Dossier

Wake Up The Dead #24

par Simon, le 10 février 2025

Wake Up The Dead, notre dossier consacré aux choses à retenir dans l'actualité des musiques violentes, signe pour une saison 2025 ! Pour vous accompagner en ces jours sombres, on vous a sélectionné 6 sorties essentielles.

The Halo Effect

March of The Unheard

Simon

On n’en aura donc jamais fini avec le son mythique de Göteborg. Tandis qu'In Flames est devenu un sacré groupe de merde depuis un paquet d’années maintenant, une bonne partie des membres passés dans la formation suédoise se rassemblent bon gré mal gré – c’est quand même surprenant de voir cet effort de rassemblement pour des musiciens s’étant à peine côtoyés pour certains – pour relancer le son mythique du melodeath made in Göteborg. Clou du spectacle, le groupe est rejoint par le chanteur d’une autre formation ayant largement participé à l’émancipation du son de cette ville, j’ai nommé Dark Tranquility. Il ne manque plus qu’un membre de At The Gates et le triumvirat était reconstitué en un seul groupe, ce sera pour une autre fois. Bienvenu donc au deuxième album de The Halo Effect, March of The Unheard, en forme de supergroupe ultra-nostalgique.

Parce qu’on ne va pas se mentir, l’idée est de reprendre ce qui a été fait il y a maintenant trente ans sans trop toucher à la formule qui a fait le succès de Whoracle ou Colony. Le son est guerrier jusqu’à la caricature, le jeu évidemment incroyablement propre  – trop, mais le genre veut ça – et technique, la production est épique et sert tout sur un plateau d’argent (même les interludes dégueulasses). Les gimmicks sont calés à l’extrême, avec son lot de feux d’artifice, de rengaines finalement bien pop et ses effets d’aspiration avant les explosions surjouées. Du death metal mélodique un peu hystérique qui donnera un maximum de plaisir si votre délire est de vous imaginer en lieutenant Space Marine en train de démâter toute une flotte-ruche Tyranide à coups d’épées-tronçonneuses avec votre escouade fraîchement débarquée de son Drop Pod. C’est bien fait et c’est impossible à ne pas aimer fondamentalement. Mais ça reste bien en-dessous du Kinship de Iotunn sorti à la toute fin de l’année passée. Conseil d’ami : allez plutôt là-dessus.

Filii Nigrantium Infernalium

Perfida Contracção do Aço

Simon

Dans tous les bon Livres Dont Vous Etes Le Héros il y a ce passage où vous allez à la rencontre d’un carnaval itinérant sur le chemin entre deux bourgades. La compagnie, qui fait souvent bonne figure au premier abord, se révèle vite être une bande de cultistes bizarres qui dansent tout nus en buvant des calices de sang une fois la nuit tombée. Et bien, Filii Nigrantium Infernalium c’est exactement ces circassiens infernaux incapables de se tenir tranquilles. Montée sur un hybride assez cocasse de black et de heavy metal, cette bande de Portugais est à l’image de cette pochette qu’on doit à l’incroyable Paolo Girardi : dérangeante, impossible à vraiment fixer dans les yeux et terriblement addictive.

La voix haut perchée de Belathauzer tient de la sentence permanente, constamment instable, larmoyante puis punitive. Côté musique, ce n’est pas moins baroque. La musique de FNI est terriblement axée sur le résultat, elle va d’un point A à un point B en termes d’efficacité punk, elle craque ses soli heavy à l’instinct – souvent de manière appuyée et talentueuse – envoie tout valser avec des tous-droits black metal qui nous feraient presque oublier les inflexions thrash ou prog du bordel. C’est les toujours propres d’Iron Maiden qui rencontre la vie de merde de Leviathan, le genre rococo qui rencontre dans le squat sa grande sœur héroïnomane. C’est blasphématoire au possible depuis trente ans (le chant en portugais en rajoute d’ailleurs une bonne couche), maxi fun et incroyablement maîtrisé. Après vous êtes remis de cette rencontre, allez au 183.

Cryptic Brood

Necrotic Flesh Bacteria

Simon

Si on devait jouer à deviner le genre d’un album selon sa pochette, je parierais ma couille droite que le dernier Cryptic Brood taille son gras dans un grindcore d’inspiration porno ou gore. Il me manque désormais un testicule parce que les Allemands jouent un death metal, certes vénère, mais complètement contaminé par du doom. Ici on est loin du créneau funeral doom/death à la Morgion ou Anathema, ça joue dégueulasse et sans règle : la batterie a tellement de reverb qu’elle en devient affreusement spatiale et psychédélique, les cordes de cette guitare basse frottent avec tant d’amplitude et de rondeur qu’on se croirait dans une demo de n’importe quel groupe de crust hardcore un peu sérieux, et puis ces voix. Trois membres, trois manières instables de faire passer le message (dont deux bien death pour sûr) avec des sensibilités assez différentes pour un résultat qui fonctionne à plein tube. C’est sale, poisseux et collant, horriblement lent sur les parties doom et évidemment ça se retourne en une seconde en forme de Behemoth death metal bien vicieux et frontal. Une musique de grosses bagarres et de mosh pits insensés qui confirment que les natifs de Wolsbourg ne font que monter en puissance d’album en album. Bien street comme on aime.

Coffret de Bijoux

Intablej' U Ana

Simon

Ce nouveau projet d'Alice Simard - le cinquième en un an tout de même – permettra de tordre le cou a quelques idées de reçues : non, le black metal n’est pas qu’une histoire de mecs et non cette musique n’a pas de vocation à rester enfermée dans ses codes historiques. Le dernier EP en date de Coffret de Bijoux en est la preuve éclatante : avec sa base pop indé (oui oui) et ses gimmicks 8-bit/RPG music, la Québécoise creuse encore un peu plus le sillon d’une musique qu’on aurait aimé qualifier de florale pour faire dans l’imagé. Rêveuse en tous cas, malgré les énormes salves de blast-beats et de guitares raw black metal qui viennent colorer le tout. Intablej’ U Ana ne force rien pour autant, et c’est peut-être ce naturel qui donne à ces vingt minutes de musique toute la crédibilité dont elle aura bien besoin dans ce microcosme musical assez dur. Un projet humble  et discret taillé à ce stade pour les nerds de Bandcamp mais qui n’aura aucun mal à convaincre au-delà de son intimisme communicationnel d’ici peu. Un mélange improbable et délicieux entre les grands succès de Weezer, la bande-son de Tales of Eternia et les premiers Darkthrone. Bref, une main de fer dans un gant de velours.

Svarttjern 

Draw Blood

Simon

Ca doit quand même bien leur casser les couilles aux Norvégiens de Svarttjern de voir leur cinquième album qualifié partout de « fun ». Leur look est tout sauf second degré, tout tend à respirer le trve black metal, la démarche est extrêmement sérieuse et pourtant Draw Blood serait un disque à la cool. Probablement tout d’abord parce qu’infuser autant de thrash metal et de speed metal à la formule a tendance faire de ce cinquième album une terrible machine à groover. Evidemment, si tu viens à rajouter des paroles essentiellement axées sur le sexe nécrophile, le BDSM et le satanisme cool tu finis naturellement sur un produit qui peut se prendre à la légère. Toutefois, ce nouvel effort de Svarttjern est tout à fait sérieux quand il s’agit de balancer des montagnes de riffs black’n roll sous des formats de trois minutes. Un mélange ultra catchy et carré entre la fureur sataniste de Watain (sans le blast beat), le blackened speed de Celtic Frost et le côté imparablement thrash de Sodom ou de Kreator. Il ne faut pas nécessairement respirer la déprime pour sortir des grands disques à la gloire du prince des ténèbres, parfois les choses peuvent se faire en rigolant, une bonne bière à la main. Tout tient peut-être dans cette cover des Rolling Stones en fin de disque (« Under My Thumb »), où il est difficile de choisir entre le petit sourire en coin et la terreur la plus totale. Du bon rock’n’roll, assurément.

Beneath Moonlight

Beneath Moonlight

Simon

On n’écoute pas assez de black metal vampirique de nos jours. Heureusement pour nous, le dernier rejeton du collectif Ordo Vampiris Orientis (signé sur le toujours très bon Debemur Morti Productions) est là pour nous abreuver de son metal sanguinaire et romantique. Beneath Moonlight débarque donc avec ses vingt premières minutes de raw black metal pianistique, et c’est carrément bien. Les moyens peuvent paraître faiblards à première vue mais les amateurs ne s’y tromperont pas, on tient là un petit pépito de raw black metal torturé. On saluera évidemment l’ambiance installée tout du long par ce piano hystérique et cracra qui semble jouer de manière automatique des hymnes hautement gothiques et romanesques. Des guitares habilement jouées sur des lignes assez simples mais très efficaces et une batterie qui se tape un sprint transylvanien en mode tout droit. Mais surtout comment ne pas saluer cette performance vocale absolument vivifiante, où l’essentiel consisterait en la réplique incessante de cris de goules et de chauve-souris en version haut perchée.

Un très bon premier disque qui joue un bon paquet de son talent sur l’ambiance cinématique et incarnée de son thème : une sombre histoire d’inquisiteur allemand en 1427 qui, à force de chasser des sorcières, s’est vu kidnapper pour subir la malédiction du lycanthrope. Condamné à se transformer en loup-garou à échéances régulières, notre inquisiteur se tournera vers les arts sombres pour y trouver un remède tant bien que mal. Premier EP d’une trilogie qui racontera cette histoire en détail, Beneath Moonlight se pose bien là, et surprend pas mal au-delà de son thème un peu goofyTrès belle surprise.