The Runner

Boy Harsher

Nude Club – 2022
par Quentin, le 27 janvier 2022
7

S'attaquer à la BO d'un film sans l'avoir vu est un exercice périlleux. C'est pourtant ce qu'on s'apprête à faire ici. Pour notre défense, il faut avouer que la BO de The Runner composée par Boy Harsher facilite grandement la tâche. À la fois darkwave, coldwave, synth-pop et goth, la musique du duo du Massachusetts laisse peu de place à l'imagination pour orienter la pensée vers un univers horrifique tout droit sorti des 80's. Lorsqu'on parle de films d'horreurs et de bandes originales bardées de synthés, il serait injurieux de ne pas faire référence au maître en la matière, celui qui a créé les règles du jeu, le cinéaste et compositeur John Carpenter. La différence, ou du moins une des différences, c'est qu'avant d'endosser le rôle de réalisateur, Boy Harsher est avant tout un groupe dont la musique fait danser là où Carpenter crée des univers dépouillés qui accentuent la froideur des films qu'il réalise. Autrement dit, de la musique qui ne fait pas danser.

Et cette distinction à toute son importance car si "The Runner est un film qui suit le parcours d'une femme étrange dont les pulsions violentes se révèlent alors qu'elle déambule dans une ville isolée du monde", Boy Harsher compose une BO qui n'arrive pas à se départir de la musicalité qui crée justement l'attrait pour ce groupe. "Tower" est le titre d'intro et c'est peut-être le seul à parfaitement respecter le cahier des charges. Sombre et oppressant, il colle exactement à l'univers inquiétant promis par le trailer. Dès le deuxième morceau, les synthés et la boîte à rythmes débarquent et réchauffent l'ambiance. Ces propos sont évidemment à relativiser puisqu'à aucun moment l'univers du disque n'est joyeux, il est même souvent angoissant, mais porte en lui un "capital club" qu'on trouvait déjà sur les précédentes productions de Boy Harsher. À ceci, il faut évidemment ajouter le chant fantomatique de Jae Matthews. Aussi mélodique qu'éthéré, il symbolise parfaitement l'intelligent équilibre sur lequel repose l'univers de Boy Harsher. The Runner se partage ensuite entre des titres franchement entraînants ("Autonomy" qui évoque les débuts d'Alex Cameron, "Machina") et d'autres à l'ambiance étouffante ("The Ride Home", Escape"). 

The Runner est en fait une parfaite copie du genre dans lequel il s'illustre. En évoquant autant l'obscurité que l'exubérance sur fond de musique dance, cet album prouve que Boy Harsher maîtrise les codes du genre. Ce qui nous pousse d'ailleurs à penser que Jae Matthews et Augustus Muller ne semblent pas s'être forcés outre mesure pour composer cet album. Il ne faut évidemment pas s'y méprendre, c'est plutôt une remarque positive. Boy Harsher est un excellent groupe, capable de recycler les rythmes et les synthés 80's dans une formule efficace, loin d'être écœurante. D'ailleurs, à aucun moment le fait de ne pas avoir vu le film ne nous a donné l'impression de passer à côté du disque. En résumé, comme sur ses productions précédentes, Boy Harsher cultive une puissance attractive et obscure qui, une fois de plus, touche sa cible.

Le goût des autres :