Wasted Space

The Oscillation

Fuzz Club – 2018
par Émile, le 5 novembre 2018
7

Depuis ses débuts, The Oscillation suit une trajectoire pour le moins complexe. Porté dans un esprit d'expérimentation depuis 2006 par Demian Castellanos, une consolidation esthétique avait eu lieu après Veils en 2011, lorsque le « projet » était en réalité devenu un trio dans lequel on retrouvait Valentina Magaletti et Tom Relleen. La musique de The Oscillation était alors du vrai kraut psyché. Mais les deux compagnons de Castellanos ayant souhaité prendre un peu d'indépendance avec leur (excellent) projet Tomaga, cela a donné au principal intéressé l'occasion de repenser ses ambitions. Ce qu'on a alors cru être un tournant électronique avec U.E.F. (composé seul par Castellanos) s'est avéré n'être qu'une simple pause pour mieux redonner sens à ce qui s'appelle toujours, malgré tous ces changements, The Oscillation.

Wasted Space est présenté comme l'album de la renaissance, en même temps que l'album de la maturité. Un disque capable de révéler l'imperturbable essence du groupe en explorant tous les univers chers à Demian Castellanos. Et si on a toujours trouvé que The Oscillation faisait du bon travail, il faut avouer que les Anglais ont vraiment passé un cap avec cette deuxième sortie chez Fuzz Club.

Déjà, parce que les origines du projet sont complètement assumées, et permettent un relâchement salvateur. Castellanos est profondément attaché aux années 1980, et affirme se considérer comme un héritier direct de The Cure - le travail à la basse est à ce titre particulièrement marquant. En fait, ce nouveau The Oscillation, à la première comme à la vingtième écoute, sonne comme un travail plus détendu, moins marqué par des paradoxes esthétiques internes ; comme si Castellanos avait arrêté d'essayer de faire de la musique psychédélique, et qu'il avait simplement laissé la musique se faire. Qu'on ne se méprenne pas: l'album est très axé psych-kraut, et il n'y aura aucune énorme surprise sur les six morceaux qui le composent, mais il est vrai qu'on sent comme une dynamique plus franche et plus efficace dans leur construction.

Ensuite, le cap a été passé parce que Wasted Space est effectivement l'album le plus ambitieux de l'histoire du groupe. Sur les premières sorties, on avait parfois plus l'impression d'écouter un best of de sessions d'enregistrement plutôt qu'un album construit sur la longueur, avec un projet fixe autour duquel on pouvait naviguer librement. Cette fois-ci, la liberté a été prise, et le groupe n'a jamais aussi bien porté son nom: on oscille entre le post-punk, l'indus, la pop, la musique expérimentale, avec une finesse et une aisance inouïes. Et ça, Fuzz Club l'a bien compris en teasant l'album avec « Drop », sa batterie franche, sa ligne de basse répétitive, ses effets à la gratte pensés pour être fun et pas pour être originaux. Mais Wasted Space est bien plus que cet efficace single. Et ici le constat est sans appel: on a jamais vu autant d'ouverture et de variation dans un album de The Oscillation depuis 2006. 

Au final, à une époque où le psychédélisme n'a d'yeux et d'oreilles que pour le garage, Wasted Space réoriente les projecteurs sur le kraut et sa capacité à se renouveler et reconquérir la scène rock avec autant d'inventivité que de respect de son histoire.