Angles

The Strokes

RCA – 2011
par Jeff, le 28 mars 2011
5

Entre l'attente interminable, les projets en solo jamais complètement convaincants et les déclarations dans la presse parlant d'un processus créatif pour le moins chaotique, c'est forcément bourré de sentiments mitigés que le fan lambda du groupe ayant sauvé le rock à l'entame des naughties accueille Angles. Parce que oui, l'attente a été interminable. Et oui, on commençait à en avoir légèrement soupé des side projects en demi-teinte. Par contre non, l'accouchement difficile n'a pas donné lieu à un disque à jeter aux oubliettes avant même de l'avoir écouté. Plutôt un disque qui ne répond pas vraiment à l'habituel cahier des charges du groupe new-yorkais. Entre la pochette aux couleurs criardes digne d'un album des Klaxons, les discrets bongos sur le refrain de l'inaugural « Machu Picchu » et les morceaux où la boîte à rythme joue un rôle prépondérant, il y a de quoi avoir envie de ranger ses Converse dans le placard et brûler son plus beau jean slim.

Le groupe américain a donc grandi et pris ses distances par rapport au lourd héritage laissé par Is This It?. La question qu'il convient donc de se poser est très simple et relève d'une réalité presque manichéenne: qu'attendons-nous des Strokes en 2011? Qu'ils nous resservent le même rock estampillé CBGB's toute leur carrière ou qu'on les laisse évoluer au gré de leurs envies? A l'écoute d'Angles, difficile de ne pas opter pour la première solution. Pas qu'on veuille forcément figer les Strokes dans cette image de groupe irrésistible et résolument rock, mais quand on compare les deux écoles qui s'opposent sur Angles, on a vite faire de choisir notre camp. A ma gauche, des titres comme « Machu Picchu », le premier (et formidable) single « Under Cover of Darkness » ou « Life Is Single In The Moonlight » sur lequel de discrets claviers ne plombent en rien l'ambiance. On y retrouve un Julian Casablancas qui aime toujours autant rallonger les voyelles dès qu'il entame un refrain, un Albert Hammond Jr. dont la science du riff à l'efficacité dévastatrice n'est plus à prouver et un Fabrizio Moretti dont le jeu métronomique se révèle être l'un des éléments les plus essentiels de l'équation stroksienne. A ma droite, la ballade anodine « Call Me Back », un « Games » qui n'aurait pas dépareillé sur un album des Killers ou « Two Kinds of Happiness » et son côté Docteur Jekyll et Mister Hyde – couplets sans saveur, refrain frondeur. Dans le genre indécis et inégal, Angles se pose donc là et interpelle finalement plus qu'il ne séduit.

Certes, il y en aura toujours pour louer les risques pris par les Strokes, la magnifique émancipation doublée d'une mutation nécessaire ou l'ancrage de ce quatrième album dans son époque. On dira à ceux-là qu'ils leur faudrait peut-être ressortir les précédents efforts du groupe et comparer ces trois disques à Angles non pas en termes de production ou d'arrangements mais bien d'écriture pure. Et à ce petit jeu, difficile de ne pas voir le gouffre qui sépare malheureusement les meilleurs morceaux de Angles de bombes intenporelles comme « Reptilia », « Hard to Explain » ou « Heart In A Cage »...

Le goût des autres :
5 Thibaut 6 Gwen 0 Serge 5 Laurent 4 Tristan 6 Maxime 6 Amaury L