Kaleidoscope Dream

Miguel

RCA (import) – 2012
par Jeff, le 30 octobre 2012
8

Chacun son tour. C'est certainement ce qu'on dû se dire les fans de R&B quand ils ont vu le rock faire son grand retour au début des noughties ou le dubstep prendre la planète par surprise quelques années plus tard. Car si le genre n'a jamais cessé de produire des grands disques ou des artistes incontournables, il n'a jamais semblé prospérer en dehors des Etats-Unis où se concentre l'essentiel de la scène – parce que ce ne sont pas ces baltringues made in France qui sont parvenues à nous faire vibrer pendant la période de vache maigre.

Et donc, dans le droit fil de la lame de fond déclenchée par le Take Care de Drake dans un premier temps et les réalisations de The Weeknd et Frank Ocean ensuite, on a un peu l’impression que des hordes de hipsters se découvrent en 2012 un amour inattendu pour le R&B – même si c’est souvent pour sa mouvance la plus moderniste qu’ils font dans leur slim, oubliant de passer par la case ‘fondamenteux’. Ceci étant dit, on ne va pas trop se plaindre et espérer que ce récent amour pour les comptines sirupeuses de ces voix de velours leur ouvriront les portes d’un univers ou D’Angelo, Brandy, The-Dream ou Ryan Leslie règnent en maîtres.

Mais pour l’heure, c’est surtout l’occasion pour nous de découvrir Miguel, artiste au patronyme certes pas très engageant sur papier, mais pesant déjà presque 500.000 fans sur Facebook. Surfant il est vrai sur la vague « R&B 2.0 », le deuxième album du singer/songwriter de L.A. n’en reste pas moins l’une des toutes belles surprises de 2012, portée par un single imparable qui sonne comme la porte d’entrée idéale à l’univers cotonneux. « Adorn », ce sont quatre minutes qui sentent le stupre, les mouvements de bassin lascifs, les mordillements d’oreille, les gouttes de transpiration qui perlent dans le creux du bassin et les râles de plaisir. Le genre de clichés éculés pour tout détracteur du R&B, mais qui sonnent ici comme la déclaration d’amour que tu ne pourras jamais écrire à ta copine, qui préfèrera se toucher le bouton en écoutant Miguel pendant que tu te prends une rame à FIFA 13.

Idéalement placé en ouverture de galette, « Adorn » est le genre de titre qui met tout de suite en confiance, autorisant une écoute idéale, à condition évidemment que le reste du disque soit du même tonneau. Et on ne va pas faire durer le suspense plus longtemps (en même temps vous avez vu la note), c’est le cas. Sensuel sans jamais être putassier ou sombrer dans le cliché du mec qui vent rentrer dans vos culottes de vierges effarouchées, magnifiquement produit sans jamais donner dans l’outrageusement clinquant, Kaleidscope Dream développe une vision musicale basée sur une écriture finement ciselée, une section rythmique aux petits oignons et surtout une voix qui n’en fait jamais des caisses. Du groovy « How Many Drinks ? » au feu d’artifice sensuel « Don’t Look Back » qui pique ses paroles aux Zombies en passant par un « Kalediscope Dream » qui sample intelligemment le « My Name Is » d’Eminem, tout pointe dans la direction d’une œuvre aussi personnelle qu’ambitieuse. Et particulièrement réussie.

Le goût des autres :
9 Laurent