The Silver Cord

King Gizzard & The Lizard Wizard

KGLW – 2023
par Émile, le 6 novembre 2023
8

Au ciné, ça arrive quand même qu’une affiche nous trompe un peu sur la marchandise. Tu prends un billet pour Mad Max : Fury Road en espérant voir du gunfight, et en fait c’est... vachement mieux. Tu prends un billet pour Bienvenue chez les ch’tis et... non, là c’est exactement ce qui était annoncé. En musique, les pochettes d’album hors majors, c’est quand même plus souvent un délire arty pas toujours facile à comprendre quand t’étais pas dans les studios avec les musicien·nes.

Ce qu’il y a d’excellent avec la pochette de The Silver Cord, c’est que c’est une sacrée promesse. Le groupe qui fait renaître les musiques à guitare chez toute une génération se pointe avec une ambiance fin des eighties et une foule de synthés. Sur la photo, on reconnaît même un petit Moog à gauche, du Roland, un petit eurorack sur la droite... : bref, on s’enjaille.

Je sais bien qu’on a toujours l’air de ravis de la crèche tombant dans le panneau d’un groupe qui sort un album tous les trois mois, mais le résultat est assez flippant : si tout n’est pas parfait sur les disques de King Gizzard & The Lizard Wizard, et si leur modèle de production les empêchera peut-être un jour de produire un véritable chef-d’oeuvre (faudrait quand même rediscuter de la place qu’occuperont Polygondwanaland ou Omnium Gatherum dans l’histoire du rock), il n’empêche que tous les disques des Australiens sont intéressants. Puisque le groupe produit énormément, ce qui sépare les albums, ce sont surtout des tranches de créativité bien distinctes. Il y a plusieurs albums de rock-folk ou de trash dans leur discographie, mais lorsque deux ou trois disques sortent la même année, on peut être plus ou moins certains qu’ils seront différents.

Et une fois de plus, The Silver Cord mérite tellement une écoute. Déjà parce qu’on y découvre une autre facette des goûts de Stu McKenzie et sa bande. Une appétence certaine pour quelque chose de l’ordre de l’acid techno, comme on le remarque assez bien sur « Set », qui laisse penser que ces trentenaires ont grandi avec des singles de Technotronic. Leur façon de faire des musiques électroniques ou simplement de synthèse sent les années 1990 à des kilomètres à la ronde. Et c’est ce qui permet également de retrouver leur patte de musiciens à guitare, comme sur ce « Swan Song » qui hume bon le Nine Inch Nails.

Mieux encore : c’est dans l’usage des synthétiseurs qu’ils ont pu développer des enchaînements d’harmonisations d’une qualité qu’on n’avait pas vue depuis plusieurs albums. Et si « Theia », qui ouvre The Silver Cord, ressemble à un titre généré par une IA à laquelle on aurait demandé « imagine/king gizzard song with synths », il y a quelque chose de particulièrement organique dans un morceau comme « Extinction », qui clôt magnifiquement l’album.

En sachant s’arrêter à sept titres bien conçus, King Gizzard fait vraiment un superbe taf. Mais le mieux, c’est la suite. Seul un groupe qui comprend extrêmement bien sa production et son public peut avoir l’idée de balancer tout l’album en « Extended version ». En passant de quatre à dix minutes, les morceaux prennent une toute autre dimension, créant une atmosphère beaucoup plus planante et laissant pleinement se révéler le potentiel d’une musique entièrement synthétique. Si on ajoute à cela que le tout est pensé sous forme de set jouable en une fois, on a simplement l'un des plus beaux albums que les Australiens aient pondus depuis... l’an dernier ?

Le goût des autres :