Dossier

Goûte Mes Mix #93 : Azo

par Jeff, le 27 mars 2021

Tracklist: 

  1. Azo - Sunset on KALT
  2. Mr. Ho & Mogwaa - Hustler's Billiard
  3. Micropacer - Weberwiese
  4. Bladymore Galaxy - Aton
  5. DJ Godfather - Rebirth of a City
  6. Ken Ishii - Time Flies
  7. Emotive Response - Solid Fever
  8. AUX88 - Moon Walker
  9. Freakenstein - Panty Expansion
  10. Beat 7 - Operator 5
  11. UR - Baghdad Express
  12. Fjaak - Pull It Up (Steffi Mix)
  13. Daft Punk - Assault
  14. Empirion - Quark
  15. DJH - 91
  16. Myor - Side B
  17. Slam - Azure (Part 1)

Si vous avez arpenté les dancefloors bruxellois ces dernières années, le nom de Azo ne vous est probablement pas étranger. Résidente à Kiosk Radio et au C12, l'artiste est aussi à l'initiative des soirées Queer Future Club, Electronic Solidarity ou des Pink Nights. Pour faire simple, si la nuit bruxelloise rayonne au-delà des frontières du Royaume, c'est en partie grâce a cette activiste. Plus récemment, et pandémie oblige, on a également vu la productrice à la curation de la compilation Social Distancing initiée par le C12, une sortie dont on vous vendait les mérites il n'y a pas si longtemps. Sur cette dernière, Azo et ses invité·e·s nous prouvaient que la scène électronique belge ne s'était pas encore fait terrasser par la fermeture des clubs et qu'elle avait encore quelques tours dans son sac. Que ce soit dans le monde d'avant ou dans celui d'après, Azo n'est pas du genre à s'enfermer – en témoigne la diversité de la sélection qu'elle nous a concocté.

Ça fait quelques années qu’on te voit fréquenter les différents clubs de la capitale, peux-tu nous présenter un peu ton parcours?

Je suis une passionnée de musique, plus particulièrement d’acid, de rave et de techno de Détroit. Je suis  DJ, productrice et j’organise des évènements liés à la musique électronique. Je suis résidente au C12 et à Kiosk Radio et organisatrice de Queer Future Club avec Ange de la Mode, qui est un nouveau concept en collaboration avec le C12. On souhaite représenter le futur des fêtes queer, en mêlant musique, performances, activités et art, tout en étant ouvert et inclusif au regard de n’importe quel genre, sexualité, origine et n’importe quel code qui existe dans la scène LGBTQIA+. J’ai participé auparavant à l’organisation de nombreux évènements comme Electronic Solidarity, Bénédiction Rituels Exceptionnels, Dance Resurrection, ou la Pink Night, qui est la soirée de clôture du festival Pink Screens.

Récemment, on t’a vu associée au projet Social Distancing, une série de compilations initiée par le C12, sur lesquelles on retrouve une bonne partie de la scène électronique belge. Quel a été ton rôle dans ce projet et plus largement celui de ton collectif Bénédiction ? 

J’ai été touchée lorsque le C12 m’a proposé de faire la curation de la dernière compilation Social Distancing, c’est un lieu et une équipe que j’apprécie particulièrement, c’est un peu ma deuxième maison. J’ai sélectionné les artistes en collaboration  avec eux. Le but était d’avoir une compilation qui reflétait mes influences musicales : acid, electro et breakbeat, mais en accord avec leur direction artistique. La volonté du C12 à travers son label et ses séries de compilations était de promouvoir durant la période de Covid-19 la scène électronique belge qui regorge de talents mais qui est sous-représentée.

Pour la Bénédiction, mon rôle était principalement d’assurer la programmation musicale toujours en collaboration avec le C12. Ça a été une super opportunité pour moi, le C12 nous a toujours suivi et soutenu dans nos délires les plus fous. On  a pu inviter des artistes queer mondialement renommés comme The Blessed Madonna ou Honey Dijon, et j’ai pu aussi faire jouer des gens qui ont marqué l’histoire de la musique comme Joe Smooth ou Lil Louis. Le but de la programmation était aussi d’avoir une diversité à tous les niveaux, que ce soit le genre, la sexualité, ou les origines des artistes.

À l’image de tes sets, cette dernière compilation mélange des influences rave, house, techno…. Peux-tu nous présenter les différent.es invité.es et revenir sur la direction artistique que t’as voulu insuffler au projet ? 

C’était l’occasion d’avoir une sélection un peu plus mentale que mes productions habituelles, comme la période actuelle ne prête pas a la danse. J’étais contente de réunir des artistes qui ont contribué a mon développement musical comme The Acid Mercenaries. Ils ont été une grande inspiration pour moi, ces gars sont des monstres du live, ils enregistrent leur morceau la plupart du temps en une prise, le tout avec des machines analogiques et ça sonne toujours bien. Dj Lovepills m’a énormément appris sur la techno de Detroit et sur l’acid, c’est une vraie source de savoir et il est toujours là pour me supporter quoi que je fasse. On le retrouve aussi sous l’alias Singularity avec une track qu’aurait pu produire Green Velvet en hommage a George Floyd. Golv est un des membre de Charnier qui envoie un morceau hypnotique acid bien dark et Placid One et Cabasa sous leur alias  Ipso Facto est un duo à suivre qui nous balance un morceau breakbeat sortie de l’espace.

Il y a quelques semaines, les organisateur·rice·s de la rave du nouvel an de Rennes ont qualifié leur geste de « politique ». On te sait particulièrement investie politiquement, dans quelles mesures définirais-tu la musique et l’organisation de soirées comme des moyens de militer ? 

Je regardais il y a quelques jours un reportage sur les raves des années 90, et je me dis que par rapport à la situation actuelle on a peu progressé au final. Nous, la communauté techno, on a toujours dû se battre pour exister et être reconnus comme une culture. Ça va des aides financières qui ne sont pas mises en place pour sauver les clubs, aux bâtons qu’on nous met dans les roues pour organiser des évènements, en passant par les clichés sur les gens qui écoutent de la musique électronique. On a toujours été le dernier maillon de la chaîne, on n'est pas pris au sérieux mais c’est pas ça qui va nous décourager. Pour moi une fête c’est avant tout la volonté  de créer le temps d’une nuit une zone où l’on respecte des valeurs qu’on a choisi, où l’on peut apprécier de la musique librement sans obligations et où l'on oublie le système absurde dans lequel on vit. On ne peut pas laisser le monde de la musique électronique se noyer sans rien dire. A un moment il faut montrer qu’on est là et c’est ce que les organisateurs de la rave de Rennes ont fait.

Après une année de privations et de répressions, penses-tu que la période que nous traversons va redéfinir nos manières de faire la fête, de danser ? 

C’est dur a prédire, mais j’espère qu’on agira comme une communauté, qu’on prendra soin les un des autres, qu’on apprendra a accepter les différences, qu’on privilégiera la qualité musicale et qu’on pourra vivre pleinement notre amour de la musique.

Pour finir, peux-tu nous détailler la sélection que tu as concoctée pour ton mix et les sorties qui t’ont marquée dernièrement ?"

Le premier morceau « Sunset on KALT » sortira le 19 mars, il raconte mon trip au KALT, un club à Strasbourg ou je suis allée jouer en septembre sur leur rooftop. C’était une des seules occasions où j’ai pu faire danser un public depuis cette période de Covid, c’était important pour moi de dédier un morceau à ce voyage. J’étais obligée de faire un hommage aux Daft Punk. Ils ont marqué et influencé toute une génération. C’est fou de se dire que ce morceau Acid « Assault » une de leur production. Au final, ils ont aussi commencé par se produire dans des raves et ils ont eu cette volonté de démocratiser la musique électronique. Il y a un  morceau d’UR. (Underground Resistance) qui m’a beaucoup influencée, et en plus de leur musique, leur combat contre la ségrégation ethnique, sociale et spatiale reste actuel. Il y a aussi des morceaux en hommage aux raves comme « Quark » de Empirion ou « Side B » de Myor, qu'on se passe ici en attendant de pouvoir les écouter en plein air. J’ai aussi glissé  un morceau du label Ritmo Fatale, qui est le label d’Italo Disco du moment tenu par le talentueux Kendal. Il y bien sûr des morceaux techno aux influences de Detroit comme « Azure » de Slam ou « Time Flies » de Ken Ishii avec des vagues mélancoliques pleines d’espoir qui résument bien la période qu’on vit pour le moment. Je les écoute et je continue a y croire ; un jour on pourra les écouter sur un gros sound system au lever du soleil, pouvoir se prendre dans les bras et se dire que plus rien d’autre n’a d’importance.