SKIN

Ho99o9

DTA Records – 2022
par Émile, le 20 avril 2022
8

Bon, il est temps de rendre Ho99o9 mainstream. Pour TheOGM, Eaddy et Brandon Pretzborn, on se dit que si c’est pas maintenant, c'est qu'il y a un souci. Un déménagement de Newark à Los Angeles, un excellent album et plusieurs EPs plus tard, on reste avec l’impression tenace que le trio n’est pas apprécié à sa juste valeur. Avec en cause, certes, des appuis peut-être trop old school, mais aussi paradoxalement, une fâcheuse tendance à être dans l’avant-garde. Alors comprenons-nous bien : les concerts sont complets, le groupe est connu, mais pour la première fois peut-être, SKIN laisse penser que Ho99o9 peut devenir plus qu’un groupe jonglant entre hip-hop et punk hardcore.

Pour ceux et celles qui découvrent Ho99o9, c’est tout simplement une réincarnation toute particulière de la quintessence de la fin des années 1980. Une capacité dingue à passer du punk au punk hardcore, du heavy metal au hip-hop, du hip-hop à la drum’n’bass – le tout avec l’ironie nécessaire à des types qui, rappelons-le, se sont rencontrés au lycée en se rendant compte qu'ils étaient les seuls à écouter Nirvana en cachette. Et aussi intéressant qu’était leur premier album, United States of Horror, on pouvait voir une certaine limitation dans cet aspect punk DIY, encore un peu figé dans l’amour des cassettes et des nineties. Pas un mal en soi, mais peut-être un potentiel inexploité.

C’est ce que laisse supposer SKIN qui, tout en paraissant similaire dans son atmosphère générale au premier abord, révèle de plus amples qualités. Pour commencer sur ces similitudes, on remarquera un panel de featurings rendant pleinement hommage aux héros de jeunesse : en plus d’avoir Travis Barker de Blink-182 à la production, on croise le chanteur de Slipknot, Corey Taylor, et l’artiste / poète Saul Williams. De quoi fêter parfaitement le syncrétisme des cultures punk et afro-américaine. Avec comme résultat ce que Ho99o9 sait faire de mieux : une boule d’énergie fantastique, ramassant tout ce qu’elle peut de manière lumineuse, alternant l’intense, le drôle et le cool. Cette façon de s’amuser de tout qu'il faut conserver dans leur formule, elle est parfaitement incarnée par le single « BATTERY NOT INCLUDED » qui moque la techno puis utilise une 808 pendant tout le morceau. Autrement dit, Ho99à9 fait feu de tout bois, avec une jovialité perceptible derrière le mur de violence de la plupart des titres.

Mais dans SKIN, Ho99o9 s’est dépassé sur plusieurs aspects. Déjà en laissant un peu de côté la référence à un hip-hop très old school, et en étant esthétiquement beaucoup plus actuel. Mais, honnêtement, est-ce le rap actuel qui se gargarise aux 90’s et qui a rejoint la musique de Ho99o9 ou l’inverse ? L’important, c'est que le disque entre mieux en résonance avec les productions de ces dernières années. N’étant plus le seul groupe de « rap » à donner envie de porter des jupes à carreaux et des mitaines, on parvient plus facilement à les intégrer à une scène élargie - la preuve avec un titre comme « SLO BREAD », petite pépite à cheval entre la cool trap et le son west coast classique.

Même dans la façon de traiter l’aspect metal, il y a du changement : le son de guitare de « LOWER THAN SCUM » est une belle réinterprétation du heavy des années 1980 et 1990, sans parler de l’excellent « ...SPEAK OF THE DEVIL », qui montre à quel point le travail de production de Travis Barker a sa valeur ajoutée. Plus libres dans leur rapport au rap, plus libres dans leur rapport au punk, et évoluant dans un monde dans lequel ces deux genres se rejoignent de plus en plus, Ho99o9 est en pleine phase d’émancipation. Et c'est ce qu’on leur souhaite : de devenir à leur tour un groupe écouté par une génération de lycéen·nes sur la route de l’école.

Le goût des autres :