entendre beaucoup de choses différentes dessus, des influences à aller chercher du côté de la britpop ou du rock alternatif 90’s. C'était une volonté de ta part de proposer quelque chose de plus “complet” que ce que tu avais pu montrer sur les deux premiers EP’s?

La manière dont je vois les choses c’est que toutes ces influences dont tu parles étaient déjà présentes sur All Roads Lead To The Gun I & II. Je n’étais juste pas assez bon à ce moment-là pour les retranscrire correctement. Si tu prends un morceau comme “Ain’t No Flowers” par exemple, l’idée était d’écrire un riff aussi stupide que "Song 2" de Blur. Tout cela était déjà présent mais pas de manière aussi élaborée. C’est particulièrement le cas par exemple au niveau des parties vocales ou je n’arrivais pas encore à reproduire ce que j’avais en tête. Le processus de travail autour de cet album, c’était vraiment l’apprentissage : Apprendre à être meilleur et à reproduire ce que j’ai en tête, ce que je n’arrivais pas à faire auparavant.

Y’a t-’il des objectifs particuliers que tu t’es fixé avec le groupe maintenant que vous semblez atteindre un autre milieu que la scène punk hardcore?

Notre objectif a toujours été de faire ce qui nous intéresse le plus sur le moment. J’espère que notre nouveau niveau de visibilité va nous permettre d’atteindre plus d’artistes avec qui collaborer et tourner, continuer d’élargir notre monde en gros. Je n’ai jamais vraiment été intéressé de me cantonner à telle ou telle chose, que ce soit la scène hardcore ou autre. L’idée avec Militarie Gun a toujours été de suivre ce qui nous semble le plus intéressant sur le moment. Tu sais, ça fait plus de 10 ans que j'organise des concerts, que je suis impliqué dans des tournées DIY avec des groupes de hardcore…Je ne ressens plus le besoin de prouver des choses au monde ou de rester dans un rôle, je l’ai fait pendant si longtemps et c’est ce qui a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. Mais qu’est ce qu’il me reste d’autre à faire? Dans quels nouveaux projets puis-je m’impliquer? C’est plutôt ça le but maintenant. 

Tu le disais, votre nouveau niveau de visibilité va vous ouvrir de nouvelles portes. C’est assez intéressant de voir que cet été par exemple, vous êtes autant programmés à Ieperfest, l’un des festivals hardcore les plus iconiques en Europe, qu’à Rock Werchter, une grosse machine bien mainstream. Comment vis-tu cette dichotomie?

C’est ce qu’on disait à propos d’expérimenter de nouvelles choses et atteindre de nouvelles audiences, c’est ce qui m’intéresse. Tu sais, j’ai toujours rêvé de jouer à l’Ieperfest mais faire quelque chose comme Rock Werchter, c’est tout nouveau pour nous. J’entends beaucoup que c’est quelque chose d’assez énorme. En tant qu'Américains, on n'en avait pas trop conscience mais on n’arrête pas de nous dire à quel point c’est quelque chose de significatif. Nous, on le voit comme une manière de connecter avec de nouvelles personnes, jouer devant un public qui ne nous aurait jamais entendu ailleurs. Faire des aller/retour entre ces deux mondes, c’est vraiment ce à quoi on aspire. On adore ce contraste.

Il n’y a visiblement pas que vous que ça concerne. On l’a vu avec un groupe comme Turnstile qui a basculé dans un autre niveau de notoriété, des groupes comme Knocked Loose et Scowl qui jouent à Coachella… Tu as aussi l’impression de faire partie de ce momentum que semble connaître la scène hardcore en ce moment? 

C’est certain. Je pense aussi que ce qui explique cela et ce qui “unit” ces groupes que tu mentionnes, c’est que beaucoup d’entre eux ont pris le temps pendant la pandémie de travailler sur leur écriture, ont pris le temps de produire les meilleures chansons qu’ils pouvaient et d'accroître leurs compétences en tant que musicien·ne. Le public a pris le temps de s’intéresser à cela et aux petits détails qui font la différence. Ce n’était pas forcément le cas avant la pandémie selon moi, tout particulièrement au sein de la scène hardcore qui était hyper traditionnelle dans son approche. Chacun·a élevé son niveau afin que cette plateforme puisse en bénéficier. On voit que la formule “parties rapides/breakdown” s’efface pour mener à quelque chose de nouveau et d’excitant. Et quand c’est le cas, cela n’implique pas que la scène hardcore, cela s’ouvre à un tout autre public. 

Y’a-t-il justement de nouveaux groupes qui ont peut-être attiré ton attention ces derniers temps et te poussent à devenir meilleur? Je dois dire que l’album de MSPAINT que tu as coproduit m’a complètement conquis.

Je n’aurais pas trouvé un meilleur exemple que ce groupe. J’ai encore écouté l’album hier et particulièrement le titre “Titan of Hope”. Cela m’inspire tellement de choses, c’est vraiment le meilleur feeling au monde quand un morceau te fait ressentir aussi excité et te donne immédiatement envie de créer quelque chose d’aussi bon. A chaque fois que j’écoute MSPAINT, j’ai ce feeling. D’un point de vue créatif, c’est un groupe qui m’emplit tellement de joie et qui me donne des frissons. Pour moi, c’est plutôt rare de le ressentir mais c’est vraiment ce qu’il y a de mieux. Quand tu trouves cette connexion, tu t’y accroches. Et dans mon cas, j’essaie de mettre mon nez dedans et de m’impliquer comme j’ai pu le faire avec eux. 

Produire pour d’autres groupes, c’est quelque chose dans lequel tu te vois t’impliquer davantage à l’avenir?

Oh oui, totalement. Je viens juste de finir de produire un album pour Public Opinion. Travailler avec des groupes inspirants, c’est évidemment positif mais c’est surtout une manière pour moi de garder un oreille sur ce qui se passe actuellement et d’être là au bon moment pour un groupe qui a besoin d’aide.

Une fois que l’album sera sorti, quels sont les plans? Tourner partout autant que possible?

Tourner, tourner, tourner, oui ! On travaille tout le temps sur des nouveaux morceaux, on veut garder ce flow créatif même si ce n'est pas toujours évident quand on est autant sur la route que nous. L’idée est de se prouver qu’on peut garder ce même niveau d’inspiration et trouver des manières de l’exprimer, que ce soit à travers des nouveaux morceaux, de nouvelles ré-interprétations de morceaux, des nouveaux clips vidéos, des sessions live…C’est très dur d’insérer tout cela dans le planning quand tu passes ton temps à tourner, prendre des avions, rentrer chez toi une semaine avant de repartir en tournée… On essaie parfois de développer ces nouvelles choses sur la route mais ça m'a déjà joué des tours dans le passé, je me suis éclaté la voix à plusieurs reprises à force de vouloir trop en faire ou d’essayer de nouvelles choses. A un moment, l’aspect physique prend le dessus.

Un mot de la fin sur lequel tu veux nous laisser ?

On est très excités de tout cet amour qui nous vient d’Europe récemment et on est ravis de revenir chez vous cet été et durant l’automne ! Merci !