Dossier

Hood Therapy # 2

par Jeff, le 29 mars 2011

 La mixtape est un passage obligé pour tous les rappeurs désireux de signer avec une maison de disques prête à aligner les dollars. C'est aussi un bon moyen d'entretenir le buzz pour un artiste confirmé entre deux albums ou deux passages derrière les barreaux. A l'insta de l'année écoulée, 2011 sera elle aussi généreuse en sorties, et comme d'habitude, le pire côtoiera le meilleur. Pour ce second volume de Hood Therapy, nous vous faisons un petit aperçu des artistes à suivre de près et des tapes indispensables - liens de téléchargement inclus, parce qu'on est vraiment des mecs sympas. Mais place au son et à la découverte...

Thibaut

Rittz - White Jesus

Première chose à savoir, Rittz est le protégé de Yelawolf. Le rappeur de l'Alabama l'a en effet signé sur son label, Slumerican. Pour surfer sur la popularité croissante de son « parrain », le rappeur d'Atlanta sort donc sa première mixtape qu'il a sobrement intitulé White Jesus. 12 titres qui usent et abusent de tous les codes du rap sudiste: la 808, les grosses basses, les guitares électriques et bien entendu les mélodies sur les refrains. Oui mais voilà, ce qui aurait pu n'être qu'un banal et médiocre album de country rap se révèle être en fait un excellent cru. Le flow de Rittz, très proche de celui de son compère Yelawolf, joue pour beaucoup dans cette réussite, notamment sur l'introductif « White Jesus ». Les beats sont dépouillés mais diablement efficaces et les featurings peu nombreux sont cependant très bons. On retrouve en effet ses partenaires de label, Yelawolf et Shawty Fatt, le classieux Big K.R.I.T (sur l'excellent « Fulla Shit ») et enfin le mythique 8Ball (pour un mélancolique « Pie »), véritable légende d'un style qui n'a de cesse de renaître de ses cendres. Bref, cette mixtape du géant roux, produite par le confirmé DJ Burn One, montre que le hip hop sudiste, white trash a encore de beau jours devant lui.

Wiz Khalifa - Cabin Fever

Depuis son désormais fameux « Black & Yellow » paru en septembre 2010, Wiz Khalifa est le rappeur du moment. Dans le rap game depuis 2006, il commence à se faire remarquer avec son second album Deal Or Not Deal (en 2009) mais il va surtout faire parler de lui grâce à une excellente tape parue en avril 2010, Kush And Orange Juice. Cette mixtape est sa 8ème et pourtant c'est véritablement celle qui va le pousser sur le devant de la scène. Il signe en effet dans la foulée avec le label Atlantic Records et est nommé « Rookie Of The Year » par la bible The Source. Après de multiples concerts et une tournée avec Yelawolf, il annonce la sortie d'un nouvel album intitulé Rolling Papers pour la fin de ce mois. « Black & Yellow », premier single et hymne à la gloire des Pittsburgh Steelers, équipe de football américain de sa ville natale, devient son plus gros succès. Pour faire patienter des fans de plus en plus nombreux, il sort donc en février 2011, la mitigée Cabin Fever. Neuf titres seulement, Trae Tha Truth, Big Sean, Juicy J et Chevy Woods comme compagnons de jeu et des beats beaucoup plus lourds que d'habitude; voilà comment résumer l'affaire. Même si les producteurs ne sont pas crédités sur la pochette, on peut sans hésiter dire que l'omniprésent Lex Luger est dans le coup.  Le problème réside surtout dans le fait que Wiz prend le train en marche et si le prodige Luger sait faire vrombir les basses comme personne (« Cabin Fever » ou le très bon « Taylor Gang »), le sentiment de déjà entendu prend vite le pas sur tout le reste. Ainsi, très alléchante sur le papier, la collaboration Khalifa/Juicy J tombe à plat en raison d'une production qui sent le fond de tiroir à plein nez. En résumé, neuf titres assez décevants dans l'ensemble, beaucoup trop de similitudes entre les morceaux et un Chevy Woods un peu agaçant sur les refrains. Reste le très bon « Taylor Gang », hymne aux fans de Wiz, mais cela demeure trop peu pour sauver cette tape. Attendons le nouvel album Rolling Papers pour être définitivement fixé sur l'état de forme du rappeur de Pittsburgh.

Young L - Dom-Kun

Fin 2006 débarque de nulle part The Pack, une bande de branleurs fans de skate originaires de la Bay Area. Leur premier EP, Skateboards 2 Scrapers est un ovni porté par le monstrueux hit qu'est « Vans ». Le son est l'œuvre d'un ado surdoué, Young L. Accompagné entre autres par son pote Lil'B, il profite du buzz et le groupe signe sur un major le temps de sortir un album, Based Boys. Succès mitigé, rupture de contrat avec la major, la suite est moins glorieuse avec notamment une tentative de come-back foirée avec le très moyen Wolfpack Party sorti l'an dernier. Mais alors que le groupe subit les échecs, deux de ses membres commencent à sérieusement faire parler d'eux. On ne va pas s'étendre sur l'éclosion fulgurante de Lil'B, sur sa folie, sa mégalomanie, ses multiples tapes mais plutôt se pencher sur la cas de Lloyd Omadhebo. Producteur de la majorité des sons de The Pack, il marque les esprits en 2010 en sortant L-E-N, un objet qui trustera les premières places de bon nombre de tops de fin d'année. Des beats fracassés, des basses énormes, des sonorités expérimentales, un flow singulier et des clips minimalistes, voilà la signature du producteur/rappeur. La quintessence de sa géniale folie réside certainement dans la prod hallucinante de « Pound », 3 minutes 50 de rap du futur.Sa  dernière tape, Domo-Kun était donc attendue de pied ferme et le résultat est à la hauteur des attentes, c'est-à-dire supérieur à bon nombre de productions actuelles. Et pourtant, la claque reçue avec L-E-N était telle que ces 17 titres sont presque (j'ai bien dit presque) décevants. En effet, la recette est souvent la même (« Overdrive », « Respect My Dick ») et le cuisinier a beau être très bon, un peu de nouveauté n'aurait pas nuit au projet. Certains morceaux faisant sonner Young L comme un crooner de l'espace (« Sex Is Dope » ou « Right There ») apportent en revanche un peu de fraicheur et laissent apparaître une nouvelle facette du jeune L. En résumé une tape certes en deçà de la géniale L-E-N mais qui reste vraiment de toute première qualité. Vivement un vrai album.

Gunplay - Inglorious Bastards

Les chiens fous sont à la mode en ce moment dans le rap US. Chez Brick Squad, Waka Flocka Flame fait la fierté de son acolyte de label, Gucci Mane alors que chez Maybach Music, label de Rick Ross, c'est le furieux Gunplay qui tient le haut de l'affiche. Proche de Ross depuis des années, il est également membre de son groupe Triple C's (Carol City Cartel). Comme Waka, le natif de Miami possède un goût certain pour les tatouages et les dreadlocks et pour le rap de guerrier. Oublions tout de suite la pochette d'un goût douteux (qui même si elle fait certainement référence au film de Tarantino n'obligeait peut-être pas à afficher ostensiblement une croix gammée) pour nous concentrer sur la musique. Pour être clair, si vous cherchez de l'originalité, passez votre chemin. Ici on est en territoire connu. Le territoire Lex Luger. Basses surpuissantes, flows énervés et lyrics qui vont avec. Alors évidemment, malgré ce manque flagrant de créativité, certains morceaux donnent furieusement envie de péter un câble comme l'hymne à la 4 Loko (une boisson énergétique à 12 degrés d'alcool qui ferait passer le Red Bull pour de la camomille) sur l'instru du « Hard In Da Paint » de Waka ou le monstrueux « Rollin' », véritable déflagration sonore qui voit le même Waka et Rick Ross venir prêter main forte à celui qui aime se faire appeler Don Logan. Le reste oscille entre l'anecdotique (« All On You » tentative de ralentir le tempo qui réussit surtout à mettre en évidence les lacunes de Gunplay au micro) et le bon (« Another One » avec Rick Ross et P.Diddy aka Bugatti Boyz). Il faut donc considérer cette tape est un bon défouloir, un excellent  moyen de tester ses enceintes/voisins et surtout une énième preuve de la prise de pouvoir de Lex Luger et de ses ersatz dans le rap américain. Certains s'en réjouiront, d'autres non.