Dossier

Television Rules The Nation #27

par la rédaction, le 20 mai 2025

Chaque numéro de Television Rules The Nation, ce sont quatre suggestions, qu'il s'agisse de films, de séries ou de documentaires. Et à chaque fois, un lien avec la musique, mais pas forcément avec l'actualité, le dossier se voulant d'abord être alimenté par la seule envie de partager des contenus de qualité.

Saturday Night

C’est quoi, le SNL ? Que signifient réellement ces trois lettres ? Non, le Saturday Night Live, ce ne sont pas des stars. Pas uniquement. Non, le SNL, ce ne sont pas des sketchs, pas seulement. Non, le SNL, ce ne sont pas que des gags, du live et des surprises. Non, le SNL n’est pas non plus une institution, ni une méthode. Pas uniquement.

En 1975, à quelques minutes de la première, le jeune Lorne Michaels doit répondre, les yeux dans les yeux, à cette question posée par l’un des pontes de la chaîne NBC. Le producteur cherche, tente de botter en touche, avant de trouver les mots : “c’est une nuit blanche en ville. Croiser Richard Pryor par hasard et Paul Simon titubant dans un bar merdique. C’est tout ce que l’on pense qu’il nous arrivera quand on débarquera en ville”.

C’est cela Saturday Night Live, c’est une nuit à New York City, avec tout ce que cela compte de rencontres improbables et de dangers imminents. C’est le drôle, le fou, le torride, le politique, le déviant, le bide et le succès en une même phrase, un même sketch; la reconnaissance, la défaite, la drogue et l’alcool, la nuit sans fin et sa galerie de personnages.

Et peu importe si ces mots ont réellement été prononcés (ils le sont en tout cas dans le film Saturday Night de Jason Reitman, retraçant cette folle nuit de première). Ces mots sont justes. Tout comme le film, incroyable explosion pop de sosies convaincants (mentions spéciales à Cory Michael Smith en Chevy Chase et Dylan O'Brien en Dan Aykroyd), étourdissant récit d’une nuit historique (le film raconte en temps réel les dernières 90 minutes avant la diffusion du tout premier épisode du SNL, on y voit les tensions, les rires et le travail acharné des auteurs et de l’équipe technique).

Mais le SNL ne serait pas le SNL sans ses invités musicaux. Et le film l’est démesurément, musical, grâce au pianiste, compositeur et bandleader Jon Batiste, qui signe une bande originale étourdissante, faite de rythmes extravagants, omniprésents même, contribuant grandement à l’immense tension qui ne cesse de grandir. Ce même Jon Batiste excelle dans le rôle de Billy Preston, tout premier invité musical du show. Sa courte, très courte apparition, parvient pourtant à raconter la bizarrerie de l’époque, son racisme aussi, ses conflits sociaux… Bluffant, il faut bien l’admettre. (Nico P.)

Becoming Led Zeppelin

Pardons de le dire ainsi d’entrée de jeu, et pardon pour le cliché, mais Becoming Led Zeppelin est bien plus qu'un documentaire : c'est une expérience immersive dans l'alchimie d'un groupe qui a redéfini le rock (Manoeuvre, sors de ce corps, je t’en conjure).

Becoming Led Zeppelin est le récit d’un voyage, celui de Jimmy Page, John Paul Jones, John Bonham et Robert Plant à travers leur enfance dans la Grande-Bretagne d'après-guerre, la scène musicale des années 1960 (y compris Shirley Bassey interprétant le thème de Goldfinger avec des membres de Zeppelin jouant dessus), leur rencontre à l'été 1968 et leur ascension fulgurante tout au long de 1969, culminant en 1970 lorsqu'ils deviennent le plus grand groupe de rock de la planète. C’est donc l’histoire des débuts, quand tout reste à faire.

Et c’est aussi ici que réside son immense valeur. Les membres ont longtemps refusé les projets documentaires par peur du sensationnalisme. Ce film est donc une exception, approuvé par tous les membres survivants. Ici, on parle moins des groupies, des stades, que d’un désir de réussite, de revanche même.

Succès public comme critique, Becoming Led Zeppelin est avant tout l'œuvre du réalisateur Bernard MacMahon, créateur d’American Epic, film documentaire en quatre épisodes, multiprimé, racontant les débuts de la musique enregistrée et la naissance de l’industrie de la musique moderne aux États-Unis dans les années 20 et 30. (Nico P.)

Better Man

Les dix dernières années ont été particulièrement rudes pour les amateurs de biopics musicaux : hormis Straight Outta Compton et Rocketman, on a surtout eu droit à des escroqueries (Bohemian Rhapsody) ou des naufrages (Amy). Cet état des lieux a au moins un avantage : il fait le jeu de Robbie Williams et de son Better Man.

Peut-être conscient que son personnage d’entertainer clive, et lui-même convaincu qu’il a été un petit singe golri posé sur l’épaule de la pop music pendant une bonne partie de sa carrière, l’ex-Take That s’efface intelligemment au profit d’un chimpanzé en CGI créé par Weta, la société d'effets spéciaux qui a fabriqué deux personnages mythiques du ciné des années 2000 : Gollum et César.

Et ce qui ressemblait à une belle idée à la con de se révéler être une excellente surprise et d’ouvrir des perspectives de mise en scène, de dialogue et storytelling qu’un film traditionnel ne pourrait se permettre – la scène de danse sur Regent Street est à ce titre exceptionnelle.

Ce parti-pris se met alors au service d’une histoire finalement assez banale (père absent, hasards heureux, excès en tous genres…) mais dont on appréhende les tenants et aboutissants avec une curiosité qui nous ferait presque oublier le casting parfois raté ou le goût parfois douteux de certaines séquences.

Un film excessif mais attachant, à l’image de Robbie Williams en somme. (Jeff)

De Rockstar à Tueur : Le Cas Cantat

Durant l’été 2003, une affaire hors norme secouait en France autant le monde judiciaire que celui du cinéma et de la musique. On apprenait la mort de l’actrice Marie Trintignant des suites de graves blessures dues aux violents coups portés, quelques jours avant, par le leader de Noir Désir, Bertrand Cantat, dans une chambre d’hôtel de Vilnius en Lituanie. Certains médias parlent alors d’une dispute qui a mal tourné ou d’un “crime passionnel”, terme utilisé dans le passé lorsqu’on ne voyait pas la réalité en face.

Dès le départ, le dossier fait couler des hectolitres d’encre dans la presse avec des analyses tantôt construites de celles et ceux qui s'attachent aux faits, tantôt aberrantes des autres qui considèrent comme accidentel ce qui est pourtant apparu par la suite comme l’acharnement d’un homme au paroxysme de la jalousie et de la possessivité.

Avec des images d’archives (morceaux d’interrogatoires de Cantat) et des témoignages souvent poignants, parfois glaçants dont certains semblent encore empreints d’une espèce d’omerta anachronique, le documentaire en trois épisodes De Rockstar à Tueur : Le Cas Cantat se présente comme un admirable travail de synthèse. Une investigation de plus de quatre ans menée entre autres par la journaliste Anne-Sophie Jahn, qui avait déjà dévoilé, dans un papier pour l’hebdomadaire Le Point en 2017, le silence et les mensonges des proches du chanteur qui auront finalement joué en faveur de celui-ci.

Avec un recul certain, le documentaire met en lumière un massacre, une affaire de féminicide qui aura défrayé la chronique - et qui advient à une époque où ce mot n’était quasiment jamais prononcé sur la place publique - mais également un véritable éclairage sur le passé trouble et violent d’un homme qui aura pourtant continué de sévir à son retour en France. (GuiGui)