Poverty

Motorama

Talitres – 2015
par Michael, le 19 janvier 2015
9

On est contents de retrouver Motorama. Très contents même. Même si on se demande comment le groupe a trouvé le temps d’enregistrer ce nouvel album, lui qui est sans cesse sur la route depuis la sortie de Calendar il y a deux ans. Ainsi, il écume la planète du fin fond de sa Russie, à l’Amérique latine en passant par le vieux contient qu’ils ont déjà maintes fois sillonné. On est donc très heureux de commencer cette nouvelle année avec Poverty. Un album assez paradoxal et mystérieux, dont on n’a pas encore complètement digéré toutes les nuances. En tout état de cause le titre est assez juste et correspond à l’esprit : encore plus d’ascèse que sur Calendar et Alps, et un parti pris sonore et esthétique extrêmement cohérent. Comme le suggère la pochette - et le titre donc - le groupe semble entré dans sa période arte povera, ou du moins dans une réduction de palette que l’on devine très certainement voulue.

Poverty fait le choix du noir et blanc et ne dérogera pas à cette approche tout du long, cherchant et trouvant dans cette contrainte tout un éventail de nuances allant du blanc cassé au gris, ni jamais trop clair, ni jamais trop sombre. Un album entre chien et loup en somme. Plus concrètement, quasi-exit les guitares de Vladislav Parshin qui semble se cantonner au chant, et bonjour les claviers de Alexander Norets qui sont systématiquement plus présents dans l’architecture des morceaux et dans le mix général. Des claviers que l’on jurerait tous droits sortis du Closer de Joy Division ou du Seventeen Seconds de Cure.

Pourtant, même si le groupe a souvent été comparé aux deux groupes susmentionnés (en grande partie de par la voix de Vladislav et le côté sec comme une trique de la musique), on a toujours trouvé plus d'accointances avec les prestigieuses écuries Sarah Records ou Flying Nun Records. A la fois dans son approche générale (une ligne claire mélodique et tendue mélangeant mélancolie et euphorie), mais aussi dans les paroles de ce surprenant Vladislav. On ne sait pas trop de quoi parlent ces textes, mais on est clairement loin du mal-être et du romantisme froid de Ian Curtis ou Robert Smith. L’allusif est ici de mise, comme les phrases courtes et simples où il semble souvent question de solitude ou de communication, comme dans la belle et cruelle dernière piste de l'album "Write To Me" dans laquelle le narrateur ne supporte plus la voix humaine et son incessant babil, loghorée dépourvue de sens, et implore son amante d'utiliser sa plume putôt que sa langue.   

Le paradoxe, c'est donc que les titres de Poverty paraissent d'une froideur glaciale, toujours menés pieds au plancher sans jamais descendre en dessous des 130 bpm, comme l'illustre l'intriguant "Dispersed Energy". Cela tient principalement au son où les guitares carillonnantes de Maxim Polivanoc luttent désormais à armes égales avec les claviers d'Alexander Norets. Force est pourtant de constater que la vue d'ensemble offre une toute autre perspective: on ne parlera peut être pas de chaleur, mais d'une douceur que l'on n'avait pas encore sentie chez Motorama et qui semble se dessiner ici. Le groupe pourtant très marqué dans ses choix esthétiques se découvre en fait une nouvelle facette. Une facette que l'on a hâte de redécouvrir sur scène d'ici peu. 

Le goût des autres :
7 Jeff 8 Denis