Dossier

FESTIVALS: ce qu'il faut prendre, ce qu'il faut laisser à la maison

par Jeff, le 14 juillet 2014

C'est l'heure. Vous avez déjà empaqueté la tente - dont vous achèverez sans doute le montage aux bouts de bois vu le nombre de sardines égarées -, quatorze palettes de bières et trois pommes pour faire semblant. Dans le tas, il y a probablement aussi un matelas pneumatique qui ne se gonfle qu'à moitié et un vieux tube de crème solaire croûté que vous oublierez d'appliquer comme Maman vous l'a appris (démerdez-vous avec vos traces de débardeur, bande d'ingrats). Façon Pascal le Grand Frère (c'est-à-dire avec brutalité mais aussi beaucoup de tendresse), Goûte Mes Disques vous aide à combler les trous de votre sac à dos avec quelques éléments de base qui compléteront votre attirail de glandeur des plaines. Nous attirerons ensuite votre attention sur les objets que vous avez parfaitement le droit d'oublier. D'ailleurs, ça fera plus de place pour le thon en boîte.

Ce qu'il faut prendre

1) Des boules Quiès

Plein. Pas pour les concerts parce que ce serait tout de même un peu con. Pour les voisins de camping qui sont persuadés qu'ils peuvent rivaliser avec Django Reinhardt, qui dégrafent le soutif de leur copine à grands fracas ou qui évacuent leur po-po-po-po-po-po-pooo de fin de soirée (pour ceux qui n'auraient pas reconnu, c'était un "Seven Nation Army" agonisant dans le fond d'une bouteille). Protégez votre santé mentale, bouchez-vous les oreilles.

2) Des lingettes humides

Arrêtez de vous mentir: vous n'irez pas prendre votre douche. A cause de la file interminable, de votre gueule de bois, de votre odorat défaillant qui s'est trop vite habitué à vos émanations corporelles. La lingette est un classique intemporel qui vous permettra de garder vos amis et de vous en faire de nouveaux. La lingette, c'est la paix des couples, un résidu du monde civilisé. N'hésitez pas à vous en servir abondamment au niveau des aisselles, de la nuque et de l'entre-jambe (voire point 3).

3) Des capotes

On vous connaît, bande de cochons. Que ce soit avec votre fidèle dulcinée(e) ou avec un(e) parfait(e) inconnu(e) que vous baptiserez précipitamment Alfred ou Josiane au lendemain d'une nuit tumultueuse, il y a de fortes chances pour que vous égariez votre vertu quelque part entre deux toiles de tente (ou deux Cathy Cabines pour les plus téméraires). Une fois tabassés à Gesaffelstein et au gin-tonic sous plastique, le slip ne répondra plus de rien. Lorsque vous serez parvenus à cet instant critique, nous vous serons reconnaissants de céder à un dernier éclair de lucidité et de conserver votre chlamydia (ou autre) pour vous.

4) Des sacs poubelle

Tout d'abord - et comme dirait Miss Limbourg-, parce que "sauver la planète, c'est bien". Ensuite, parce qu'avec deux trous judicieusement placés, vous pouvez élaborer un imperméable d'une élégance rare et d'une efficacité sans égal. Si vous agrémentez la chose d'un peu de ficelle, vous augmenterez également les chances de préserver vos sneakers blanches collector des flaques d'urine et des giclées de boue. Et pour finir, parce qu'avec un minimum d'ingéniosité et un maximum de fainéantise, vous pourrez tenter la première Quechua 1 seconde.

5) Un Nokia 3210

Si vous avez encore la chance de posséder l'une de ces pièces de collection, n'hésitez pas à la sortir de son tiroir et à lui rendre sa liberté. Le Nokia 3210 survivra au plus sauvage des pogos et à la pissotière la plus engorgée. Le Nokia 3210 ne s'embarrasse pas de son chargeur et ne souffre pas des températures les plus extrêmes. Avec son légendaire jeu Snake, il sera également votre fidèle compagnon lors de vos moments de solitude – attente entre deux concerts, diarrhée du troisième jour dans une cabine-wc transformée en sauna entre autres.  De plus, il épargnera à vos connaissances restées à la maison vos tendances d'instragrammeur compulsif et de vidéaste parkinsonien. Le Nokia 3210 est votre plus fidèle ami. Le Nokia 3210 mérite que vous lui dédiez votre première bière.

Ce qu'il ne faut pas prendre

1) Tout instrument non homologué par la Ligue des Bien Entendants

Un soir, entre deux cuites, Tom Waits eut la brillante idée de s'approprier le vieux dicton suivant : "A gentleman is someone who can play the accordion, but doesn't." Remplacez "accordéon" par "djembé", "didgeridoo", "guimbarde", "vuvuzela" ou "ukélélé" et vous obtiendrez la liste (non exhaustive) des objets bruyants qui ne font plaisir à personne. Si vous faites malgré tout partie des rares virtuoses qui peuvent se permettre un bref récital, nous vous convions à vous rendre à l'entrée afin de récupérer votre pass artiste. Autant vous prévenir tout de suite, vous avez autant de chance de l'obtenir que de coucher avec Kate Upton.

2) Un maillot de foot

C’était quand même génial, la Coupe du Monde. C’est à peu près le seul moment de l’année où il est permis se promener en rue avec la vareuse de son équipe favorite. On le sait, ces vêtements fabriqués par des gamins sri-lankais sous-payés coûtent un bras (et deux rotules pour les manches). Forcément, on a envie de les rentabiliser. Et forcément, dans la foulée de la copa del mondo, la tentation de débarquer sur les prairies ensoleillées avec un beau maillot de Mario Gôtze ou James Rodriguez sera énorme, et on vous comprend. Mais n’oubliez pas une chose : ces vêtements sont des petits bijoux de technologie textile dont le seul but est d’absorber toute ta transpiration (c’est cool!) pour ensuite la retenir entre les fibres. Conséquence : tu ne pues pas (trop) dans les plis, par contre, ton beau maillot de futchebol lui, il va pourrir le concert des cinq personnes autour de toi.

3) De l’alcool fort et bon marché

Comprenez-nous bien: nous ne sommes pas les derniers quand il s’agit de se murger, activité bêtement jouissive s’il en est. Par contre, dans cette course effrénée à la destruction neuronale, on a encore suffisamment de jugeote pour ne pas ne défoncer la tronche au pastis tiède ou au whisky bon marché. Notamment parce qu’on a pris de la bouteille (haha) avec les années et qu’on a déjà fait l’erreur tactique de se croire capable de s’enfiler une demi-bouteille de mauvaise picole en pensant qu’on allait gérer ça comme des darons, pour au final voir notre journée se dérouler comme suit : se bidonner sévère pendant les deux premières heures / ne plus savoir comment on s’appelle pendant les deux suivantes / perdre toute notion du temps et prendre son pied devant un concert de mauvais reggae en pensant que c’est Animal Collective / finir la soirée à échanger ses fluides avec un chevreuil ou une punkette à chien en pensant que c’est un(e) top model. Franchement, on sait qu’un festival en 2014, c’est avant tout s’amuser, mais franchement, même quand on a 18 ans et qu’on peut se retrancher derrière des relents d’âge bête ou un budget serré, ce n’est pas l’idée qu’on doit se faire d’une bonne journée

4) Un pote qui connaît tous les groupes à l’affiche

Clairement, passer quatre jours à errer de scène en scène avec un pote qui n’a pas préparé son festival est aussi passionnant que de regarder un drame iranien sans sous-titres sur son iPhone. Mais est-ce vraiment pire que de se coltiner ce camarade qui a écouté jusqu’à l’obscur groupe local de rock festif qui joue à une heure où la plupart des festivaliers en sont encore dans leur tente à se demander pourquoi ils ont si mal à la tête. Parce que si il peut être assez cool de sucer la roue d’un expert qui connaît les dernières tendances made in Pitchfork, les groupes qui défoncent en live mais schlinguent sur album ou les songwriters qui vont se faire signer par un major dans l’année, ce même type est du genre à avoir un horaire de ministre. Son planning n’est qu’un enchaînement de choix cornéliens. Il veut tout voir, mais arrive toujours dix minutes après le début des hostilités parce qu’il venait d’un concert à l’autre bout du site, dont il a forcément raté la fin. On croise la plus grande concentration de ces fous furieux au Primavera de Barcelone, où il est physiquement possible de voir à peu près 12 % d’une affiche pourtant folle.

5) Votre dignité

Parce que ça ne s'échangera jamais contre une falafel andalouse a 10 €. Parce que ça ne vous empêchera jamais de vous mettre la misère dès les premières heures du festival sous le cagnard, vous qui vous étiez juré (comme chaque année) de ne pas la jouer comme Paul Gascoigne un soir de finale perdue. Parce que le respect de soi-même n'a jamais été à l'origine des meilleures anecdotes de festival.