Sky Blue Sky

Wilco

Nonesuch – 2007
par Jeff, le 5 juillet 2007
9

En 2004, Wilco plaçait la barre particulièrement haut en sortant A Ghost Is Born, l’une des pièces maîtresses de sa discographie aux côtés de Yankee Hotel Foxtrot. L’association de l’écriture fluide de Jeff Tweedy et des délires avant-gardistes de Jim O’Rourke frappait invariablement juste et nous renforçait dans l’idée que rares étaient les groupes qui parvenaient à justifier de manière aussi probante l’appellation « éclectique ». Entre A Ghost Is Born et Sky Blue Sky, le petit nouveau du groupe de Chicago, la situation a sensiblement évolué : O’Rourke s’en est parti vers de nouvelles latitudes bruitistes tandis que Jeff Tweedy s’est débarrassé de sa dépendance à l’alcool et aux médicaments (il carbure désormais au Diet Coke).

Comme on pouvait s’y attendre à la lecture d’un tel état des lieux, la musique de Wilco a quelque peu changé en 2007. On pourrait même dire qu’elle a évolué… quoiqu’il faudrait plutôt parler d’une certaine régression, Jeff Tweedy se plaisant à revisiter tout au long de ce sixième album studio tout un pan de la musique américaine incarnée par des artistes comme Jackson Browne ou Neil Young. Aussi, épuré ou apaisé sont désormais des qualificatifs qui vont comme un gant à Jeff Tweedy et ses ouailles. Cela ne veut pas pour autant dire que Wilco a décidé de jouer la carte de la facilité en nous servant des mélodies aseptisées et calibrées pour plaire au plus grand nombre. En effet, ce que la musique du groupe a perdu en complexité, elle l’a gagné en grâce. Jamais les compositions de Jeff Tweedy n’ont semblé si fluides et lumineuses, parcourues d’harmonies graciles et de solos de guitare savoureux (phénoménal Nels Cline, notamment sur « Impossible Germany »). Bien aidé par un groupe dont l’homogénéité et le talent semblent incontestables, Jeff Tweedy a pu davantage se concentrer sur sa voix, plus délicate que jamais, et qui sait se faire l’écho d’une large palette d’émotions. Enchaînant les ballades gorgées de folk, de country et de soul, le groupe se dévoile sous un jour nouveau qui ne sera pas sans évoquer une version moins bordélique et plus soignée de débuts que beaucoup ont déjà oubliés.

« Either Way », « You Are My Face », « Sky Blue Sky », « What Light » ou « Please be Patient With Me », difficile d’extirper de cet enchaînement de perles intemporelles des titres moins marquants que d’autres. Bizarrement, ces dernières semaines, on a vu les critiques fuser à l’encontre de ce Sky Blue Sky que d’aucuns considèrent comme un oubli dans une carrière jusque-là irréprochable. Il n’en est rien. Jeff Tweedy ne s’est jamais senti aussi bien et cela s’entend sur cet album exempt de tout reproche qui place Wilco et son compositeur principal sur une galaxie que peu visiteront un jour dans leur carrière.

Le goût des autres :
9 Julien 9 Nicolas