Stunt Rhythms

Two Fingers

Big Dada – 2012
par Aurélien, le 26 octobre 2012
8

On enfonce des portes ouvertes si l'on vous dit que la dernière livraison d'Amon Tobin, ISAM, compte parmi les plus gros feux de paille parus l'an dernier: bavard dans son fond mais vide dans sa forme, le jumeau stérile du Avenger de Hecq loupait le coche en ôtant son affolant sound-design de toute réelle puissance. Et si le retour aux affaires de Two Fingers, le side-project du beatmaker et de son pote Doubleclick nous en touchait a priori une sans bouger l'autre – la faute à un premier essai qui lui aussi avait vite pris des allures de coup d'épée dans l'eau – c'est toujours le souvenir de son imbattable Foley Room qui nous fait espérer retrouver le Brésilien dans une forme olympique. Et justement, Stunt Rhythms est bel et bien le coup de fouet qu'on attendait de lui. Loin du détail de ses aînés, Stunt Rhythms dévoile une torpille en mode ''dubstep de stade'' à des années-lumière de la tentative foireuse de Magnetic Man.

Ainsi, dès le ''Stripe Rhythm'' inaugural, le duo ne ment pas sur la marchandise, à savoir un album ''recentré autour des beats et de la basse''. Stunt Rhythms, c'est le retour aux fondamentaux que l'on n'attendait plus et qui permet à Tobin d'allier enfin son industrie de pointe à une puissance de feu radicale. Et à ce petit jeu guerrier, plus question de temps morts : la deuxième galette de Two Fingers aligne bien tranquillement pas moins de vingt-et-un (!) titres tous plus coupe-faim les uns que les autres. Des morceaux qui font la part belle à la violence mécanique, aux basslines nucléaires et à la déconstruction en mode mindfuck. On pourrait presque se demander comment on en est arrivés à apparenter un tel bordel digital à de la musique, tant tout semble s'apparenter à des ''wubwub'' ou des ''twiidiidii'' absolument irreproduisibles à la bouche.

Mais dans le fond tout ici sonne comme une évidence où chaque son, chaque fréquence, et chaque kick est l'affaire d'une logique mathématique et mentale telle qu'elle relève de la virtuosité pure. Et les deux fous furieux ne se sont autorisés aucune récréation pour faire perdurer cette jouissive rigueur, tant chacun des breakbeats du mastodonte nous colle des crampes au bide, du sang dans les esgourdes et de l'adrénaline plein les tempes. Prises en sandwich dans cette surenchère de rythmes, les esgourdes n'auront d'autre choix que le repli ou l'affrontement. Un affrontement qui risque de faire siffler plus d'un tympan, au détriment d'un repli qui, lui, va probablement générer des générations entières d'actes manqués. On vous laisse choisir votre camp, camarades.

L'an dernier, si vous nous parliez d'Amon Tobin, on vous aurait ri au nez en vous affirmant que ''quitte à écouter du dubstep grassouillet, autant se tourner vers Hecq''. Cette année, tout l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière s'associe à nous pour vous confirmer que ce premier à repris la couronne qui lui était due, délivrant dans la foulée une fessée monstre à tout ceux qui avaient douté de son incapacité à mettre en branle une telle artillerie qu'elle ferait passer TNGHT pour le Two Fingers du pauvre. Et s'il semble que l'on verse un peu dans l'excès tout du long de ce papier, peut-être est-ce aussi parce qu'on a plus goûté à un tel uppercut depuis si longtemps que même Skrillex en devenait un substitut correct. C'est peu dire comme Stunt Rhythms arrive à point nommé pour remettre les points sur les i.