Dossier

In Dust We Trust #28

par la rédaction, le 15 novembre 2024

À la fois aubaine et business, l’exercice de la réédition du classique (avéré ou qui s’ignore) et de l’excavation de vieilleries disparues du circuit implique chez l’auditeur un peu curieux une occupation assez conséquente du temps de cerveau disponible. Histoire de vous aider à y voir un peu plus clair dans cette jungle, GMD a lancé In Dust We Trust, sélection vaguement trimestrielle de ce qui a mobilisé notre temps de cerveau.

Izumi 'Mimi' Kobayashi

Choice Cuts (1978-1983)

Izumi ‘Mimi’ Kobayashi est une reine, mais personne ne le sait. Au début des années 1980, elle a pourtant tourné avec Depeche Mode en Europe, mais ses albums ne sont pas restés dans la mémoire collective. D’où la bonne idée du label londonien Time Capsule d’avoir fait une sélection des singles les plus marquants de ses cinq premiers albums, allant de 1978 à 1983. Des prémisses de la city pop à une electro-funk reprenant le classique « Mas Que Nada », Kobayashi sonne comme quelqu’un qui se fait des smoothies de jazz fusion avec un ‘poil’ de vodka. Mais c’est aussi une chanteuse avec une vraie voix, complètement apte à prendre le chemin de l’émotion, ce qu’elle fait dans le très hancockien « Angel Sky ». On vous prévient, c’est hautement addictif ; et pour ne rien gâcher, on précise que ‘Mimi’ est toujours active, et fait fréquemment chauffer la boîte à reggae sur Londres avec le Tokyo Riddim Orchestra. La classe. (Émile)

Various Artists

Panorama (1969-1980)

Au milieu des rééditions ultra spécifiques de ces dernières années, le label dirigé par Jonathan Fitoussi, Transversales Disques, fait paraître cet automne Panorama. Anthologie plus vague, elle se fait l’écho de raretés et autres morceaux inédits tournant autour des bandes originales françaises. Exclusivement instrumentaux, les titres présents ici sont, plus que des exemples sortis de leur contexte, l’illustration sonore et onirique de toute une époque. Celle du renouveau du cinéma français, de l’électronisation de sa musique, mais aussi de l’émergence de géants de la chanson. Christophe, Alain Goraguer, Gilbert Bécaud ou encore Vladimir Cosma sont de la partie et représentent tout autant la musicalité du cinéma français qu’ils révèlent le caractère cinématographique de leur musique. (Émile)

Bernard Fèvre

Space Oddities

Il y a un vrai plaisir à se promener dans la musique de Bernard Fèvre en 2024. Oh, bien sûr elle ne sonne pas toute neuve, loin s’en faut : à l’image des autres volumes de la compilation Space Oddities qui rend hommage à ces petits génies de la musique obsédés par l’espace, un temps d’adaptation est nécessaire pour bien appréhender l’intention stellaire du propos. Et dans le cas de la tête pensante de Black Devil Disco Club, on comprend vite l’obsession pulp SF qui se dégage, de ses choix de covers jusqu’à l’esthétique épurée de ses morceaux qui rappellent le vide sidérant de l'univers. C’est là tout le charme et l’intérêt de cette compilation : proposer une porte d’entrée dans l’œuvre riche et passionnante du Français, qu’il officie sous son nom propre pour une space disco aux mélodies imparables (comme sur ce "Earth Message" samplé sur le "Got Glint ?" des Chemical Brothers) ou pour les pistes de dance de Mars sous le nom de Black Devil Disco Club. Surtout, cette compilation rappelle l’époque bénie où le rapport à l’espace, aux civilisations extraterrestres et aux pirates du cosmos était davantage de l’ordre du rêve que de la vision folle incarnée par un capitalisme débridé et hors de contrôle. Des synthés qui font "whoooosh", des Moogs rondouillards et des lignes de basse qui jouent la même note, la musique du Français en est truffée, et s’exprime dans cet écrin so 70’s qui a peut-être un peu pris la poussière, mais certainement pas perdu de son charme. La curation opérée par les équipes de Born Bad Records témoigne d’un vrai boulot de fond pour explorer les moindres recoins de la discographie de ce bon vieux Bernard. En un mot comme en cent ? Ce volume de Space Oddities est un véritable travail d’or-Fèvre (vous l’avez ?), et nous permet de rappeler dans ce dossier à l’existence de ces compilations, et aux mondes parallèles merveilleux qu’ils ouvrent aux mélomanes qui gardent la tête rivée vers les étoiles. (Aurélien)

Univers Zéro

Crawling Wind

Dans la famille des cadors de la musique belge, je voudrais les darons. Bingo, puisque Sub Rosa vient justement de rééditer Crawling Wind, enregistré en 1981 et quatrième disque d’Univers Zéro. On y retrouve le fondateur, Daniel Denis, avec à ses côtés Andy Kirk, qui composera l’incroyable « Before The Heat », une plongée entre l’ambient et la no wave dans une atmosphère lourde et inquiétante. Aux sonorités électroniques et électriques se mêlent inévitablement des instruments acoustiques, les habituels cordes d’Univers Zéro, mais aussi la clarinette, ici jouée par Dirk Descheemaeker. Une excellente façon de découvrir ce collectif, mais aussi de se rappeler sa pertinence sonore en 2024. (Émile)

Fennesz

Venice 20

« Avance rapide sur 2024 ; et me voilà à nouveau avec les matériaux originaux, que j’avais utilisé en 2003, pour refaire une version neuve plus étendue de l’album – Venice 20. » Le sentiment d’accomplissement doit être total pour Denis Blackham, l’ingénieur du son de Fennesz, mais c’est aussi l’occasion de se rendre compte du caractère infini du mixage. En vingt ans, les techniques ont évolué, les outils ont changé, et seul reste ce disque. Une cartographie des méandres de la conscience, un laboratoire de sonorités, un manifeste d’une ambient qui se définit par sa capacité de paysage. Touch Music aurait eu bien tort de ne pas faire un peu de place dans son catalogue pour célébrer ce qui restera un des monuments de l’électronique du 21e siècle. (Émile)