Dossier

2020 en 50 albums

par la rédaction, le 6 janvier 2021

#40

Mach's Hard Lemonade

Mach-Hommy

On ne peut qu'applaudir la manière dont Mach-Hommy s'amuse de son seul point faible : être trop fort, quitte à ce que personne ne l'écoute. Mach's Hard Lemonade ne change absolument pas la donne : annoncé début juillet, le disque est finalement arrivé à la fin du mois sur... Tidal. Mais l’écoute vaut la sinueuse recherche. Comme à son habitude, le phénomène moonwalke avec les mots, mélange l'haïtien et l'anglais dès qu'une production vaporeuse part, et ne s'embarrasse pas avec le superflu - comptez une moyenne de deux minutes trente par titre. Petit plus sur cette livraison, Mach y impose une arrogance qui déchaine les enfers, notamment sur ce "NJ Ultra" d'exception sur lequel on a l'impression que le ciel va nous tomber sur la tête.

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#39

UNLOCKED

Denzel Curry & Kenny Beats

Avec ses dix-sept minutes au compteur, UNLOCKED n’a pas l’ambition de jouer le cousin pauvre de ZUU. Bien au contraire, Kenny Beats, qui a produit l’intégralité du projet, veut emmener le MC de Carol City sur des terrains plus marécageux, histoire de prouver que son poulain n’est pas qu’un Super Saiyan juste bon à bouger les foules, mais aussi un fieffé technicien qui ne se laisse pas démonter lorsqu’on l’emmène sur des territoires plus boom bap. UNLOCKED est un projet suffisamment plein et équilibré pour rappeler au monde qu’en définitive, un bon disque de rap n’a pas besoin de plus de vingt minutes pour nous garder en haleine et générer de la replay value. C’est dire s’il méritait sa place dans notre top album de fin d’année.

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#38

Bloem

Fluisteraars

Profitant de la pause que s’est octroyé Deafheaven entre deux albums, les Bataves de Fluisteraars ont eu tout l’espace disponible pour atomiser pas mal d’espérances chez les amateurs d’atmospheric black metal qui rôdent sur les Internets à la recherche d’une dose. Le groupe peaufine sa formule depuis 2016, et cela s’entend. Si le cahier des charges du genre est globalement respecté, avec des compositions où riffing furibards, gros blast beats des familles, hurlements dantesques et breaks ouateux se tirent la bourre, c’est vraiment dans les détails que se cache le Malin – une touche de breakbeat par ici, des cuivres distants par là ou encore l’utilisation d’instruments comme le tambourin ou le timpani. Ce sont ces petites touches originales qui prennent tout leur sens au fil des écoutes successives, combiné à un sens de la composition et du rollercoaster émotionnel bien maîtrisé, qui font de Bloem à la fois un disque impeccable et l’incarnation de la vitalité de toute une scène - profitez-en pour découvrir Laster ou Turia.

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#37

A Written Testimony

Jay Electronica

Certaines légendes disent de lui qu'il a le potentiel pour être le plus grand rappeur américain de l'histoire. On pensait sincèrement que ce jour n'arriverait jamais mais, en 2020, Jay Electronica a finalement sorti son premier album, plus de 10 ans après sa signature sur Roc Nation. Implicitement, A Written Testimony se devait de justifier la hype entourant l'un des MCs les plus mystérieux de ces dix dernières années. À une époque où le format album n'a plus autant d'importance qu'en 2010, la tâche paraissait colossale. Elle l'est d'autant plus que cet album solo n'en est absolument pas un, mais bien un binôme avec le VRAI plus grand rappeur américain de l'histoire, Jay-Z. Et c'est sans doute ce que l'on retiendra de ce disque dans les années à venir : l'altruisme des deux Jays au service d'un album presque trivial.

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#36

The Familiar Stranger

Frisco

Très, voire trop occupé à brasser les millions (de vues, de streams, de dollars), le rap US en a oublié d’être original ou intéressant en 2020, à quelques exceptions près. Du coup, on a pris beaucoup de plaisir à voir son cousin anglais briller tout au long d’une année où jeunes pousses et vieux briscards auront su se faire remarquer. Dans cette longue liste de bons projets, celui qui nous a le plus impressionné, c’est peut-être Frisco. On savait le membre du crew Boy Better Know de Skepta et JME capable de tenir la baraque au format album, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a frappé encore très fort avec The Familiar Stranger. Parfaitement dosé, trouvant le juste équilibre entre bangers (« Red Card » ou « Thuggish Ruggish » et son beat change qui rend fou) et plages plus introspectives (le très bon « Black Man »), entre moments de gloire en solo et featurings qui s’inscrivent dans une vraie démarche de partage, The Familiar Stranger résume à lui seul la vitalité d’une scène grime qui mérite tellement plus que l’indifférence du public européen.

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#35

Amour Colère

Nicolas Michaux

Nicolas Michaux a bien fait les choses en ouvrant son album avec "Harversters" : mélodie qui lorgne vers Neil Young, notes de guitare floydienne, chant aérien tout en retenue, nous voilà plongés dans 3 minutes de volupté. Non content de son effet, il récidive (avec) "À nouveau" dans un texte en français évoquant renaissance au monde et deuil inachevé. Mais de la langueur à la torpeur, il n’y a qu’un pas et pour éviter toute léthargie, l'album nous entraîne vers "Ennemies" qui prend clairement une direction 80’s tout en conservant l'élégance des deux premiers titres. Et c’est là toute la force de l’album. Avec Amour Colère, Nicolas Michaux décline ses goûts et ses envies dans un univers sonore aussi cohérent que racé. Exilé dans son atelier caché sur une île danoise, il se positionne presqu’en artisan de la chanson qui pioche dans les matières musicales et sculpte des titres en y apposant son style et sa sensibilité. Il résulte de la simplicité de cette démarche une honnêteté qui inspire le respect. Et il faut reconnaître que la qualité de cet album finit d’asseoir le chanteur à la table des songwriters inspirés du moment.

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#34

BLO II

13 Block

À mi-chemin entre carnet intime des galères du binks et manuel d'instructions pour devenir bicraveur, BLO II ne surprendra pas les fanzouzes de 13 Block. On pourrait s'attendre à une pâle copie de BLO, premier du nom, mais il n'en est rien, car peu de rappeurs peuvent se vanter de maîtriser avec finesse tant de nuances dans leur son; entre balades pour apprentis thugs, trap de haut vol ou zoukerie imparable ; sans négliger ce sens du détail qui donne tant de relief aux histoires de Stavo, Zed, Zefor et OldPee. Une nouvelle fois, le quatuor nous visse le cul sur un canapé au milieu des tours façon The Wire.

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#33

Future Nostalgia

Dua Lipa

Comme son nom l’indique, Future Nostalgia est un album qui s’inspire du passé pour hybrider la pop actuelle et lui apporter une dimension nouvelle. Biberonnée pendant son adolescence au disco, au funk et à la synth-pop propres aux années 80-90 de ses parents, il était logique qu’une Dua Lipa qui marche sur l’eau depuis le succès de son premier album ait le champ libre pour réaliser un projet qui lui ressemble vraiment. Loin d’exploiter une nostalgie surannée pour alpaguer l’auditeur lambda, c’est cette référence aux crushs musicaux de son enfance qui donnent à ce projet un caractère résolument plus authentique et davantage personnel que son premier album.

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#32

KiCk I

Arca

Parfois, un titre sibyllin vaut mieux qu’un long discours : KiCk i peut aussi bien renvoyer au terme « kiki », qui désigne un rassemblement festif et fédérateur au sein de la communauté LGBTQ+, mais aussi au « kick prénatal », qui est la première manifestation de volonté et d’émancipation du futur nouveau-né. Deux interprétations qui, lorsqu'on les fusionne, nous inviteraient à comprendre le titre de cet album comme la célébration d'une (re)naissance résultant d'une acceptation de soi. Comme sur la pochette où elle prend l’apparence d’une chimère cyber-punk, la suite de KiCk i sera un kaléidoscope d’influences diverses. Plus ouvert et plus accessible que ses précédents projets, KiCk i est le premier chapitre d’un opéra electro-expérimental en trois actes récemment teasé par Arca. Même s’il ne sera probablement pas le blockbuster annoncé, cet album est une bonne occasion de (re)découvrir une des artistes les plus originales de sa génération.

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#31

Vie étrange

Dominique A

Un album inspiré par le confinement du printemps, et qui sort pour le confinement d’automne… avouons que le timing est plutôt bien senti. La bonne idée du disque est d’évoquer la thématique du confinement non pas avec ses mots, mais avec ses sons. Des mélodies simples, une orchestration minimaliste (une boîte à rythmes, un clavier, parfois une guitare) et un chant à faible volume, presque chuchoté, suffisent à nous ramener quelques mois en arrière. Si ce tableau quelque peu neurasthénique peut faire peur, rassurez-vous, Dominique A parvient à insuffler des ambiances différentes à l’intérieur de son concept : nostalgique dans “Papiers froissés” ou “Un endroit mystérieux”, entrainante dans “À la même place” ou “Les éveillés” ou encore lumineuse dans “Wagons de porcelaine” ou “Sols d’automne”. S’il est certain que Dominique A ne sort pas de sa zone de confort (mais le peut-on quand l’État nous y enferme ?), avec Vie étrange, le chanteur nous propose dix titres qui condensent l’essentiel de son art.

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