Dossier

Top albums 2012

par Jeff, le 6 janvier 2013
  • 21.TadalooraPhantom Buffalo

    Les albums-concepts ne datent pas d’hier mais ils ont tendance à manquer à l’appel. Tadaloora est à la fois une bouffée d’air frais et un nécessaire retour en arrière. Le disque s’ouvre sur cette fausse candeur qui définit si bien le groupe, une pop cotonneuse et confortable. Sauf que le chemin de Tadaloora est semé de tempêtes et de revirements s’accompagnant de riffs martelés (“Frost Throat”) et de boucles psychédéliques entêtantes (“Old Man”). En utilisant l’écrin du concept-album, l’ambition de Phantom Buffalo se radicalise, s’amplifie. Les arrangements de cordes et de cuivres ponctuent (“Bloom Bloom Flowers”), toujours opportuns. Avec ci et là ces puissants tubes catchy dont ils ont le secret (“Stark Glass Man”). Leur but avec ce projet ? Créer ce parfait album-monde, qui ne se limite ni à un lieu, ni à un style, ni à une envie, mais qui embrasse toute une histoire.

  • 22.New EpochGoth-Trad

    Ce disque, on l’attendait de pied ferme. Et on l’a attendu longtemps, surtout. Porte-drapeau de la scène dubstep japonaise, Goth-Trad a toujours été plus que le simple coup de marketing dans une scène globalement paneuropéenne. Si pour certains, Goth-Trad c’est surtout le mythique « Far East Assassin », on se dit que New Epoch achèvera de consacrer cet artiste comme l’un des piliers de la scène. Constat d’autant plus valeureux que le genre est en état de mort clinique depuis plusieurs années. C’est peut-être là le miracle de ce premier album : ce point d’équilibre entre les codes d’un dubstep old-school et la tentative d’aller encore un peu plus de l’avant. Cela ne pouvait donc que sortir sur Deep Medi. Le résultat est un disque carré, extrêmement bien balancé, qui tente des choses magnifiques avec la confiance que procurent un background solide et une place de vétéran au milieu de ce bordel. Un disque de la maturité lâché dans une sorte de coma ambiant. Un joli suicide commercial, et surtout un des skeuds à accrocher dans le panthéon du genre. Avec ça, on a oublié de faire des blagues sur les Japonais dans ce texte…

  • 23.Ideas for the PongPetar Dundov

    Si on nous demandait demain quel personnage techno on voudrait incarner pour toute une carrière, le nom de Petar Dundov devrait sortir assez rapidement. Pour ne pas dire immédiatement. Plus de dix années de productions impeccables, une place au chaud sur le label de Robert Hood et deux albums qui feront date, ce mec a tout. Surtout que son esthétique n’a jamais eu besoin de s’adapter au créneau « less is more » pour plaire (ce qui parait tenir du miracle quand on voit la tournure que le genre minimal a pris sur presque dix ans) : Petar Dundov fait du mélodique, du drogué et de l’imparable. Ideas From The Pond est l’œuvre de synthèse pour ce Roumain qui n’a jamais cessé de grandir, une sorte de climax entre les claviers de la scène kosmische musik et la magnificence d’une grande techno inspirée par des gars comme Mathew Jonson ou Robert Hood. Un contenu évasif, qui s’étire parfois jusqu’au quart d’heure, qui fait en fin de compte tout le temps tout tomber dans la transe. Un trip total, deep as fuck, qui fera de ta bagnole une piste aux étoiles et de ton dancefloor un truc aussi chaudard que le Mordor. Ou que le slip du rédacteur en chef adjoint.

  • 24.PinkFour Tet

    L'initiative est feignante, c'est indéniable, mais au final cette compilation de maxis se tient si bien que l'on peine à en vouloir à Kieran Hebden : mûrissant un virage technoïde qui ne manque ni d'identité, ni de mordant, Pink a en effet suffisamment d'arguments pour convaincre même le plus réfractaire des technophobes à prendre un ennivrant bain de soleil dans cette dance music de fin d'été, nostalgique mais toujours dansante. Four Tet continue, mais d'une toute autre manière, de toucher les étoiles dans ce chouette album qui aurait pu être ambitieux, mais qui ne se contentera que d'être beau. Très beau, même.

  • 25.Cancer 4 CureEl-P

    Difficile de ne pas voir dans ce flow agressif et ces beats martiaux l'expression d'un sentiment de révolte et de trop-plein qui a pris le temps de s'amplifier pour aujourd'hui exploser à la face d'un auditeur piégé dans l'étau manié avec une précision chirurgicale par El-P dès l'introductif "Request Denied". Parce qu’un disque d’El-P ne se situe pas vraiment au niveau de la solution mais nous fout plutôt le nez dans les problèmes sans la moindre complaisance, Cancer For Cure n’est certainement pas le genre de galette qui s’écoute dans la joie et la bonne humeur. Mais comme d’habitude avec l’Américain, on réalise combien ce genre d'exercice se révèle jouissif et salutaire.

  • 26.SunCat Power

    Ce nouveau disque est presque bling bling, il prend toutes les directions à la fois, et il le fait avec cette insolence qui semble désormais être la marque de fabrique de l'Américaine. La prise de risque de Sun est telle que l’album déroute, ennuie, mais finit par émouvoir. Après quelques écoutes, la beauté de l’effort apparaît, et certains titres percent comme le soleil à travers les nuages. Il n’y a rien de superflu chez Cat Power, rien qu’une beauté sauvage qui a appris à s’apprivoiser sur cette belle maturité. La grâce de "Cherokee", de "Always on my Own" ou de "Manhattan" s’apprécient aussi bien isolés qu'au milieu de ce tout étrange et beau. Cat Power, elle, fait ce qu’elle veut. À nous de suivre le rythme.

  • 27.Kaleidoscope DreamMiguel

    Sensuel sans jamais être putassier ou sombrer dans le cliché du mec qui veut rentrer dans vos culottes de vierges effarouchées, magnifiquement produit sans jamais donner dans l’outrageusement clinquant, Kaleidscope Dream développe une vision musicale basée sur une écriture finement ciselée, une section rythmique aux petits oignons et surtout une voix qui n’en fait jamais des caisses. Du groovy « How Many Drinks? » au feu d’artifice sensuel « Don’t Look Back », qui pique ses paroles aux Zombies, en passant par un « Kalediscope Dream » qui sample intelligemment le « My Name Is » d’Eminem, tout pointe dans la direction d’une œuvre aussi personnelle qu’ambitieuse. Et particulièrement réussie.

  • 28. IIICrystal Castles

    Tout oppressant qu’il soit, ce disque n’en demeure pas moins terriblement beau, tant le duo parvient à associer la finesse à l’immondice et la légèreté à l’asphyxie. Plus uniforme que les deux premiers albums, où quelques morceaux remarquables se détachaient trop nettement d’un tout délibérément brut, ce troisième essai se distingue par une ambivalente régularité sans sombrer dans la répétition. Par ses distorsions vocales tamisées et ses samples d’Atari crasseux, Crystal Castles tisse une trame à la fois violente et délicate, qui se décline en douze instants salement beaux. La B.O. raffinée d’une projection dystopique ou d’un cauchemar, en somme. Peut-être est-ce ce fil rouge équivoque qui avait manqué jusqu’alors à un duo qui, bien que déjà largement reconnu, prend une dimension supplémentaire avec cette troisième livraison.

  • 29.BloomBeach House

    Commencer un album par le titre d'une carrière ("Myth"), ça revient à se tirer une balle dans le pied. On ne pourra qu'être déçu par la suite. Et bien non. Pourquoi ? Parce que Bloom est d'abord un excellent album, qui contient d'autres très bons titres, même si forcément un cran en dessous, et parce que finalement, la suite nous permet de mieux digérer cette fabuleuse ouverture, comme une manière de mieux appréhender le "mythe" justement. Un album où claviers, nappes et reverb débordent, mais pas dans une simple recherche d'effet de style, mais comme moyen de mettre en valeur des mélodies et des textes qui se prêtent parfaitement aux codes de ce que l'on dénomme vulgairement dream pop. La robe de soirée parfaite en somme.

  • 30.Life is People Bill Fay

    La force de composition de Bill Fay ne s'est pas estompée sous la patine du temps. Tour à tour mystique de par la thématique religieuse de certains textes et atemporel (à part la production soignée très ancrée dans notre temps, cet album aurait tout à fait pu être composé par Bill Fay à ses débuts), Life Is People puise sa force, dès les premières notes de piano de "There Is a Valley", dans une exigence mélodique quasi monastique. Il s'agit d'un disque empreint de générosité et de renoncement, deux caractères forcément antagonistes sans pour autant être excentriques. Bienveillante et sincère, portée par un homme humble, la musique gravée sur ce disque rehausse la discographie de Bill Fay, qui demeure une collection exemplaire de songwriting pop.