Magnetic Man

Magnetic Man

Columbia – 2010
par Simon, le 27 octobre 2010
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Octobre 2002. Artwork envoie un retourné facial dans la mâchoire de milliers de lads assoiffés de basse en sortant son Red EP. Les amateurs y voient une claque UK garage, mais sentent que dans l'ombre se prépare quelque chose de frais, de totalement neuf. Un an plus tard, deux paumés de seize ans intègrent Big Apple et balance une autre gifle : « The Judgment ». Leurs noms de code? Skream et Benga, une paire qui claque comme Smith & Wesson. Encore innomé, le genre a déjà trouvé ses soldats. Les El-B, Digital Mystikz, Hatcha, Horspower Productions, Kode9 et autres vétérans du garage massacrent la nuit londonienne chaque week-end au FWD>>; les cockneys, eux, fument des joints et dodelinent de la tête, rêvant déjà de leur prochaine partie de Playstation en retournant leurs casquettes sales et pas chères. L'histoire est en marche.

2010. Glastonburry. Fini la chaleur du FWD>>, on retrouve Artwork, Benga et Skream de front en haut d'une installation pyramidale clinquante, à balancer ce qui – trois vagues plus tard - est devenu une mode comme une autre. Cigares en bouches, les trois de Magnetic Man ont négocié leur contrat avec Columbia pour un album éponyme qu'ils espèrent juteux. Comment pourrait-il en être autrement? Skream aka « The Kid » et Benga font la pluie et le beau temps avec trois albums cumulés et des EP ravageurs sur Tempa, Tectonic, Swamp81 et Hyperdub. Les mains dans la crème et le cul dans le beurre, ces trois-là vivent le rêve éveillé.

Mais tout cela nous éloigne de notre sujet. Tout d'abord, Magnetic Man est clairement en phase avec son époque. Le dubstep a quitté la fumée pour les lasers, Magnetic Man suit logiquement le mouvement et taille sa part dans un son ultra-compressé, pop et forcément creux. En mettant leurs orgueils de côté, les trois trouvent une alternative qui correspond mieux à leurs nouvelles aspirations : le clubbing délétère sur fond de grosses formules démago. On invite une poignée de jeunes salopes chanter sur des hymnes dubstep/pop « à l'anglaise », on lèche le produit au maximum pour que rien ne dépasse du cadre et on emballe le tout dans un papier glacé pour que l'ado ne se sente pas obligé d'avoir à le réécouter avant de partager sur YouTube. Le problème, c'est que c'est foncièrement moche, pas raffiné pour un écu et complètement dispensable. L'expérience sert ici un mauvais maître, et compte être partout à la fois afin d'attirer le chaland dans le traquenard.

On pourrait gloser encore et encore du cas Magnetic Man. On se contentera d'adresser d'entrée de jeu le carton rouge, car après tout on s'en fout, tout le monde le sentait venir. Cet album éponyme est une farce, un buzz bien exploité qui aura donc atteint son but. C'est d'ailleurs leur auteurs qui discréditent finalement le plus le projet Magnetic Man, Skream et Benga (Artwork étant d'un naturel plus discret) continuant de produire leur titres en solo pour des écuries cette fois respectables. En ça, on tient la preuve que ce genre de tentatives ne constitue que des parenthèses malhabiles au cœur d'un magma plus que jamais bouillonnant. C'est ce qu'on appelle tendre le bâton pour se faire battre. Et cette fois, ils l'ont bien mérité. Mieux, ils l'ont carrément cherché.

Le goût des autres :
4 Thibaut 6 Julien Gas