The Crying Light

Antony & The Johnsons

Rough Trade – 2009
par Splinter, le 3 février 2009
9

"C'est la mort qui console, hélas! et qui fait vivre". Si la vie ne représente que l'attente de la mort, quatre ans d'attente pour découvrir un nouvel album d'Antony & The Johnsons confine à l'insupportable. Loin de l'ignorer, Antony Hegarty en joue. Du coup, depuis 2005 et la sortie de l'immense I Am a Bird Now, l'espoir de retrouver Antony & The Johnsons en parfaite possession de leurs moyens s'est lentement émoussé, jusqu'au maxi paru en fin d'année dernière, Another World, qui pouvait légitimement inciter les adorateurs de la voix d'ange d'Antony Hegarty à reprendre leur bâton de pèlerin et à crier sur tous les toits que ce groupe, absolument inclassable et inimitable, était en mesure de nous ravir à nouveau.

Magnifiquement illustré, comme le précédent album, par une photographie où la mort et la vie se côtoient étroitement, The Crying Light est, à l'image d'Antony: un disque éminemment subtil, qui, sous des abords soyeux et remarquablement mélodieux, séduit l'auditeur grâce à des thèmes aussi dérangeants que le mal-être, l'au-delà ou la maladie (comme le nazisme sur le premier album du groupe). Et si l'on a connu des champs lexicaux plus engageants de prime abord, rarement, en revanche, un disque aura déployé un tel charme venimeux, insidieux, au point que la gravité qui l'habite manifestement s'apparente, miraculeusement, à la légèreté de l'âme.

C'est ainsi que cette sublime collection de ballades graciles et délicates hantées par la voix pure, exceptionnelle et enveloppante d'Antony, fait l'effet d'un baiser mortel, glacé mais inévitable et, surtout, irrésistible, dans le prolongement de I Am a Bird Now, dont elle est la suite logique, le successeur implacable, mais également le champion, d'une poésie inédite et bouleversante, malgré une réalisation classique venant d'Antony & The Johnsons, quoique plus minimaliste que les précédents opus du groupe, peut-être moins accessible également.

Mais même en laissant de côté les expérimentations de "Shake That Devil" sur le maxi Another World, ce disque constitue, à n'en point douter, un chef d'œuvre intemporel, un album que l'on retrouvera nécessairement dans les traditionnels classements de fin d'année et probablement aux alentours des plus hautes marches. Pour une fois, l'attente a accouché d'un miracle. Citer Baudelaire pour parler d'Antony n'est pas complètement déplacé.

Le goût des autres :
9 Nicolas 8 Popop 9 Julien Gas