Dossier

Les oubliés du premier semestre

par Jeff, le 6 août 2012

Avant de partir en vacances pour quelques semaines, on s'en serait voulu de ne pas revenir sur ces disques qui, par manque de temps ou par simple oubli, n'ont pas fait l'objet d'un papier circonstancié lors de leur arrivée dans nos bacs ou nos boîtes aux lettres. Maintenant que notre équipe peut prendre un congé bien mérité l'esprit tranquille, il ne vous reste plus qu'à découvrir ces disques que vous aussi avez peut-être loupés.

Alt-J

An Awesome Wave

Il y a des groupes dont tout le monde parle tellement, qu’on a l’impression qu’il n’est pas nécessaire d’en rajouter une couche. Pourtant, Alt-J méritent amplement toute la publicité que les médias indés leur ont offert. Le groupe de Leeds q débarqué sur la planète pop avec quelque chose de différent. Ok, son nom est on ne peut plus hipster (∆, le fameux triangle dont le raccourci mac est alt + j) et ils portent des chemises à carreaux et des lunettes à grosses montures, avec un train de retard sur la mode nerd. Jusque là, rien de bien exceptionnel. Mais leur musique, elle, dépasse le stade de la simple passade. Bien plus complexe qu’un groupe de pure hype comme Wu Lyf. Alt-J jongle sur son premier album entre restes de post-rock, new wave remâchée et lyrisme ampoulé pour un résultat qui réussit, miraculeusement, à ne pas agacer. Le tout saupoudré de cette petite touche finale apportée par la voix nasillarde de Joe Newman, entre Yoni Wolf et Alec Ounsworth de Clap Your Hands Say Yeah. Si Alt-J n’a pas ébloui votre mois de mai, il pourra toujours sublimer votre été. Il n’est pas trop tard pour ne pas passer à côté de An Awesome Wave. Car, Alt-J, contrairement à certains de leurs collègues, semblent être partis pour durer.

Willis Earl Beal

Acousmatic Sorcery

Malgré le désastre du rêve américain, il est encore des histoires provenant du pays de l'oncle Sam qui nous feront toujours penser que les légendes qui se tissent outre-Atlantique conserve un goût unique, impossible à reproduire dans nos contrées. Comment en effet ne pas être séduit par la biographie du jeune Willis Earl Beal, soldat sous la bannière étoilée, démobilisé et au chômage, artiste pluridisciplinaire (comédien, chanteur, peintre, ...) et croyant en sa bonne étoile jusqu'à croiser les cieux d'une signature chez XL Recordings. Acousmatic Sorcery, son premier album, résonne comme un chantier en ruine. Des ruines sublimes qui voient s'entrechoquer, presque toujours pour le meilleur, le blues et la soul d'antan que l’artiste accompagne vers le primitivisme d'un futur apocalyptique. Surprenant et déroutant, il faudra plusieurs écoutes attentives pour tisser un fil conducteur entre ces petits bijoux lo-fi. Mais comme toujours quand il est question de musique, il n'y a pas de meilleure récompense que celle d'un album a priori difficile dont on tombe follement amoureux une fois qu'on a appris à l'apprivoiser.

Shackleton

Music For The Quiet Hour/The Drawbar Organ EP’s

Difficile de dire où s’arrêtera Shackleton. Il pourrait mettre un terme à sa carrière demain que sa discographie resterait parmi les plus belles d’une sphère électronique peu habituée à des success stories qui durent plus longtemps qu’un album. Mais au-delà de la simple quantité, c’est définitivement l’évolution du style qui fait de Shackleton le héros qu’il est. Voilà sept ans que le dubstep de l’Anglais ne cesse de défier les lois de la physique: après des débuts un poil rigides sur Skull Disco, le maître des rythmiques tribales a progressivement trouvé un dynamisme qui le place parmi les meilleurs techniciens de sa génération. S’en suivra une évolution sur Perlon, Mordant Music, Honest Jon’s puis finalement sur son propre label, Woe To The Septic Heart. C’est là que sortira ce Music For The Quiet Hour/The Drawbar Organ EP’s, double disque insolent de maîtrise. Côté pile, Shackleton envoie ce qu’on considèrera finalement comme une longue pièce d’une heure où l’électronicien explore des recoins de plus en plus abstract, flirte en permanence avec le drone, le silence et les percussions. On en sort usé tant le voyage va loin. Côté face, Shackleton nous livre un « simple » nouvel album : dix nouveaux titres qui avancent avec l’esthétique maintenant connue de l’Anglais, à ce détail près qu’on s’étonne de voir sa composition s’affiner encore avec le temps, lui qui semble déjà si haut. Un nouvel album en forme de laboratoire, où les expériences sur la musique électronique ne laissent jamais de place aux acquis, où un genre musical est toujours remis sur la table d’opération pour en arriver au final à la substance même. En soi, il s’agit de la même démarche que pour le Consumed de Richie Hawtin. Quand on sait que ce disque est peut-être le plus grand disque de techno de l’histoire, on se dit que les tentatives de Shackleton sont à épingler au rang d’historiques.

Machinedrum

Room(s) Extended

On en n’avait pas parlé l’année passée, mais ce disque de Machinedrum faisait partie des meilleures choses arrivées aux nouvelles scènes bass music, qu’on parle de post-dubstep, de uk funky ou de footwork. C’est sorti sans trop de surprises sur Planet Mu, et ça avait percuté l’ensemble de la critique avec succès – chez nous aussi, même si le temps a du nous manquer au moment de sa sortie. Pour faire court, on vous expliquera que cet album est un mélange de post-dubstep, de future bass (pensez à FaltyDL) et de footwork. Bien mieux équilibré que le skeud de Kuedo sorti plus ou moins au même moment, cette plaque montre un sens de la composition bien au-dessus de la mêlée, des claviers aux couleurs Instagram et des structures rythmiques top level. On est donc heureux de voir qu’une nouvelle version de ce Room(s) est aujourd’hui disponible, avec en bonus un deuxième disque qui a toute son importance. Onze nouvelles compositions splittés entre sept nouveaux titres et cinq remixes (parmi lesquels on trouve l’énorme version du « U Don’t Survive » par FaltyDL, ainsi que Traxman, Chrissy Murderbot et Lando Kal, soit les cracks du footwork/post-dubstep). En tout vingt-trois titres, tous au dessus de la mêlée. T’attend quoi, qu’on te l’achète ?

Crocodiles

Endless Flowers

On pourrait penser que mettre une quéquette sur la pochette d’un disque peut servir à attirer le chaland. Ceci dit, quand le membre en question est laid comme le péché et ne mériterait même pas de figurer dans un gonzo amateur roubaisien, il faut compter sur la seule musique pour séduire. Et cela tombe plutôt bien, car les Américains de Crocodiles sont plutôt excellents dans leur genre. En gros, imaginez des mecs qui ont dû bouffer la discothèque de The Jesus & Mary Chain jusqu’à l’indigestion pour ensuite s’orienter vers la pop. Ca vous rappelle un peu les Dum Dum Girls ? C’est normal, Brandon Welchez, frontman de Crocodiles, convole en justes noces avec une certaine Dee Dee Penny. Quant au troisième album du groupe, c’est une belle décharge de fuzz et de reverb, portée à bout de bras par des mélodies d’une telle évidence qu’elle percent sans la moindre difficulté le mur du son érigé par le groupe. Endless Flowers, ce sont des tubes en pagaille, de la fraîcheur à tous les étages et une laide quéquette qui s’oubliera plus vite que des titres comme « No Black Clouds For Dee Dee » ou « Dark Alleys ».

Georgia Ann Muldrow

Seeds

Dans le rap, Madlib a à peu près déjà tout fait. Par contre, s’il est bien un terrain de jeu sur lequel le producteur californien est pour ainsi dire absent, c’est la soul et le R&B. C’est bien simple, hormis une poignée de titres pour la diva Erykah Badu, Otis Jackson Jr. a préféré jouer la carte de la sécurité – toute relative, quand on connaît le style parfois expérimental du bonhomme. Pourtant, à l’écoute de ce disque de la trop peu connue Georgia Ann Muldrow, on ne peut que l’encourager à poursuivre dans cette voie. En effet, Madlib trouve chez cette collègue de label (ils sont tous deux signés sur Stones Throw) une compagne de jeu dont les incantations nu-soul tout en langueur sont le parfait écho de ses productions délicatement surannées et sérieusement psychotropées. Seeds prend alors la forme d’un agréable voyage où l’auditeur se voit propulsé sur un nuage cotonneux à souhait, découvrant un univers où les deux acolytes ne se refusent aucune excentricité.

Bvdub

Serenity

Bvdub fait partie de ces artistes qui nous pondent des albums et EP à la chaîne. Dès lors, on a tendance à écouter ses sorties quand on le peut, de peur peut-être d'une overdose de Bvdub. Brock Van Wey nous a habitués à produire une ambient de très bonne tenue - quoique ses dernières galettes commençaient sérieusement à tourner en rond. Dans ce flot de sorties, Goûte Mes Disques vous trie le bon grain de l'ivraie et on ne voudrait surtout pas que vous manquiez Serenity, dernier EP en date. Sur les 6 (longues) plages de cet EP, Bvdub déploie toute la puissance d'un son ambient aux accents trance, couplé à des rythmiques techno que l’Américain avait abandonnés depuis quelques temps. Ce nouveau travail est construit autour de longues montées rehaussées par la présence de voix féminines, sortes d'échos lointains sortis de paysages brumeux et oniriques. Les mélodies aériennes et lumineuses s'enchaînent et réveillent des sentiments mêlant nostalgie et mélancolie. Le tour de force de Serenity réside dans l’émotion qui transpire de ce disque sans ne jamais tomber dans une musique dégoulinante et guimauve. Un véritable exercice d’équilibriste en somme.

Angil and the Hiddentracks

Now

C'est par le biais du site de financement participatif Microcultures que Now, le nouvel album d'Angil and the Hiddentracks, est paru en début d'année. Accompagné d'une dizaine de musiciens complices aux cordes, cuivres et percussions, Mickaël Mottet (alias Angil) élabore une musique pop preste et jouissive. De légers accents de cuivres free jazz s'entrechoquent ici ("Swan Song of a Refugee"), des hymnes tapageurs s'élaborent là ("Know-Hows", "Do"), et des mélodies sereines se dévoilent là-bas ("When He Says Your Name", "Trish"). Une générosité rare déborde de cet album. C'est une musique qui prend par la main sans anicroche, aux nettes évidences mélodiques teintées d'expérimentation mesurée, et aux paroles combatives et surréalistes (« We do not get more diseases, we've just learned to know their names », « Evolutionary history re-written by arsenic-loving bacteria »). Si ce n'est pas encore fait, c'est maintenant ou jamais : écoutez ce disque.

Shifted

Crossed Paths

Sur son dernier album, Shifted a fait le choix de ne pas choisir. Ne pas choisir entre une techno ravageuse tournée vers le dancefloor et une musique expérimentale qui triture les nerfs. Crossed Paths c'est les deux à la fois. Si bien qu'on ne sait plus sur quel pied danser. Tandis que « Yearning » nous emmène six pieds sous terre, « Bleeding Through » et « Coax » terminent de nous faire suffoquer. Le coup de grâce est asséné par « Leather ». « Lexis » vous fera mirtoiter un court répit avant que vos derniers espoirs ne s'envolent au son du kick martial de « More Static ». L'album se présente ainsi comme un véritable labyrinthe qui s’ouvre à des ambiances diverses mais dont on ne ressort jamais indemne. Il vous faudra donc avoir les nerfs solides pour écouter l'album d'une traite. Mais il est à parier que la beauté sombre de Crossed Paths viendra vous happer de nouveau tant l'expérience est grisante.

Poliça

Give You The Ghost

Allez savoir pourquoi, c'est bien sûr à la Pologne que ce duo fait tout de suite penser. Police d'assurances (c'est ce que veut dire Poliça en polonais) est pourtant bel et bien américain, de la même ville que Prince. Des ritournelles étourdissantes, des chants triturés à l'autotune un peu à la manière de Bon Iver (mais dans un version au féminin), des tempos de batterie/basse bien amenés, c'est tout ça à la fois Poliça. Originaux de prime abord, hypnotisants ensuite, lassants parfois, les morceaux du groupe de Minneapolis évoquent une volée de sentiments qui traversent l'esprit au fil des écoutes successives. Pour ceux qui hésitent encore, Justin Vernon a dit d'eux que c'était le meilleur groupe du monde. Vous voilà prévenus.

Breton

Other People’s Problems

Au commencement, il y eut « Edward The Confessor », petite bombe toxique et syncopée, toute de noir et blanc vêtue, bondissant de mur Facebook en mur Facebook au début du printemps. Aux commandes du phénomène, on découvrait le collectif Breton, une poignée de Londoniens installée dans un squat, jonglant avec les moyens du bord afin de concrétiser leurs ambitions visuelles et musicales. À l’heure du premier album, on aurait pu craindre un patchwork sonore, une manœuvre finaude qui gratterait le ventre du specimen bobo-urbain en lui soumettant un nuancier des tendances actuelles. Au final, si patchwork il y a, les coutures sont magnifiquement bien planquées. Avec style, énergie et discernement. On y croise pêle-mêle le sens mélodique de Metronomy ou Foals, les mécanismes dansants de Friendly Fires ou la voix éraillée de James Murphy, le tout empaqueté solidement, sans racolage ni faute de goût. Au-delà de ces influences, Breton conserve quelques sérieux atouts pour dessiner une identité qui lui est propre et s’établir dans la durée.

St. Augustine

Soldiers

Paru chez Kütu Folk Records, label clermontois aux pochettes cousues-main, Soldiers a enchanté ce début d’année avec ses dix morceaux enregistrés en pas plus de trois prises. Spontanéité et élégance sont ici les maîtres-mots, la clef de voute de ce disque. Des douces arpèges du morceau inaugural “21 days” au superbe “My Father, My Son”, en passant par “Black Feathers”, 7ème morceau du disque qui offre même une belle virée dans les contrées binaires inspirées par l’oeuvre de Grandaddy, St. Augustine déploie ses mélodies soyeuses labélisées « Indie Folk Pop Maximaliste » par l’artiste lui-même. Digne et fièr descendant de la folk élégante exécutée par des noms tels que Bill Callahan ou Jason Molina, St. Augustine confirme sa place parmi les courtisans de la belle musique, en France et au-delà.

Lee Hazlewood

The LHI Years: Singles, Nudes, & Backsides (1968-71)

Lee Hazlewood, c'est une moustache, une dégaine de cowboy, un timbre de baryton inimitable et surtout, surtout, un mélodiste et arrangeur à tomber par terre. Paru pour le Disquaire Day et toujours disponible sur le label Light In The Attic Records, The LHI Years: Singles, Nudes, & Backsides (1968-71) compile morceaux solo et duos (avec Suzi Jane Hokom, Ann-Margret et Nina Lizell) issus d'albums et 45 tours et "I Just Learned to Run", titre inédit. La pochette, Lee entouré de femmes dénudées portant des moustaches postiches, est une métaphore filée de l'oeuvre de l'artiste : le romantique au coeur brisé s'efface sous le cowboy bourru (et vice-versa). De "Califia (Stone Rider)" aux arrangements couleur western au poignant "If It's Monday Morning", en passant par le sublime "The Night Before" (ou comment une soirée alcoolisée qui finit mal devient un des plus beaux morceaux de tous les temps), ce disque est une excellente compilation de l'oeuvre à facettes de Lee Hazlewood. Et ce n'est que le début, Light In The Attics Records ayant d'ores et déjà prévu d’autres rééditions de ce calibre.

Krazy Baldhead

The Noise In The Sky

L’artwork du nouvel album de Krazy Baldhead est un horrible pastiche digne des pires pochettes de Rondo Veneziano. De plus, on sait tous qu'être signé chez Ed Banger n’est pas un gage de musicalité et de finesse. C’est donc avec une certaine méfiance qu'on débuté l’écoute de ce second album. Et dès la première écoute, les compositions de Krazy Baldhead révèlent un véritable artiste musicien, influencé par le jazz 70’s, l’IDM de Warp, l’ambient des oubliés de Future Sound of London. Décompositions rythmiques complexes, voix déstructurées plutôt utilisées comme un instrument à part entière, chaque morceau fait mouche par sa déconcertante approche pop. Totalement accessible pour un plaisir immédiat, suffisamment riche pour qu’on y revienne régulièrement, The Noise is in the Sky est un album que l’on écoute dans son intégralité tant il fait preuve de cohérence. Pedro Winter, boss du label, nous a habitués aux turbines et diverses déflagrations sonores, et Krazy Baldhead est l’antithèse parfaite de cette esthétique un brin guerrière. Tout simplement l’un des plus beaux albums de musiques électroniques à la française de ce premier semestre 2012.

Jim Rivers

Airport Vultures

Il était facile de passer à côté du premier album de Jim Rivers, Anglais de 31 ans, pourtant déjà remarqué pour quelques maxis taillés sur mesure pour les dancefloors exigeants. Plusieurs raisons à cela : la couverture guerrière, tout bonnement rebutante et enfin la signature sur INTEC, label de Carl Cox, qui en 2012, n’est pas franchement un gage de qualité. Jim Rivers se distingue pourtant par la qualité de ses productions, inspiré par Kenny Larkin, Carl Craig et les maîtres de la techno. Un œil tourné vers Detroit, l’autre bien ancré dans le présent, pour un ensemble d’une efficacité redoutable. Airport Vultures, c’est un disque aussi contemplatif que mental, qui invite surtout les corps au déhanchement et à la fièvre. Si comme nous, quand arrive l’été, vos oreilles ont juste envie de confort, de sons rassurants, sans prise de tête ni intellectualisation, alors Airport Vultures pourrait bien devenir la bande son idéale de vos vacances avec quelques semaines de retard.

Âme

Live

Henrik Schwarz avait déjà son énorme Live. Quant à Dixon, c'est toute sa science de la deep house qu'il distillait avec élégance sur son indispensable mix pour la série Live At Robert Johnson. Il semblait dès lors logique que la troisième entité représentative du "son Innervisions" nous ponde elle aussi un disque contenant le mot "live" dans son titre. C'est désormais chose faite pour Âme, duo formé de Frank Wiedemann et Kristian Beyer. On parle ici d'une collection de titres enregistrés en live et mixés en studio. Live mais pas trop quoi. Mais surtout le premier long format depuis l'album éponyme sorti sur Sonar Kollektiv en 2004. Alors clairement, ce Live a de fortes allures de best of et ne satisfera peut-être pas complètement le fan de la première heure qui attend depuis trop longtemps un album bourré de son frais, mais il n'empêche que ce même fan verra sa frustration s'estomper à mesure que défileront les pistes de cette collection de perles en forme de rouleau compresseur. Plus massive et moins droguée que celle de Dixon, la house de Âme se plait à lorgner de temps à autre du côté de la techno, voire de la tech-house. L'art du climax est maîtrisé, les meilleures remixes du duo sont ici intercalés et l'ensemble alterne entre le jouissif, l'extatique et l’hypnotique. Pour le meilleur, et juste pour le meilleur.

Phèdre

LP

Qui se souvient des Adventure Babies dans les années 90? Deux voix de teenagers, l’une masculine, l’autre féminine, se renvoyaient la balle pour égrainer des chansons pop fraiches et légères qui ont ensoleillé, le temps d’une saison, ma chambre d’étudiant. Phèdre, groupe canadien, semble être les enfants illégitimes des Adventure Babies, et il suffit d’écouter « In Decay » pour s’en convaincre. Doté d’un sens mélodique raffiné, gimmicks pop accrocheurs à l'appui, Phèdre veut faire la fête. Malheureusement, pour eux, les temps ont bien changé : les summers of love sont loin derrière nous, la crise est passée par là, les tours jumelles se sont écroulées, la planète est davantage polluée, bref la sinistrose s’est installée. Pour conjurer le sort, Phédre a décidé de torturer ces ritournelles à l’extrême. Psyché-rock lo-fi, house-music neurasthénique, new-wave sous Prozac pour curistes en totale désintégration et R’n’Zombie, le groupe convie au bal les schizophréniques, paranoïaques et autres malades mentaux au bal, le tout avec ironie et humour. La bonne nouvelle c’est que nous sommes tous les bienvenus.

Souleance

La belle vie

Des beats de Fulgeance et Soulist, il ne suinte pas exactement la même mélancolie que la ''Dolce Vita'' de Christophe : point donc de promenades en Vespa, encore moins de recherche d'aventures jusqu'au petit matin, mais plutôt la douce impression de scruter de nuit un carnaval brésilien du le balcon de son appartement de vacances, un cigare à la bouche, fatigué d'avoir bitché toute la journée dans une carlingue pourrie à travers les rues moites de Rio. Parfait aboutissement de deux EPs qui ne manquaient déjà pas de rebond, la paire de diggers confirme dans cet album éthéré et simple leur naturelle aisance en matière de création d'ambiances laidback, qu'elles soient d'inspiration brésilienne ou 70's, qui se voudront a priori plus d'actualité en jJuillet/août qu'à leur sortie en avril dernier. Et vu le triste été que l’on connaît, un peu de Méditerranée dans les oreilles, ça ne se refuse pas.

Addison Groove

Transistor Rythm

Le virage est radical pour Headhunter, ancienne figure majeure du dubstep teinté de techno, ici reconverti le temps d'un projet dans la footwork tapageuse - un registre décidemment bien en vogue après les coups de maître de Kuedo ou Machinedrum l'an dernier. On ne se risquera toutefois pas à dire que l'exercice dancefloor offert par l'Anglais est de la même trempe que ses deux aînés, moins affaire d'efficacité que d'ambiances, mais cette première monture sortie sur le label des teutons de Modeselektor possède, derrière ses cliquetis de TR-808 épileptiques et son ton sale et ghetto, une jolie suite de titres jubilatoires et novateurs mais qui auraient mérité d'apparaître sur un tracklisting un peu dégrossi pour assurer sur toute la ligne. Pour résumer, sachez que Transistor Rhythm, c'est un peu la version HBO d'un best-of de Timbaland : on se fait agresser en permanence par le son, secoué de spasmes, jusqu'à frôler l'AVC le tout sans jamais en avoir réellement quelque chose à foutre. Entier et sauvage.

Sporto Kantes

4

A l'instar de groupes comme The Specials ou The Clash, Sporto Kantes semble plus que jamais s'épanouir dans une mixture pluri-genres et multiculturelle. Avec cette même fraîcheur qui le caractérise depuis sa création, le combo français se réinvente sur ce nouvel opus en un gigantesque cartoon électronique et rock'n'roll qui n'hésite pas à se frotter au NSFW pour conserver la même saveur hallucinée que son prédécesseur dont le ''Whistle'' peine bien malgré nous à quitter nos esgourdes. Parfois gauche, souvent second degré mais attachant en toutes circonstances, cette quatrième livraison foutraque et taillée pour la scène sait caresser dans le sens du poil sans oublier de surprendre. A dire vrai, 4 est tellement bon, riche et accessible qu'il devrait être remboursé par la sécu. Et si c'était lui, le véritable remède à la crise ?

Choir of Young Believers

Rhine Gold

De ce Choeur des jeunes croyants on ne sait pas grand chose dans nos contrées. Ces fringants Scandinaves ont en revanche l'air d'avoir rencontré un joli succès chez eux, puisqu'ils ont remporté l'équivalent danois des Victoires de la musique en 2009 dans la catégorie "révélation" avec leur précédent album. Signés depuis chez Ghostly International, on se dit que le groupe doit quand même valoir son pesant de cacahuètes et en tout cas produire une musique qui dépasse le strict cadre de la petite surprise exotique. Et de fait, la musique de Choir of Young Believers est surprenante, rafraîchissante, et tente des rapprochements qui fonctionnent et forment au final un album cohérent et assez aventureux. On n'est pas dans l'avant-garde, loin de là, car les références affleurent assez facilement à l'écoute des morceaux. On pense évidemment à Talk Talk pour l'amplitude, le sens du silence, développé en particulier sur l'ouverture et la conclusion de l'album. On pense aussi au Echo And The Bunnymen de Porcupine et notamment à l'excellent "The Cutter" qui osait déjà le mélange audacieux mélodies orientales et New Wave, un cocktail épicé dont les Choir Of Young Believers semblent avoir trouvé l'algorithme, le tout saupoudré d'un soupçon de folk et d'électronique. Dernier atout manifeste du groupe : un sens de la petite pépite sucrée et addictive qu'illustrent parfaitement "Sedated" et "Paint New Horrors".

Nite Jewel

One Second Of Love

2012 sera à coup sûr l'année de Italians Do It Better. Après les excellentissimes Kill For Love des Chromatics, et Themes For An Imaginary Film de Simmetry, on en aurait presque oublié l'album de Nite Jewel, qui même s'il sort chez les tout aussi excellents voisins de palier Secretly Canadian, reste lié au label de Johnny Jewel et Mike Simonetti de par ses premiers essais discographiques. One Second Of Love est cependant l'album de l'épanouissement. Loin des bricolages et des bouts de ficelle de ses débuts, Ramona Gonzalez y déploie sans complexe et de manière tout à fait assumée son amour des 80's et de ses productions léchées, de ses synthés typés et de ses boîtes à rythmes compressées. Sans pour autant verser dans la parodie, la voix subtile et puissante -là aussi complètement assumée- de Ramona porte presque à elle seule cet album envoûtant.