Blackwing Yalobusha

The Moaners

Yep Roc – 2007
par Simon, le 15 mai 2007
8

The Moaners est un duo nous venant tout droit de Chapel Hill, petite bourgade de la Caroline-du-Nord, et qui pratique une musique singulière, d’autant plus singulière que ce duo est entièrement féminin. Je vois déjà les plus machos se dire d’emblée qu’on va encore les bassiner avec un groupe de pleureuses pratiquant un rock mou de la culotte doublé d’une mièvrerie à faire roupiller les plus sauvages d’entre nous. Eh bien détrompez-vous, car si elles se sont farcies le trajet des States jusqu'à votre platine c’est bien pour démontrer, s’il le fallait encore, qu’elles sont ici pour faire du grabuge grâce à un rock énergique à l’efficacité sans pareille.

Cette musique cultive un paradoxe d’autant plus plaisant qu’inhabituel : blues dans l’attitude, rock, voire post-punk dans la substance et pop dans la finition, The Moaners superpose les effets de style sans jamais perdre de vue l’objectif premier qui est de délivrer un vrai son rock & roll sans concessions, et les filles s’acquittent avec aisance de cette mission pourtant difficile grâce à des arrangements d’une précision chirurgicale. En effet, les arrangements planchent sur une organisation, somme toute classique, mais qui ravira par l’audace du jeu de guitare, alternant sans grandes difficultés les slides, les riffs lourds et les breaks travaillés au millimètre ; soutenus par une Laura King tout en puissance, martelant les fûts avec adresse pour un résultat impeccable. Et la voix me direz-vous ? La nonchalance toute relative de la voix de Melissa Swingle, est en adéquation permanente avec l’image véhiculée par le groupe : crade, lourde et finement travaillée, elle se révèle comme indispensable au bon fonctionnement de l’album tant ses interventions régulières sont justement pesées, permettant ainsi aux instruments de mieux s’émanciper tout en inculquant une dose de sensualité appréciable à l’ensemble. On entendra au long de l’album un flirt avec des ambiances parfois évidentes, mais toujours de bonne facture : on pourra reconnaître des riffs typés Ben Harper époque « Glory And Consequence » ou encore Queens Of The Stone Age et leur rock salement déjanté sur Lullabies To Paralyze, mais quand les violoncelles et les harmonicas résonnent, ce sont The Moaners tout entier qui s’envolent dans des ambiances singulières et imparables.

A l’écoute de Blackwing Yalobusha, on se demande bien qui peut arrêter ce groupe en pleine ascension qui, avec seulement deux albums, se place comme un groupe définitivement à suivre. Et merde, je crois que je suis tombé amoureux...