Jatoma

Jatoma

Kompakt – 2010
par Simon, le 14 décembre 2010
7

On ne sait pas grand chose du trio Jatoma. La légende raconte que ce trio masqué totalise soixante-huit bougies et que deux de ses membres n'ont même pas vingt ans - on sait toutefois que le plus âgé est un membre de Who Made Who, et que les deux jeunots forment ensemble le duo Electrojuice. Ce qui est sûr par contre, c'est qu'en arrivant sur Kompakt, les trois anonymes ont tiré le gros lot. A peine le temps d'imposer son single « Helix » sur la dernière compilation Total que le groupe débarque déjà avec un premier album éponyme. Plutôt rapides les lascars.

Rapidement intégré sur le label de Cologne, on aurait pu penser que Jatoma allait jouer la facilité en se posant comme un énième combo prompt à nous balancer une tech-house chaleureuse, et parfois passe-partout, dont la structure a le secret. Il n'en est rien, Jatoma profitera du premier carrefour pour quitter la ligne musicale de ses comparses. Le trio prend directement la tangente et livre un album qu'on aurait imaginé sur des labels comme Honest Jon's, Warp ou Paw Tracks plutôt que chez les chantres de l'électronique mondialisée. Non pas que la maisonnée Kompakt soit synonyme de mauvais goût, mais simplement que la prise de risque n'a jamais été un maître-mot chez les apôtres de Michael Mayer. Et il faut bien avouer que le goût de l'aventure est l'élément central qui nous permettra de décoder, et d'apprécier, ce premier essai de Jatoma.

Car cette house là tire plus sa substance des travaux de Four Tet, James Holden, Animal Collective, Caribou et Dan Deacon que de la masse grouillante des producteurs house et techno qui inondent le marché actuel. Comprenez par là une musique électronique qui se détourne des schémas de composition traditionnels pour se recentrer autour de l'instinct, de la manipulation et du travail d'artisan. En découle une house aux contours incertains, un matériau presque brut et pourtant travaillé à l'extrême. La musique de Jatoma devient rapidement psychédélique, tournoyant autour de kicks 4/4 fuyants, balançant des inspirations presque ethniques et des coulées acid contemplatives.

Jatoma doit beaucoup à l'héritage laissé par l'écurie Border Community (on pense surtout au tryptique James Holden/Fairmont/Luke Abott), connue pour son onirisme psyché ainsi que pour sa synthèse romantique du son techno/house. En gros Jatoma c'est du porno-chic, on passe du populaire à la tentative expé sans se poser de questions, on mélange les certitudes house à l'aléatoire de la manipulation live. Les écoutes passent et les sensations s'impriment. On est donc loin du happening le plus opportuniste, et Jatoma mérite bien qu'on parle de lui comme l'une des plus belles promesses de cette année 2010.