Concert

FUJI||||||||||||TA + Úna Monaghan

Le Périscope, Lyon, le 17 juin 2025
par Émile, le 30 juin 2025

En cette chaude fin d’année, le Périscope a placé sa soirée du mardi 17 juin sous le signe d’artistes utilisant un système de reconnaissance de mouvements. Vous aimez le Theremin ? Vous aimez Wii Sports ? Alors dites-le que vous l’aimez ! Tous les ingrédients étaient disposés pour une belle soirée découverte.

Le gros nom de cette affiche, c’était l’artiste japonais FUJI||||||||||||TA (prononcez...comme vous voulez, j’imagine). Habitué des cercles d’ambient minimaliste, il s’est fait connaître ces dernières années par un travail accompagné de la construction d’un orgue et d’une production musicale utilisant une grande diversité de sons percussifs. C’est par exemple ce qu’on trouve sur son album iki sorti en 2020. Une aubaine pour les amateurs·rices de très longs morceaux planants.

Ce n’est pas vraiment ce qu’on a vu la semaine passée : venu avec un dispositif plus simple et probablement plus portatif, FUJI||||||||||||TA a proposé une expérience d’une quarantaine de minutes, à l’aide d’un grand cylindre métallique, probablement un unique tuyau d’orgue couché en longueur. Sur ce tuyau, il applique un stylet doté d’un détecteur de mouvements et capable de faire varier l’intensité du souffle à travers le tuyau. Lorsqu’il l’utilise sur les bords, il déclenche un genre de bruit blanc que la rapidité et l’angle du geste peut rapidement faire saturer en un son proche d’un kick assez sourd.

La performance est ainsi encadrée par deux longs moments de percussions sonores irrégulières, flattant probablement les oreilles du groupe de gars fans d’Autechre, et qui contraste un peu avec le reste d’un public venu pour l’introspection. À l’intérieur de ce cadre intéressant mais assez austère, un moment dans lequel quelques notes sont soufflées, rapide voyage d’un type qui doit clairement préférer les aéroports aux avions. Et à l’intérieur de cet intérieur, un moment saisissant de travail sur la voix. À l’aide d’un micro lui-même sensible au mouvement et d’effets de profondeur, FUJI||||||||||||TA jette au milieu de ce paysage lunaire une humanité décharnée mais dont l’assentimentalité n’empêche en rien de procurer une certaine joie. Vive respiration avant de repartir dans les profondeurs, c’est un moment de lumière qui parfait un set extrêmement bien construit. Cette cohérence, vous pouvez la retrouver dans le trois-titres MMM, sorti l’an passé.

Ce qui fait le lien entre FUJI||||||||||||TA et l’autre artiste présente ce soir, c’est peut-être justement cette attention très radiophonique aux voix, aux atmosphères sonores et aux tentatives inachevées. Pour le Japonais, c’est ce qu’on trouve publié sur son Bandcamp en avril, cet adorable enregistrement de lui suivant sa fille jouant Bach au piano. Pour Úna Monaghan, c’est l’intégralité de son concert.

Pour être tout à fait honnête, des deux concerts présentés au Périscope, c’est la première partie qui a été la bouffée d’air frais dont on avait besoin. Rappelant que le mystère de la production artistique n’apporte pas toujours de la profondeur à un propos, Úna Monaghan est une expliciteuse. Elle parle, elle explique, elle donne un contexte à chaque morceau ; mais elle sait également esquiver l’évidement esthétique que trop de mots peuvent produire sur des sons. Artiste variée dans les textures employées, elle est socialement très polarisée par son Irlande natale. Il n’aura pas fallu beaucoup de mots et de chants pour nous rappeler quelques vers du dernier disque d’Anna B Savage, elle aussi habitée par la ville de Donaghan.

Et plus encore que son camarade de soirée, Monaghan est une musicienne de la radio. Si chaque morceau présenté a besoin d’être narrativement réhumanisé, c’est parce que chaque titre trouve son origine dans une histoire, une sonorité, un événement ou une recherche. Ethnomusicologue des voix, elle enregistre des enfants qui jouent dans la rue, ses beaux-parents qu’elle ne parvient pas à écouter tant leur accent régional la fascine. Sur ces paysages, sa harpe se fait l’accompagnatrice d’un ton ou d’une émotion, entre des pièces de Rameau et les Dreamies de Bill Holt.

Matériellement, le setup est similaire à celui de FUJI||||||||||||TA : dans le gant de sa main gauche, elle place un détecteur de mouvement qui lui permet de faire varier les sonorités de sa harpe ou les effets enclenchés sur un module extérieur. Et là où la simplicité de certains morceaux de folk irlandaise apaise, on retrouve la complexe granularité d’une main qui doit penser deux mouvements à la fois.