choke enough

Oklou

Because Music – 2025
par thomas g, le 10 février 2025
7

On voit souvent passer des questionnements sur le manque de notoriété d’Oklou dans son pays d’origine, faisant de la Poitevinne une sorte de Phoenix de la Gen Z, à qui il manquerait son Wolfgang Amadeus Phoenix pour être enfin prophète en son pays. Mais en faisant le choix délibéré de s’exprimer en anglais dans un genre aussi littéraire, Marylou Mayniel affiche clairement ses ambitions internationales alors que son talent et de belles collab' avec Pomme, Krampf ou Flavien Berger lui auraient suffi à s'offrir une belle carrière sur ses terres d'origine. Bien sûr, ses références sont majoritairement anglo-saxonnes, de Boards of Canada à Caroline Polachek dont elle a fait la première partie. Alors, serait-il juste de se tourner vers Oklou pour combler le vide laissé par Grimes, qui s’est perdue depuis un moment dans les méandres du transhumanisme médiatique ? On peut le penser car dès le deuxième morceau, « thank you for recording », on retrouve énormément de Claire Boucher dans sa manière de chanter sur les mêmes synthés filtrés que ceux utilisés sur son Visions de 2012.

Son ambition internationale se retrouve également dans son choix de collaborateurs. Ainsi, même si on voit qu'elle a bien la main sur le produit fini, elle retrouve les faiseurs de bangers AG Cook ou Danny L Harle à l'écriture et la production de titres de ce premier véritable album, et se permet d'avoir au tracklisting un artiste du calibre de Bladee pour un duo à l’ancienne : ayant tous les deux grandi sur Soundcloud, leurs univers fusionnent sans peine sur un « take me by the hand » vaporeux à souhait - un qualificatif qui colle d'ailleurs à l'ensemble du disque. Si on peine parfois à retrouver sur cet album l'étiquette hyperpop que les médias généralistes s’évertuent à lui coller après leurs maigres recherches, il arrive aussi qu'on tombe dedans comme sur « harvest sky », un duo avec son homologue américaine underscores qui a tout d'un hommage totalement assumé à Alice Deejay. Sauf qu'on est pas sur "You're Not Alone" et que le bpm est bien trop lent pour s’inviter sur un dancefloor. Ça tombe bien, on a vite compris qu’Oklou préférait les soirées en appart.

Dans Grand Budapest Hotel, Adrien Brody explique à ses deux associés que pour savoir si un artiste moderne est talentueux, il suffit de lui demander de produire un dessin de manière analogue. Dans une logique similaire, Oklou attrape sa guitare acoustique pour signifier à ses potes qu'il est temps d'aller se coucher et nous pond une ballade pop qui aurait eu droit à une rotation lourde dans la grille du MTV du début des années 2000. On a même envie de croire que « blade bird » aurait pu atteindre le sommet des charts si Oklou avait consenti à la filer à une Ariana Grande contre un joli chèque. Mais elle a bien fait de le garder pour elle car il clôture un album d'une méticulosité rare : point d'orgue d'une paisible montée en puissance, il est aussi une déclaration d'intention pour la suite de sa carrière. choke enough regorge de mélodies infectieuses qui sonnent comme des cristaux magiques récoltés dans Final Fantasy IX. Mais pas de nostalgie fantasmée, n’ayez crainte : Oklou est bien une millennial assermentée.