Things Take Time, Take Time

Courtney Barnett

Milk! Records – 2021
par Gwen, le 9 décembre 2021
6

Il faut tout de même faire preuve de pas mal de mauvaise volonté pour ne pas aimer Courtney Barnett. Deux albums à peine (et un troisième en symbiose avec son camarade Kurt Vile) lui auront suffi à imprimer sa marque dans le plus grand des calmes. On pourra d’ailleurs décréter (en toute objectivité, bien sûr) que ses morceaux "Nameless, Faceless" ou "Pedestrian at Best" font officiellement partie des fondamentaux d’une playlist fréquentable.

À chaque étape, l’Australienne nous a rappelé à quel point « être cool » n’a pas grand-chose à voir avec des tenues tapageuses ou un carnet mondain bien rempli. Courtney, elle en a tellement rien à foutre d’être cool qu’elle l’est devenue sans même s’en rendre compte. Avec son écriture au-dessus de la mêlée, son aisance à manier l’autodérision et sa voix qui traîne la patte, elle a toujours donné l’impression qu’il ne fallait pas suer tant que ça pour donner le change (désillusion garantie pour tous les aspirants musiciens). Alors autant dire que ces quatre années de silence furent longues...

On regrette dès lors de ne pas être plus enthousiaste à l’écoute de ce petit troisième en solo qui nous arrivait doté d’un énorme capital sympathie. Composé en isolement covidien (comme à peu près tous les albums sortis au cours des douze derniers mois), Things Take Time, Take Time révèle une Courtney tentant de saisir les menus plaisirs d’un quotidien qui s’écoule au ralenti. Un moment d’introspection où elle rejoue le match dans sa tête pour mieux en tirer les leçons. Tout cela est finement observé et consigné avec une évidence telle qu’elle permet à chacun de s’y retrouver.

Pour accompagner son état d’esprit, Barnett s’est dit qu’il était judicieux d’adoucir la forme et d'opter pour le dépouillement et le downtempo. Tellement dépouillé d’ailleurs, que l’on pourrait confondre l’ensemble avec une collection de démos qui se sont fait une beauté pour l’occasion. Et tellement down, le tempo, que l’on a parfois du mal à garder les paupières ouvertes. Les vignettes s’enchaînent sans que l’on discerne leur début de leur fin et cela ne nous réjouit pas plus que ça d’avoir à l’admettre. Il y a bien quelques trouées de lumière comme l’ouverture "Rae Street" ou "If I Don’t Hear You Tonight" où elle nous démontre toujours sa science de l’accroche mais même si la vue est agréable, le terrain demeure un peu trop plat que pour parvenir à nous captiver. On ne lui reprochera certainement pas de bousculer nos habitudes en tentant une nouvelle approche mais ici, il nous manque clairement quelque chose. Et ce quelque chose, c’est sans doute le tranchant de sa guitare. Cette guitare qui, une fois lancée à plein régime, se confronte merveilleusement à l’indolence de sa voix, conférant ainsi toute son efficacité à la recette « Barnett ». Si on ne recherche pas l’hymne de bar à tout prix, on aurait tout de même espérer prendre un coup de jus de temps en temps.

Peut-être aurions-nous dû avoir la prudence de prendre Things Take Time, Take Time au pied de la lettre. N’en demander pas plus que de se laisser glisser dans ce grand bain moussant, en profiter pour choper un morceau au hasard et le laisser fondre jusqu’au suivant. Ou peut-être faut-il l’aborder pour ce qu’il est probablement : un moment suspendu en attendant que Barnett reprenne la route et recharge ses batteries avec plus de mordant.

Le goût des autres :