Calico Review

Allah-Las

Mexican Summer – 2016
par Pierre, le 14 octobre 2016
5

Difficile position que celle dans laquelle se trouvent les Allah-Las en 2016. À force de mélancolie, de nostalgie pleinement assumée et d’une admiration sans limite pour les sacrosaintes sixties, le groupe de Los Angeles semble aujourd’hui dos au mur et doit dorénavant faire face à ses propre contradictions. Car si exhiber et prôner un mode de vie qui imite celui des beatniks de l’ancien temps réveille nos instincts primitifs et notre soif de liberté, qu’en est-il de la pertinence de tout ceci dans un monde qui, en 2016, n’a plus rien d’autre à offrir que le crédit à taux zéro ?

Bref, suivre les Allah-Las sur les réseaux sociaux, c’est comme regarder l’album photo de sa vieille tante partie vivre le rêve américain, vestige de l’époque où elle et ses potes s’en allaient se défoncer sur une plage californienne entre deux manifs anti-Vietnam. Certes jusque récemment, on trouvait ça plutôt cool quand même. Déjà parce que l’esthétique un peu rétro du groupe rehausse régulièrement l’aspect visuel de notre timeline Facebook, mais surtout car chaque publication est généralement accompagnée d’un lien renvoyant vers Reverberation, web-radio fourrée de trésors plus ou moins ésotériques et entretenue par ses soins. 

Alors tout ça c’est bien beau, mais ça ne suffit pas à légitimer le succès d’un groupe, ni à l’entretenir. Et c’est là tout le problème de la démarche. Car si les quatre Californiens nous avaient offert un premier album passionnant et avaient ravivé la flamme (pas tout à fait morte) de l’esprit surf-rock, ils n’ont depuis cessé de (nous) décevoir, dévalant une pente glissante qu’ils ont eux-même volontairement arrosée. Du coup, ce Calico Review cristallise toutes nos déceptions et ce, assez paradoxalement malgré que son écoute se révèle tout à fait agréable.

Mais voilà, ce qui fait la cohérence d’Allah-Las en est également son talon d’Achille - « Qui tue par l’épée périra par l’épée » comme on dit. Depuis ses débuts, le groupe n'a cesse de polir le son, travailler les arrangements, apprivoiser le studio. Le résultat ? Un album mollasson, écrasé sous le poids d'influences pourtant plus que recommandables. Difficile par exemple de ne pas évoquer Love, les Byrds voire les Kinks ou même Jacco Gardner ("Warmed Kippers") à l’écoute de ces douze titres dont finalement, rien ne subsiste réellement une fois le disque remisé dans sa boîte. Ecrasé par ses influences donc, mais également écartelé par celles-ci, tant Calico Review s’approche davantage de la compilation sans réelle cohérence (si ce n’est l’enrobage anachronique de chaque morceau) que d’un album maîtrisé de bout en bout, porté par quelque concept que ce soit.

Une question se pose désormais : qu’attendre d’Allah-Las à l’avenir ? Espérons tout de même qu’un jour, le groupe saura dévier sa trajectoire et sortir des sentiers battus qui, de toute évidence, ne peuvent le mener qu’au pastiche en bonne et due forme. Triste constat donc pour une formation dont l’image s’avère aujourd'hui plus séduisante que des compositions de bonne facture certes, mais à peu près aussi excitantes que la perspective d'une soirée karaoké avec les L.E.J. Et puis surtout, au regard des nombreuses critiques dithyrambiques, il était nécessaire de monter un peu au créneau.