angel in realtime.

Gang of Youths

Warner Music – 2022
par Erwann, le 9 mars 2022
8

Les albums traitant de la mort d'un être cher ne sont généralement pas triomphants. C'est pourtant devenu une habitude chez Gang of Youths : transformer les épreuves jalonnant la vie du frontman Dave Le'aupepe en expériences cathartiques prêtes à être scandées par les stades. The Positions en 2015, sur le cancer de la femme du chanteur ; puis Go Farther in Lightness en 2017, évoquant le divorce suivant la guérison de ladite compagne, ont fait de la formation australienne l'une des plus passionnés de la scène actuelle, abordant sa musique avec une rage presque adolescente, comme si témoigner de l'espoir et de la résilience pouvait sauver des vies, comme si chaque échec était cataclysmique. Une telle sincérité paraissant forcément louche dans un monde où les cyniques paraissent plus sérieux que les utopistes, les reproches de grandiloquence moralisatrice à la Bono n'ont pas tardé à tomber.

Qu'importent les critiques des mauvais coucheurs : Gang of Youths fait partie de ces groupes préférant aller trop loin plutôt que de ne pas avancer. Cette fois-ci guidé par la mort du père Samoan de Le'aupepe (de nouveau un sujet joyeux), angel in realtime intègre l'héritage traditionnel de la musique maorie dans sa formule. Divers instruments "exotiques" font leur apparition sur l'album, tandis que des samples de chansons traditionnelles côtoient des chants de l'Auckland Gospel Choir. Si ces influences se font entendre tout du long, elles restent suffisamment en retrait pour que l'on n'oublie pas qu'il s'agit ici d'un album de rock. Même si les envolées Springsteen-iennes se font un tantinet plus rares sans pour autant disparaitre ("angel of 8th ave"), de nouveaux ingrédients pimentent la recette d'angel in realtime : on retrouve de la Britpop mélangée à du Nick Cave ("spirit boy"), de l'art pop glitchy ("unison"), ou des titres portés par une rythmique drum'n'bass ("Forbearance").

Ces influences font de ce nouvel album l'œuvre la plus variée du groupe, peut-être moins immédiatement tubesque que le précédent album, mais osant aller plus loin en matière de composition : le diptyque final – nommé d'après le doublé de Maradona face à l'Angleterre en quart de finale de la coupe du monde 86 – agit en réalité comme une seule piste de onze minutes répétant un leitmotiv central à travers différents mouvements.

On retrouve cependant certains problèmes qui apparaissent désormais comme inhérents au groupe : l'album est un poil trop long, certains morceaux valant davantage pour les textes que pour des qualités strictement musicales. Heureusement, la grande majorité des pistes arrivent à fusionner énergie rock des débuts, nouvelles influences et paroles énergisantes. Déjà prophètes en son pays, Gang of Youths tourne le dos au maximalisme pour produire une œuvre subtile (à son échelle), confirmant au passage que s'ils ne vont peut-être jamais devenir les nouveaux Midnight Oil, ils s'établissent néanmoins comme un des groupes les plus attachants de la scène rock australienne.