Tramhaus
Tramhaus fait autant de concerts dans le mois qu’il y a de cannettes de Maximator dans un festival des arts du cirque. Après avoir surfé sur leur hype suite à une flopée d’EP's estimés prometteurs par les professionnels de la musique, le groupe post-punk néerlandais semble farouchement décidé à continuer à convertir le maximum d’oreilles au mètre carré. Surtout après avoir réussi à transformer l’essai du premier album sans se foirer lamentablement. Rencontre avec les crèmes que sont la bassiste Julia et le batteur Jim, dans une ambiance cosy de loges du Petit Bain à Paris.
Est-ce que le plus grand soulagement après la sortie de The First Exit, c’est qu’on a enfin arrêté de vous demander à chaque interview la date de sortie de votre premier album ?
Jim : C’était une bonne chose qu’on ait arrêté de nous poser cette question. Mais assez rapidement, on nous a demandé si nous avions une idée de la date de sortie du deuxième album !
Julia : Attendez au moins un an quand même !
Jim : Les fans ont l’air d’être pourtant encore bien nourri à l’heure actuelle.
Avez-vous ressenti le stress de devoir être à la hauteur de la hype de Tramhaus disparaître après la bonne réception globale de The First Exit ?
Jim : C’était tellement flippant parce qu’il y avait une telle pression autour de cet album ! On ne sait jamais à quoi s’attendre puisque chaque personne a des standards différents. L’accueil favorable de la presse et des fans a été merveilleux pour le groupe. Je n’ai pratiquement pas eu vent de réactions négatives, ce qui est incroyable.
Julia : Ce qui fut un grand soulagement ! Mais cela met en même temps une pression considérable pour le second…
Vous ressentez donc l’angoisse absolue de la suite pour Tramhaus. Être artiste, c’est être condamné à souffrir ?
Julia : Oui, il faut croire que nous avons des tendances masochistes !
Jim : Nous allons commencer à écrire de nouveaux morceaux et je suis très excité. The First Exit est sorti en septembre 2024 mais nous avions ces compositions dès l’été 2023. C’est encore nouveau et frais pour le public mais bien ancré dans l’esprit du groupe. Je suis prêt pour la suite.
Vous avez écrit les morceaux de The First Exit en quelques jours durant une pause d’une tournée. C’est la seule méthode de songwriting pour Tramhaus ?
Julia : En deux semaines exactement. Je pense en effet que c’est la seule méthode ! Nous faisons toujours les choses à la dernière minute.
Jim : Nous avons écrit les premières chansons durant le COVID. Le groupe avait donc beaucoup de temps libre pour les répétitions ! Quand nous avons commencé à tourner, ça a tout de suite été plus compliqué. "Minus Twenty" et "Erik’s Song" ont été les seules nouvelles chansons ajoutées à notre répertoire en trois ans.
Julia : Notre état d’esprit pendant ces deux semaines de pause était : prions pour que nous puissions en tirer quelque chose ! Parce qu’à ce stade, nous n’avions pas grand chose et nous avions toujours des jobs à côté. Tu entends toutes ces histoires de groupes qui arrivent à composer dans des chambres d’hôtel ou dans les loges, qui ont des illuminations dans le van… Nous ne sommes pas comme ça. Il y a bien eu quelques essais mais ça n’a pas marché… Nous avons besoin de la pression de la dernière minute !
Je pense qu’on peut vous décerner le titre de groupe le plus actif du rock’n’roll parce que vous êtes constamment en tournée. Quels sont vos meilleurs conseils et astuces pour garder votre intégrité mentale et physique ?
Jim : Le groupe est attaché au DIY. Nous conduisons nous-mêmes et notre ingénieur du son est le seul à nous accompagner. Tramhaus n’a même pas de tour manager. C’est pratique dans le sens où nous avons la main sur tout. Il est donc particulièrement important d’avoir des moments de repos pour prendre soin de soi et s’aérer la tête, se promener seul… C’est primordial quand tu passes ton temps entassé les uns sur les autres.
Julia : Nous lisons beaucoup au cours de cette tournée. Nous aimons échanger des livres et je trouve cela très agréable…
En tant que nerd qui bosse dans une librairie, je suis obligé de vous demander vos dernières recommandations de bouquins !
Jim : J’ai lu "Les Bébés de la consigne automatique" de Ryū Murakami l’année dernière pendant une tournée et j’ai adoré. Punk, bizarre et cool ! Je le recommande à tout le monde depuis.
Julia : J’en ai tellement car je lis énormément en ce moment… Mais je vais choisir "Vers le paradis" de Hanya Yanagihara. J’avais lu son précédent ouvrage "Une vie comme les autres" pendant l’enregistrement de l’album et il m’a fait pleurer comme un bébé. "Vers le paradis" est tout aussi incroyable ! Lire a été un élément essentiel de cette tournée. Parfois, nous avons aussi juste envie de jouer à Fortnite ! J’ai apporté ma Switch mais je n’y ai même pas touché pour le moment.
Jim : Tu ne peux pas savoir à quel point ça nous rend heureux d’avoir un livre et des heures de route devant nous… Heureusement que nous n’avons pas le mal des transports !
Dans chacune de vos interviews, on parle automatiquement de vos sacrées performances live. Êtes-vous parfois frustrés qu’on ne parle pas avec encore plus d’enthousiasme de votre travail en studio ?
Jim : Non parce qu’on nous pose aussi beaucoup de questions à propos de l’album pendant les interviews. Même s’il est parfois difficile de trouver des réponses originales et de ne pas se répéter…
Julia : Jim et moi n’aimons pas vraiment le travail en studio… Les autres membres du groupe auraient sûrement des réponses intéressantes sur des choses spécifiques concernant la manière dont l’album a été enregistré. Mais pas nous ! Être tatillon sur la moindre note nous dépasse un peu… Le travail en studio peut être vraiment chiant !
Vous avez apparemment pris la décision collective d’abandonner vos jobs pour vous concentrer pleinement sur le groupe. Est-ce la décision la plus difficile que vous ayez prise depuis les débuts de Tramhaus ?
Jim : Nous n’avons pas complètement abandonné nos emplois mais nous avons fait beaucoup d’aménagements et de changements. J'ai toujours un boulot à temps plein mais qui est très flexible, ce qui est génial. Nadya et Lukas travaillent maintenant pour moi et nous avons donc mis en place un système qui arrange tout le monde.
Julia : Je bosse dans un bar donc j’essaie de faire autant d’heures que possible quand je ne suis pas en tournée. Avant cela, j’ai eu un job pendant six ans et qui était beaucoup moins flexible. Il était incompatible avec la vie d’un groupe en tournée. Cela a été un énorme risque de le quitter ! Mais nous ne regrettons rien car nous pouvons dire oui à chaque date.
Tramhaus est un groupe profondément européen. Mais quelles sont justement vos pires anecdotes de tournée en Europe ?
Jim : Nous n’avons pas tellement d’histoires de ce genre ! Nous sommes traités tellement gentiment par les gens que nous rencontrons aux Pays-Bas, en Belgique, en France… Nous faisons maintenant des plus grandes salles mais c’est resté très professionnel. Nous sommes allés par exemple en Serbie sur cette tournée pour la première fois. Nous ne connaissions que deux personnes à Belgrade et pourtant c’était tellement cool ! Pour répondre plus précisément à ta question, j’ai une anecdote… Nous dormions quelque part dans un endroit paumé et la piaule où j’étais empestais le poivre noir. Ce n’était pas forcément désagréable mais assez étrange. Le lendemain, j’ai voulu en avoir le cœur net et j’ai cherché sur Google les possibles explications de cette odeur. Le premier résultat était : comment se débarrasser d’un problème de rats ? Nous avons vite déguerpi avant de perdre un orteil ou d’avoir des trous dans nos tee-shirts.
Julia : Notre voiture est tombée en panne lors de notre première tournée. C’est la première fois que nous avons pleuré ensemble. Le groupe est resté bloqué quatre jours en Pologne sans voiture de remplacement et à se demander si nous ne devrions pas tout annuler. C’était très difficile de continuer à espérer. On a finalement réussi mais on était au fond du trou ! L’avantage est d’avoir pu découvrir à quel point Varsovie est cool…
J’ai lu quelque part que si vous aviez tout le temps et l’argent du monde, vous voudriez faire une collaboration avec un orchestre et une grande chorale. Vous essayez de répandre la bonne parole de la musique classique dans la scène punk ?
Jim : Je ne sais pas qui a dit ça mais ça ressemble à Nadya ou Lukas ! On vient de l’apprendre grâce à toi ! C’est vrai que ce serait incroyable de se lancer dans une sorte de grandiloquence orchestrale comme certains morceaux des Beatles par exemple.
Julia : J’adore le son d’un orchestre. Surtout les instruments à cordes comme le violon… Je suis aussi très attirée par la musique de films et la possibilité pour Tramhaus de composer une bande originale. Ce serait hyper dramatique et on verrait les choses en grand !