Corpus Offal
Corpus Offal

Traditionnellement, une entrecôte de bœuf peut maturer sans problème jusqu'à douze semaines. Au-delà, on commence à entrer dans quelque chose de plus particulier. Après cinq ans de maturation, ça devient du Corpus Offal : ça pue la charogne et c'est rempli de vers.
Né sur les cendres de Cerebral Rot – dont on vous recommande très chaudement l'écoute des deux premiers albums –, le nouveau bébé de Clyle Lindstrom (aussi actif dans l'excellent Caustic Wound) et Ian Schwab a quelque peu revu son line-up en ajoutant le monstrueux batteur de la légende funeral doom Bell Witch et le bassiste de Demoncy. Si ça ne schlinguait pas autant la chair en décomposition, on aurait pu commencer à sentir ici cette petite odeur de supergroupe. Parce que, punaise, ce premier album éponyme prend bien le nez.
La bonne nouvelle, c’est que Corpus Offal récupère Cerebral Rot dans la cave où il a été laissé pour mort en produisant un death metal sanguinolent, obscène et malaisant. Tout tient dans cette introduction où on entend un tueur en série expliquer de manière graphique son procédé et ses obsessions. Et puis c'est parti pour la tripaille musicale. Que les gourmets ne bandent pas trop vite, ici on n'est pas sur du tablier de sapeur bien noble avec petite sauce aux morilles. Le groupe de Seattle fait plutôt dans l'éviscération au couteau ébréché et rouillé comme il faut. Pas de tendance prog comme on peut en apercevoir à peu près partout pour le moment, juste du metal brutal gorgé de dissonances et de soli qui ne vont nulle part. Ce qui n'empêche pas nos trois Américains d'être follement techniques et appliqués, remettant toujours une pièce dans la machine avec un riff de tueur, une cavalcade bien frontale ou un passage death/doom quelque peu ralenti.
On ne célébrera jamais assez la performance vocale de Ian Schwab, qui oscille ici entre le ton très guttural de Phrenelith et le côté quasiment balbutié de Demilich. Ce n'est même plus du chant à partir d'un certain niveau, c'est Flubber en version porte-peste de Nurgle. Et c'est clairement la cerise sur un gâteau resté au soleil trop longtemps. Dans une ambiance de slasher permanent, Corpus Offal se raconte comme une reconstitution de meurtres ignobles lors d’une garde à vue qui dure trop longtemps. D'ailleurs, preuve que les Américains veulent prendre le temps de raconter ces histoires sordides sans perdre le luxe du détail, on quitte ici le format propre au genre depuis les classiques des années 90 (9 titres, 39 minutes) pour embrasser des durées sensiblement plus longues. Et quand il nous semble que l'addition peut enfin être réglée dans ce restaurant de l'enfer, Corpus Offal finit sur un dernier titre de douze minutes, plombé au doom et aux constructions labyrinthiques (ce qui n'exclut pas quelques dernières ruades délicieuses).
Ce qui pouvait en apparence être un énième disque de deathgrind sans âme se révèle finalement être un grower très solide. Une série de scènes d'horreur racontées de manière trop fidèle à la réalité, exécutées musicalement avec la précision d'un esprit dérangé, infiniment dégoulinantes, repoussantes et poisseuses malgré une production assez propre. Dégueulassement délicieux comme vous pouvez l'imaginer.