Brockhampton est la solution à l'inertie du hip-hop alternatif

par Amaury, le 18 mai 2017

On n’est pas du genre à utiliser des superlatifs dans le vide, ni des formules toutes faites, mais cette fois on a quand même envie de céder à la tentation : arrêtez tout, on a trouvé la solution à l’inertie du hip-hop alternatif !

Avant de présenter la clique de Brockhampton, il faut d’abord reconnaître que le genre a quelque chose de particulièrement répétitif, d’engluant, voire d’un peu stationnaire, et pour cause, qui écoute encore le dernier Flatbush Zombies malgré sa qualité et l’énergie qu’il était parvenu à déballer au moment de sa sortie ?

De manière générale, les mixtapes tombent au rythme des épisodes de Koh Lanta. Gros kiff jusqu’aux poteaux, puis l’aventure s’évapore en ne laissant derrière elle qu’une poignée de punchlines, pourtant très efficaces. Le hip-hop alternatif souffre en quelque sorte du même phénomène. On s’y gave avec plaisir, sans jamais vraiment retenir un champion pour très longtemps. Titres et figures défilent tant qu’une même énergie maintient l’auditeur en haleine.

Dans ce roulement, Brockhampton vient de livrer l’une des dernières claques magistrales que le genre pouvait attendre avec leur single « Heat », corrosif, lourd et baveux.

Sauf que l’équipe a lâché la semaine dernière un titre totalement à son opposé avec « FACE », bien plus classique et downtempo. Ils y parlent d’amour à l’aide d’un ton suave, posé et affecté, sous des allures plus proches du R&B alternatif. La rencontre entre les différentes perspectives fournit d’ailleurs au clip son matériau : une collection de gestes brutaux pour illustrer une production très smooth.

Et c’est là que réside la force du groupe : ils sont capables d’aimer Bambi comme de bouffer des chauves-souris, avec une volonté de variété qui dépasse la posture ou la direction que pourrait prendre l’énergie d’un morceau. Les mecs appliquent un principe de diversité à l’ensemble de leurs productions, du son au flow en passant par une multitude de chemins.

« Canon », le tout premier extrait de leur prochain projet Saturation, jette un pont entre les deux dynamiques, mais pour saisir l’ampleur de leur potentiel, on vous invite à vous envoyer la folie de leur première mixtape, All-American Trash, sortie en mars 2016 et téléchargeable sur le site du collectif – ou plutôt du « all-american boyband » comme ils préfèrent se caractériser.

Brockhampton rassemble donc huit personnalités issues de plusieurs villes entre New York et le Texas avec Kevin Abstract en tête de file, suivi par Joba, Matt Champion, Ameer Vann, Merlyn Wood, Dom McLennon, Rodney Smoothback Tenor et Bear//face. Chacune d’elle trouve sa place sur le projet, ce qui offre une unité à la mixtape malgré ses extrêmes divergences. Elle ne propose pas une série de titres désarticulés qui seraient la vitrine de chaque talent. Le tout s’échappe avec fluidité, de l’obscurité de « Ben Carson » à l’hystérie de « Flip Mo » avec des liens beaucoup plus doux et soul comme « Michigan » pourtant infiltré par des infrabasses bien lugubres que l’on retrouve ailleurs en pleine puissance. Le collectif fonctionne en tant que tel, sur chaque morceau, rendant ainsi l’ensemble pertinent comme jamais.

En vérité, on ne sait pas si Brockhampton se présente comme une solution, comme on ne sait pas finalement si le hip-hop alternatif se trouve devant un problème. On est dans tous les cas persuadés que la bande lui fait le plus grand bien, en lui offrant un superbe aboutissement. Et on attend avec grande impatience la suite qui devrait normalement tomber durant le mois de juin. D'ici là, il reste encore beaucoup de matière avec les trajectoires solo de tous ses membres, ou il suffit encore de se renvoyer l'ensemble, sans saturation.