Le Journaliste

Anne James Chaton & Andy Moor

Unsounds – 2008
par Simon, le 9 février 2009
7

Anne James Chaton. Ce nom vous est peut-être familier en raison de son apparition remarquée sur le dernier album en date de l’Allemand Alva Noto, avec son incroyable habileté pour débiter les mots dans des slams expérimentaux de haute volée. A ce titre, l’art de ce poète sonore se rapproche plus de titres comme « L’Europe » de Noir Désir que de la prose consensuelle de Grand Corps Malade. Une volonté de travailler l’incertitude de la matière vocale qui l’amène à travailler avec les pontes de la scène expérimentale contemporaine : Alva Noto tout d’abord, et maintenant l’omniprésent Andy Moor. Andy à la guitare, Anne James Chaton au micro. Et c’est tout.

Pour ceux qui n’auraient jamais posé une oreille sur les lectures du Montpelliérain, sachez que ce slameur est le roi de l’information en haut débit : données chiffrées, informations économiques, analyses politiques, déclinaisons sociales, prévisions météorologiques et j’en passe. Alors quand ce journaliste des temps modernes prend la peine d’épingler cent portraits qu’il a lui-même rédigés, le résultat tape dans la description au vitriol de la société contemporaine au cœur des grandes mégapoles. Une société gangrénée par le vice et l’individualisme dévorant. Et pendant qu’Anne James Chaton noie l’auditeur de ses frasques verbeuses, Andy Moor, lui, s’occupe de peindre un fond musical minimaliste à l’aide de sa seule guitare électrique et d’une poignée de séquenceurs. Qu’il soit question d’un blues répétitif ou d’une suite de notes pincées et tranchantes, cet arrière-plan se veut en parfaite adéquation avec les vers ici déclamés.

Mais il ne fait nul doute que c’est véritablement le contenu de ces centaines de paraphrases qui retient l’attention. Impossible en effet de se détacher de cette voix qui vous siffle aux oreilles minute après minute bon nombre d’informations indigestes (tickets de caisse, modes d’emploi...) ; cette voix est un poison, un narcotique qu’il est impossible de ne pas inhaler. Et quand Anne James Chaton s’éclipse pour un « Frequencies » instrumental et oppressant, on en vient à regretter immédiatement cette voix mécanique et déshumanisée qui est la sienne. Huit titres plus tard, c’est une vision désacralisée du monde qui nous est proposée ici : du système « Sarkozy » aux actions catastrophiques de nos grandes entreprises nationales, tout finit par passer sous la moulinette verbale du Français.

Finalement, Le Journaliste est un des disques les plus humains qu’il nous ait été donné d’entendre au vu de son incroyable capacité à dessiner les gens, l’air ambient que nous respirons tous les jours, les métiers que nous exerçons, les sytèmes économiques qui nous oppressent, les peurs qui nous paralysent, les maladies qui nous contaminent, l’argent qui manque dans les portefeuilles et toutes les formes de réalité qui tombent, ou tomberont un jour où l’autre, sous un de nos cinq sens.

Le goût des autres :
7 Julien