Heated

Jana Winderen

Touch – 2009
par Simon, le 15 avril 2009
7

Bon nombre d’entre vous ont certainement dû remarquer à quel point les disques de relaxation en tous genres pullulent dans les rayons des grandes surfaces. Qu’ils mettent en avant des gazouillis de criquets dans les hautes herbes provençales, des évocations de cérémonies indiennes ou encore le ruissellement continu d’une rivière en haute altitude, ces disques faisant l’éloge de la zen attitude ont définitivement la cote. Cette technique commerciale visant à promettre à la ménagère anxieuse un bien-être à la carte n’en finit pas de vendre, comme un contrepied à cette fatalité d’époque qu’est le stress quotidien.

Pour d’autres la reproduction de sons environnementaux a bien vite pris une dimension tout autre. Qu’ils soient musicologues, scientifiques ou simplement musiciens, ces chasseurs de sons ont élevé au rang d’art la capture sonore naturelle. Il n’en fallait pas plus pour que naisse le « field recording », genre musical se consacrant entièrement à l’analyse des sons environnementaux. Une fois embrigadé sur bande magnétique, le son subira différents traitements en fonction de l’objectif voulu : pur document descriptif ou véritable entreprise musicale, auquel cas le matériel sonore brut se verra retravaillé, élagué jusqu’à en devenir quelque chose de personnel. Jana Winderen est de cette caste-là. Mais la Norvégienne ne s’arrête pas là, elle pousse encore plus loin l’art de la sédimentation sonore en se plongeant dans l’obscurité des fonds marins pour y trouver la matière première de son expérimentation.

Armée jusqu’aux dents d’hydrophones (des microphones waterproof si vous préférez), la belle retransmet au cours d’une prestation live le microcosme marin qu’elle étudie depuis de longues années. Température de l’eau, profondeur des différents micros, localisation géographique, autant d’éléments qui agissent sur la nature du son et qui font l’objet d’une attention toute particulière au moment de mettre ça en « musique ». Une bien belle expérience à déconseiller aux claustrophobes car, une fois mise en marche, l’auditeur se voit accroché par le cou à une gueuze ayant pour unique direction le fond des océans. Et à des dizaines de mètres sous l’eau, il ne fait pas bon vivre, croyez-moi : la noirceur absolue à des kilomètres à la ronde, l’impression d’être seul et observé de tous sans pouvoir prendre pleinement contact avec la matière. Une ambient massive qui prend parfois le temps de remonter à la surface afin d’écouter le chant rauque d’une pluie tombant sur la mer glaciale, comme pour mieux replonger au cœur de l’enfer marin.

En réalité, ce qui différencie ces tentatives expérimentales des vulgaires disques de relaxation cités plus haut, c’est le rapport étroit entretenu avec la matière sonore : crue et authentique, la captation ne pose aucun écran entre le micro et les phénomènes naturels, augmentant ainsi la consistance du traitement pour obtenir finalement une musique ambient angoissante à vous faire pleurer un marin. Pas de voile déformant, ni de détournement de son, ici l’expérience est vivante et intense. Un disque à vivre absolument.