Deep Sage

Gouge Away

Deatwish Inc. – 2024
par Alex, le 26 mars 2024
7

Qu'il aura mis du temps à arriver ce Gouge Away. Six années très exactement, durant lesquelles les tribulations de chacun·e n'ont pas vraiment permis au groupe punk américain, désormais implanté dans 3 états différents, de capitaliser sur le petit succès de Burnt Sugar, paru en 2018. Construite autour de la chanteuse Christina Michelle, la formation autrefois basée en Floride a vu son line-up évoluer en même temps que certaines membres recevaient des offres qui ne se refusent pas :Christina Michelle a ainsi eu l'occasion d'assurer l'intérim à la basse au sein de Nothing tandis que son compagnon Tommy Cantwell a rejoint Angel Du$t à la batterie.

Débuté en 2019, le processus d'écriture de Deep Sage, troisième LP enregistré par l'incontournable Jack Shirley (Loma Prieta, Deafheaven) aura été stoppé net l'année d'après.On pourrait trouver un coupable facile en la personne de Jean Covid, mais le cœur ne semblait pas y être, tout simplement. Pas une séparation mais bien une pause pour se recentrer sur les choses qui comptent après plusieurs années de tournées et les incertitudes qui en découlent. Il aura finalement fallu attendre un concert surprise en compagnie de Militarie Gun en 2021 pour convaincre cette petite équipe que le matériel laissé à l'abandon valait largement la peine d'être enregistré. Choix payant.

Car tout dans ces 11 titres tend à montrer que Gouge Away a bien fait de prendre les choses en douceur pour mieux ressusciter, tout de maturité vêtu. A l'instar de nombreux de ses contemporains de la scène, le groupe tend à davantage d'inclusivité. On retrouve sur Deep Sage des sonorités indie, noise rock, post hardcore voire shoegaze qui témoignent de l'importance des 90's sur leur son : Sonic Youth, Fugazi, Nirvana, les Pixies (d'où GA tire son nom) ou encore Slint sont autant de références qui viennent teinter la proposition de Gouge Away en 2024. Outre ces évidentes influences, c'est bel et bien à Jack Shirley que l'on peut imputer l'équilibre parfait entre chaque élément sur lequel la voix de Christina Michelle vient se poser, tantôt hargneuse tantôt plus mesurée.

Au-delà de la thématique générale autour de l'incertitude du futur et de la nécessité de vivre le présent, ce qui frappe particulièrement sur Deep Sage, c'est bien cette cohésion entre chacune de ses parties, le genre de disque dont on ne saurait forcément extraire un morceau particulier et qui tire sa force de son séquençage. C'est d'autant plus frappant lorsque l'on écoute des titres, peut-être plus attendus, tels "Stuck In a Dream", "Spaced Out" ou "Newtau" s'accointer avec la versatilité de morceaux comme "Overwatering" ou encore "Dallas". Plus mélodique, plus réfléchi et plus nuancé, Deep Sage est l'expression d'un groupe autrefois pétri de doutes mais dont l'admirable résilience lui permet de revenir plus robuste. Le meilleur album de leur discographie.

Le goût des autres :