Concert

Rone

Le Trianon, le 16 février 2013
par Aurélien, le 7 mars 2013

On s’excuse par avance auprès de l’intéressé, mais initialement une entrevue de l’ami Rone devait venir alimenter nos pages il y a plusieurs mois. L’heure de la retranscription venue, nous avons dû constater la relative stérilité d’un échange pourtant particulièrement animé, mais qui a manqué de la malice et de la maladresse pour transformer une bête rencontre en une interview fabuleuse.

Malice et maladresse, ce sont pourtant les seuls maîtres-mots susceptibles de décrire avec assez de force la jolie prestation offerte par Erwan Castex devant les yeux ébahis d'un Trianon de Paris qui, ce samedi 16 février, affichait sold out. Retour sur un bien beau moment de son.

Quand on l’a questionné sur la difficulté de transposer sur scène une galette aussi domestique que Tohu Bohu, le producteur s’était montré plutôt confiant : « Ce que j’aime bien dans le live, c'est de pouvoir malaxer l’album et jeter le tout en pâture au public » . On ne pouvait rêver meilleure image. Toute la soirée, Rone s’est en effet employé à reprendre ses plus gros morceaux en les redéfinissant à chaque fois, recréant de la matière à la seule force de sa jolie banque de sons.

Le résultat, très souvent, est bluffant de maîtrise et transpire le live, le vrai : celui d’un maître de cérémonie bien déterminé à ne pas servir la soupe et à apporter de la vie à une galette qui campe un peu trop sur ses acquis. Et tant pis s’il a tardé à larguer le kraken : quand le vrai kick part ce soir-là, c’est parti pour une heure de mélodies technoïdes, d’envolées synthétiques taillées à la serpe et de rythmes stroboscopiques.

Le bonhomme ne tarde d’ailleurs pas à se mettre la salle dans la poche, un contagieux sourire aux lèvres de voir que, dans les gradins comme en fosse, la fièvre à intégralement investi le Trianon – et c’est le minimum requis pour composer avec la minorité de crevards plus occupés à parler fort de leur week-end qu’à apprécier le show pourtant exigeant proposé par le Berlinois d'adoption.

La partie visuelle, au demeurant esthétique et réussie, n’aura été finalement qu’accessoire : le vrai spectacle était sur la scène, où Erwan Castex, partagé entre l’excitation et le plaisir de triturer sa musique, semble dans un état complètement second. Il sourit, lève les bras, danse et s’esclaffe presque quand le public lui renvoie sa bonne humeur avec de lourds intérêts. Rarement dans un concert de musique électronique, scruter un bonhomme triturer des potards et des boutons ne s’est montré aussi jouissif et salvateur. A part peut-être chez Flying Lotus.

Pourtant, ce portrait sans fausses notes a eu des ratés ce soir-là. Des transitions pas toujours bien amenées, des longueurs. Mais il y a eu tellement d’à-côtés appréciables, d’émotions et de sincérité communiqués avec des moyens limités, que lorsque l’on quitte le salle du XVIIIe arrondissement, on a le sentiment d’avoir assisté à un set qui ne manquait de rien : ni de chaleur, ni d’humanité, et encore moins d'intensité. Un set complet qui, sans être révolutionnaire, s’est montré à la hauteur des attentes. C’est la première fois que l’on voyait le phénomène à l’œuvre, ce n’est désormais pas certain que ce soit la dernière.