10000 Gecs

100 Gecs

Atlantic – 2023
par Erwann, le 17 mars 2023
5

On vous en parlait en début d'année: cela faisait des plombes que les trublions de l'hyperpop 100 Gecs nous faisaient miroiter un second album. Enregistré en 2021, prévu pour 2022, 10000 Gecs n'arrive qu'en mars 2023, la faute à d'obscurs atermoiements apparemment imputables au label du groupe, la major Atlantic. Alors, il donne quoi ce "vieux nouvel album" ?

Premier constat : nombre de morceaux étaient déjà disponibles, certains datant de 2021. "mememe" et "Hollywood Baby" font tous les deux dans le mashup improbable, le premier étant du Charli XCX qui aurait bouffé Avril Lavigne au petit dej', le second mélangeant un riff nu-metal avec le genre de refrain pop-punk que Blink-182 ou Sum 41 auraient pu écrire au faîte de leur gloire. Et le début de l'album suit justement cette formule à base d'hyperpop et de rock mainstream des années 2000. Ainsi, le morceau d'ouverture, "Dumbest girl alive", constitue le sel de 100 Gecs : une ouverture façon THX, un gros riff, puis des bleep bloops sur lesquels se posent des voix androgynes et éraillées. "757" semble quant à lui tout droit sorti de l'album précédent, 1000 Gecs, avec ses inspirations deconstructed club music. On se dit alors que le groupe est parti d'une formule bien établie et maîtrisée, qu'il pimente histoire de ne pas sombrer dans une redite que les fans n'auraient pas tolérée. Un produit pas forcément du goût de tout le monde, mais suffisamment bien fait pour que le succès soit au rendez-vous.

Mais ça, c'était avant que 10000 Gecs n'opère un plongeon dans l'abscons. "Frog on the floor" ressemble à une comptine ska avec des samples de grenouilles qui ne sont rien d'autres que des gadgets qui fatiguent dès la seconde écoute. Mais ce morceau n'est qu'une mise en bouche avant la cascade de mauvais goût qui suit. "Doritos & Fritos", morceau sorti en 2022, est plutôt sympathique si l'on fait abstraction de son effroyable refrain hurlé. Et ce n'est pas fini: "One Million Dollars" ressemble à du Skrillex passé à la moulinette noise. Quant à "Billy knows Jamie", il commence comme du Limp Bizkit période Chocolate Starfish avant de plonger dans un breakdown évoquant le pire du metalcore et de l'indus. Bref, c'est un foutoir sans nom que même le côté "arty lol" de la musique du duo ne peut excuser.

Certes, on savait que le mauvais goût faisait partie intégrante de la proposition artistique de 100 Gecs. Mais 10000 Gecs réussit le tour de force de pousser ce mauvais goût dans ses derniers retranchements, et cet esprit empli de nihilisme se met alors lui-même en échec : le groupe mélange tellement de choses différentes dans son shaker que cela en finit par devenir indigeste.  Était-ce trop demander que d'attendre une œuvre générationnelle venant d'un groupe aussi décalé et jean-foutre ? Apparemment oui, car 10000 Gecs reste trop souvent au niveau de la blague potache sans la moindre replay value. C'est dommage car quand il ne se laisse pas enfermer dans un mauvais goût et un humour douteux hérité de l'adolescence, le duo est capable d'écrire ces bangers transversaux qui collent aux baskets de leur époque. Bref, l'album de la maturité, ce n'est pas encore pour tout de suite.

Le goût des autres :