Dossier

10 clés pour déchiffrer les NTS Sessions d'Autechre

par Aurélien, le 6 septembre 2018

On a toujours sanctifié Autechre pour le caractère exigeant et vide de compromis de leur copieuse discographie. Mais avec ces quatre volumes des NTS Sessions, la paire anglaise a tout simplement explosé ses propres limites. A l'antenne, ce n'est pas moins de huit heures de son spécialement conçu pour la web-radio qui ont été diffusés, avec une sensibilité différente pour chacune de ces sessions: une première qui met en avant les qualités mélodiques du duo ; une seconde particulièrement violente qui laisse la machine en pilote automatique ; une troisième féline et remarquablement variée ; et une quatrième qui revêt la forme d'une ambient désincarnée et post-apocalyptique.

Tout un programme, disponible depuis quelques jours seulement en physique et sur les plateformes de streaming, qui évoque les différents aspects de la discographie du groupe, des épopées digitales d'Oversteps jusqu'aux lignes rampantes d'Exai. Raison pour laquelle deux de nos rédacteurs parmi les plus valeureux ont pris le temps de digérer ces huit heures de son afin de séparer le bon grain de l'ivraie, et ne retenir que dix titres parmi les meilleurs moments de ces NTS Sessions. Un conseil si vous consentez malgré tout à vous farcir tout d'une traite: pensez à reconnecter socialement après avoir subi ce qui ressemble par moments à un passage à tabac orchestré par un algorithme Facebook.

bqbqbq (NTS Sessions #1)

On a tellement glosé sur le fait qu'Autechre faisait de la musique de robot qu'on oublie parfois que les deux anglais sont, comme nous, des êtres humains. "bqbqbq" est pourtant un morceau incroyablement fun, se jouant de nous comme un Turc Mécanique ayant bouffé Deep Blue, et utilisant sa fausse simplicité et son ping pong mélodique digne d'Oversteps pour mieux nous achever.

debris_funk (NTS Sessions #1)

"debris_funk", c'est la mise à mort d'un breakbeat d'une balle dans la tête, avant que les anglais ne choisissent de jeter son cadavre en pâture à une supernova. Dix minutes qui oscillent entre le beau et l'épuisant, achevant de nous rappeler que si Autechre n'a toujours pas le sens de la concession, c'est aussi pour des rares moments de grâce comme ceux-ci.

north spiral (NTS Sessions #1)

Si la paire aimait copier d'autres styles que le leur, "North Spiral" pourrait bien être leur premier titre inspiré du footwork de Chicago. Sauf que comme ils ne font rien comme les autres, le footwork d'Autechre n'est pas binaire ou primitif. Non, il est sale, rampant, et il flirte avec un riddim qui semble tout droit sortir d'un photocopieur en fin de vie. En tout cas, "North Spiral" est exécuté avec l'urgence du radar d'Ellen Ripley, et semble nous prévenir chaque seconde de la proximité immédiate d'une colonie d'Aliens dans le Nostromo.

dummy casual pt2 (NTS Sessions #2)

Il n'y a guère que les hoquets des machines pour nous rappeler qu'on est toujours chez Autechre. Pour tout le reste, on entre en pleine méditation dubstep, dans la pure tradition des sorties de Digital Mystikz: les infrabasses félines s'évanouissent comme la fumée noire de Lost, le rythme est guerrier et répétitif, et au loin on entend le cor qui gronde pour annoncer la proximité de la baston. Quatre minutes de pure transe électronique, où l'on finit avec le goût du sang dans la bouche, prêt à en découdre de l'ennemi.

e0 (NTS Sessions #2)

Parce qu'Autechre, ce n'est pas que du bruit et de la fureur désincarnée, les Anglais prennent le temps de nous rappeler que lorsqu'il s'agit de construire de belles cathédrales synthétiques, c'est toujours eux les plus forts. Résultat: ils s'octroient quinze minutes d'une ambient alerte qui échappe à la pesanteur. On ne pouvait pas rêver meilleur temps mort au milieu de cette seconde session particulièrement chaotique et violente.

shimripl casual (NTS Sessions #4)

Ce qui est fascinant avec cette session #4, c'est cette volonté du duo de balancer sa musique au fond d'un précipice pour voir ce qu'il en advient. Sur "Shrimpl casual", le morceau évolue comme un organisme mutant en fin de vie, entre nappes hors du monde et grenaille de déflagrations glitch. On a beau parfois se méfier d'une musique qui devient parfois rampante, impossible de ne pas être fasciné ici par les derniers spasmes de l'Ailleurs.

gloss ceramic (NTS Sessions #3)

Là où "debris_funk" brisait des nuques au premier contact, "gloss ceramic" se déplace comme Terminator ou le nemesis des films de superheros: de façon imperturbable en donnant l'air ne pas trop y toucher, pour finalement autant marquer les corps tant l'approche est aussi efficace que son jumeau de l'autre session. "Autechre, I don't feel so good".

xflood (NTS Sessions #2)

Ca commence comme une partie de Pong, avant de se transformer en une ballade nocturne dans les eaux noires du Styx. Claustrophobes s'abstenir: la tension artérielle ne finit par se stabiliser qu'au bout de huit longues et interminables minutes qui emmènent le morceau aux portes de l'Enfer.

gonk steady one (NTS Sessions #1)

Deux rythmes incompatibles qui tentent de se synchroniser pour donner naissance à un troisième algorithme fou qui balaie tout sur son passage, animé d'une fièvre quasi-hip hop. Un titre qui résume à merveille l'esprit jazz électronique de ces sessions, quelque part entre esquisses et improvisations, mais qui ne laisse absolument aucun doute sur qui conduit la barque: même quand la machine parle, c'est définitivement l'humain qui mène le speed date.

all end (NTS Sessions #4)

Depuis 1947, l'horloge de la fin du monde définit à quel point l'humanité se rapproche de sa fin, minuit correspondant à l'apocalypse nucléaire généralisée. "All end", c'est tout bonnement l'heure après minuit, quand l'humain n'est plus qu'un souvenir. L'idée n'est pas nouvelle dans la discographie du duo, mais elle semble toucher à un nouveau seuil dans cette conscience robotique en empruntant le chemin du drone pur, ici débarrassé de toute spiritualité.