The Year of How-To Book

Eagle Seagull

Pias – 2010
par Gwen, le 3 juin 2010
6

"I Don’t Know If People Have Hated Me But I Have Hated People". On est en droit de se méfier d’un groupe qui cultive des titres de chanson aussi longs et boursouflés. Sur ce terrain, il a déjà fallu subir les ambitions verbeuses des nauséabonds Panic! At The Disco qui ont eu le bon goût de ne pas trop s’éterniser. Passons outre cette mauvaise habitude.

A l’arrière du livret de ce second album, ces originaires du Nebraska ont visiblement décidé de faire honneur à leur producteur dont le nom, Ryan Hadlock, bénéficie d’un lettrage aux proportions éloquentes. Sans doute pour rappeler qu’ils ne se sont pas associés avec n’importe qui, l’homme en question pouvant se vanter de certains succès tels Gossip, Blonde Redhead ou The Strokes. Le genre de détail qui met en confiance. On accepte donc l’appétissant cookie qui nous est offert.

A la première écoute de ce mélange claviers, violons et choeurs électrifiés à la guitare, il semble que la troupe s’accroche violemment au mollet d’Arcade Fire. Dans le meilleur des cas, ils y s’en approchent. Et ce n’est pas le moindre des compliments. On pourra en apprécier les effets sur des morceaux tel que "Im Sorry But I’m Beginning To Hate Your Face" (si, si, aussi long que ça) où la voix désenchantée de Eli Mardock, sorte de Jarvis Cocker en moins polisson, nous arrime sans peine à sa grande chenille festive.

En revanche, lorsque Mardock tente de partager les tourments qui habitent son âme meurtrie, ça devient beaucoup moins drôle. Cela donne l’impression de prêter son épaule à une copine qui pleure un quinzième larguage par le même type alors que, merde, on l’avait bien prévenue. Il vient quémander notre empathie sur une épaisse couche de cordes qui met quelque peu mal à l’aise. "I Don’t Know If It’s Ignorance Or Transcendence" (si, si, aussi boursouflé que ça) se trouve être le genre de complainte qui cherche désespérément les briquets.

La troupe titube donc dangereusement sur la frontière qui distingue l’émotion brute des larmes de crocodile. Et si l’ensemble ne manque pas d’orchestrations soignées ni d’énergie juvénile ("The Boy With A Serpent In His Heart" ou encore "Twenty Thousand Light Years"), leur Year of How-To Book a parfois tendance à hyperventiler à force de vouloir trop donner de sa personne. Eagle Seagull signe ici un disque inégal mais qui permet d’entrevoir quelques intéressantes perspectives pour la suite de leurs aventures.