Ascension

Paradise Lost

Nuclear Blast Records – 2025
par Simon, le 23 octobre 2025
8

Les monomaniaques sont d'énormes mateurs de porno. Je ne parle pas ici de celles et ceux qui aiment énormément une frange précise de la musique. Plutôt des gens qui ne peuvent pas écouter autre chose qu'un genre défini. Prenez l'amateur de metal : il a tellement l'habitude de poncer les mêmes choses en death, black, doom ou grindcore que son écoute a totalement bougé sur une autre approche de la musique, il est là pour en apprécier juste la substance première. Et ça ne manque jamais. Il a beau entendre des centaines de fois le même riff, les mêmes attitudes vocales et la même manière de délivrer le produit fini, le fou dingue de musique extrême à guitares note le moindre détail. Pour le reste, il prend son shoot parce qu'il ne sait pas faire autrement. Le metal à haute dose est devenu une page d'accueil de site de cul, la page dédiée de Bandcamp une sorte de Pornhub à ciel fermé, alimentée quotidiennement de tout ce qui peut sortir de bien.

Au final, les mêmes teubs percutent les mêmes vagins, dans une suite de positions scriptées, le tout dans des décors qui ne se ressemblent que trop. La notion de narration a été évacuée, on est moins là pour toute la scène prise pour elle-même que pour le shoot absolu de sérotonine. Tout pour le hit. Et comme tout cette consommation est démesurée, il faut des quantités absurdes de riffs pour stimuler ce sentiment d'avoir tout vu. Mais l'appétit est là, et l'amour du riff se déplace alors sur la micro-précision. On prend tout, et on classe selon les détails. Peu importe qu'on oublie probablement ce qu'on y a vu, une scène chasse l'autre et l'industrie continue de produire et d'abreuver pour des fondus de violence en veste cloutée. Au milieu de ce bordel de bites, il y a des groupes comme Paradise Lost. Et des albums comme Ascension. Dix-sept albums à refuser la pose, à traîner leur goût prononcé pour la kitscherie doom et les albums à rallonge, sans trop regarder ce qui a pu se faire à côté d'eux tout ce temps.

Paradise Lost c'est Dorcel qui se refuse à couper les crêtes de son œuvre pour faire de l'instantané son business model. Ceux que Kerrang! avait introduit comme le « nouveau Metallica » lors de leurs débuts ne sont pas là pour négocier avec leur porno : il se fera chatoyant, léché et il prendra tout son temps. Ça se paie des performers à l'ancienne, ça loue des manoirs pour tourner son intrigue et ça croit encore aux arcs narratifs comme rampe de lancement pour libérer toute sa puissance. Ça pourrait se lire comme un film de série B s'il n'y avait pas autant de sérieux, de maîtrise et d'écriture sur ces cinquante minutes de doom romantique, gothique à souhait évidemment. Sa légère teinture death et thrash metal fait toujours des merveilles, grâce surtout à une écriture globale qui ne peut jamais décevoir après trente-cinq ans de pratique. Ça prend évidemment tous les détours possibles – des synthés au soli de patrons, du chant clair aux growls de faux méchants - ça joue superbement bien et ça ne manque jamais de s'ancrer dans une écriture à la tradition lyrique et heavy pour y retourner sans cesse.

En ce sens, Ascension est un vrai disque de genre. Un metal de titans qui respire la tristesse et la force pure, qui s'interdit de prendre le moindre raccourci pour plaire rapidement. Ils sont peu à pouvoir prétendre à faire de leur formule un mètre-étalon, à imposer encore et toujours un langage musical qui n'appartient qu'à eux. L'industrie aura beau faire tourner la photocopieuse pour satisfaire l'appétit boulimique des metalheadz les plus hardcore, les Anglais continueront de proposer leur contenu en 4K pour les vrais sachants, ceux qui aiment leur branlette confortablement posé dans le canapé, avec une heure devant eux. Du cinéma de genre, rien de moins.