Fabriclive 75

Elijah & Skilliam

Fabric – 2014
par Jeff, le 16 juin 2014
9

Dans la petite famille des mixes du célèbre club londonien, la série Fabric fait office de grand frère sérieux et un peu intello avec les deux pieds dans l’âge adulte et l’assurance de ses choix mûrement réfléchis. De leur côté, les Fabriclive ont tout du petit dernier de la famille un peu foufou et insouciant, encore en pleine adolescence, avec les erreurs qui vont avec. Et justement, l’adolescence, Elijah & Skilliam en sont sortis il n’y a pas bien longtemps. Pourtant, ils sont à la tête d’un des labels les plus excitants et forward-looking de la scène grime (Butterz), ont traîné leurs flight cases dans les meilleurs clubs de la Perfide Albion, et livré une compilation de première bourre à l’autre label qui compte dans le monde de la bass music made in England, Rinse.

Et si pour pas mal de monde le nom d’Elijah & Skilliam n'évoque pas grand chose, les connaisseurs auront vite fait de voir en eux la relève. Une relève qui utilise d’ailleurs ce Fabriclive 75 pour envoyer un signal clair à la concurrence : fini de considérer la team Butterz comme une entité un peu floue qui cherche son manifeste. Non, ce mix fera office de mythe fondateur pour le grand public. Et vu la visibilité dont bénéficie la Fabric, on peut parler ici d’un coup de maître. Partant de là, il faut prendre cette sélection comme une tranche de vie dans le quotidien des deux Londoniens, mais aussi dans celui de la Fabric. D’ailleurs, l’intro du mix est captée dans le club, comme pour bien nous faire comprendre qu'on va vivre dans notre salon toute l’effervescence d’une soirée Butterz dans la désormais mythique enceinte. Et aussi pompeux ou superficiel le concept puisse paraître sur papier, la mission est pleinement réussie par le duo, qui fait aussi bien (voire mieux) que le vétéran DJ EZ dont on avait également surkiffé le travail pour la Fabric.

Car là où DJ EZ offrait une sélection avec une vraie montée en puissance, Elijah & Skilliam écrasent leur Air Max sur le champignon d’entrée de jeu, pour ne jamais lever le pied. Et notre pied, nous on le prend pendant ce temps, en compagnie des cadors du label (Terror Danjah, Swindle, Royal-T) se rêvant téléporté dans un club moite du sud-est londonien, la vessie pleine de lager tiède et la tronche complètement retournée par les invectives du emcee – hein que tu t’imagines tout suant à hurler des ‘wagwan’ à quatre heures du  mat’. « Live’n’direct » jusqu'au bout des ongles, ce Fabriclive 75 est peut-être ce qui peut nous rapproche le plus de l’intensité d’un set d’Elijah & Sklliam pour un public composé tant de bouffeurs de dubplate que de lapins de neuf jours convaincus que Borgore a inventé le dubstep. Et c’est probablement dans l’intelligence des choix et la vocation fédératrice du mix que l’on reconnaît la patte des grands.  

Le goût des autres :