Push The Sky Away

Nick Cave And The Bad Seeds

Bad Seed Limited  – 2013
par Michael, le 15 février 2013
8

Je ne sais pas vous, mais moi je verrais bien notre bon vieux Nick Cave reprendre la mitre de Benoît XVI. Après tout, il a tout ce qu’il faut pour: une solide culture théologique, une vie vouée à prêcher et évangéliser les foules et à implorer tous les saints de l’Ancien et du Nouveau Testaments, une bonne connaissance du terrain et une énergie qui semble cruellement faire défaut à ce Joseph Aloisius.

Car de l’énergie, il en a à revendre l’Australien. On peut même dire qu’il en a tellement dans le slip kangourou qu’il en effraierait Lucrèce Borgia. Increvable, même à 55 piges. Il n'y en a pas beaucoup qui peuvent se targuer à cet âge-là d’une telle carrière.

Et le plus étonnant, c’est qu’au final il y a très peu de déchet dans cette imposante discographie. D’ailleurs, trouvez-moi un mauvais album, de The Birthday Party à The Bad Seeds, en passant par Grinderman ou les BO de films. Nocturama à la limite, et encore, on ne peut pas vraiment dire qu’il soit mauvais, juste… chiant.

Alors oui, toute annonce d’un nouvel album du grand Nick nous fait à juste titre saliver, surtout au vu de l’excellente forme et de la grande qualité des derniers albums sortis avec ses divers projets. On peut d’ailleurs dire que depuis le diptyque Abbattoir Blues/The Lyre Of Orpheus et le départ de Blixa Bargeld (départ que l’on pouvait à l’époque regretter) préférant retourner se consacrer plus pleinement à Einstürzende Neubauten, on constate un regain de vigueur et d’inspiration ainsi qu’une volonté très nette de prendre des risques et de tenter de nouvelles choses. On en veut pour preuve la multiplication de projets menés de front par le grand brun : outre les Bad Seeds et Grinderman, il y les BO réalisées avec Warren Ellis, son travail de scénariste pour le cinéma, ou encore d’écrivain. Il y a par ailleurs fort à parier que Warren Ellis n’est pas étranger à ce bouillonnement créatif, son importance allant croissant au sein des Bad Seeds depuis le départ de Bargeld.

Alors ce nouvel album, annoncé comme différent et ne ressemblant à rien de ce que le groupe avait fait jusqu’à présent ? Pour être honnête, on est en terrain connu et ne vous inquiétez pas, Nick et ses mauvaises graines ne se sont pas mis au dubsteb ou au kuduro. Cependant, il est vrai que comme régulièrement dans sa discographie, le contrepied est un art que maîtrise désormais parfaitement le groupe. Ainsi, après une série d’albums très rocks (qui venaient après une série d’albums très calmes), voire bruyants (les deux Grinderman auront dépoussiéré quelques tympans), Push The Sky Away prend un parti différent. Nettement plus calme et apaisé que ses prédécesseurs, il n’en reprend pas pour autant les ficelles qui avaient fait le succès des pépites The Boatman’s Call (qui misait sur un dépouillement presque cistercien) ou No More Shall We Part (qui jouait la carte du lyrisme et des arrangements baroques).

En même temps, on s’en doutait un peu à l’écoute de « We know Who U R » le premier extrait circulant avant la sortie de l’album : une sobriété dans les mélodies presque minimalistes, des claviers aériens et la mise au premier plan de la voix. Un titre d’ouverture tout en délicatesse et en apesanteur.

On comprend où réside une des grandes forces de ce groupe, outre le talent et le charisme sans égal de son frontman : les Bad Seeds, c’est un peu le croisement entre la Jaguar et le 4x4 BMW. L’élégance et la finesse alliées à la puissance et à la faculté de s’adapter à tous les terrains. On sait ainsi que depuis longtemps tous les membres des Bad Seeds, outre le fait d’être des musiciens accomplis, sont capables de changer d’instrument comme de chemise. Chaque album voit ainsi un redéploiement des forces en présence et le choix d'un fil conducteur musical. Il en résulte un éventail de possibilités dont rêverait tout compositeur et l’assurance de pouvoir se renouveler pour peu que l’ambition et l’inspiration soient au rendez-vous.

L’autre élément caractéristique notable et remarquable de Push The Sky Away est la répétition, le travail autour de motifs simples, une ligne de basse et de clavier, sur lesquels le groupe déroule son talent tout en retenue, laissant la part belle à la voix et aux textes toujours aussi inspirés et habités de Monsieur Cave.

Voilà donc un album qui ne vous prend pas d’emblée comme ses prédécesseurs, car il n’y a pas de single évident. Mais on devine tout de même une belle longueur en bouche dont les finesses et subtilités ne se laisseront pleinement apprécier qu’après quelques écoutes. A coup sûr encore un bon album pour Nick Cave et ses Bad Seeds qui ne sont visiblement pas prêts (ni décidés) à prendre leur retraite. Pour un effet optimal, à consommer de préférence en buvant un bon Bourgogne au coin du feu.

Le goût des autres :
9 Maxime 9 Julien L