Concert

Department of Eagles

Paris, La Maroquinerie, le 4 décembre 2008
par Splinter, le 9 décembre 2008

Si le choix d'un nom de groupe relève toujours d'une délicate prise de décision, rares sont les formations à véritablement faire preuve de pertinence. Au contraire de la marque, qui ne doit jamais constituer la désignation nécessaire du produit, le nom de groupe sera d'autant plus judicieux qu'il décrira une qualité essentielle de la musique. Les Ecossais de Frightened Rabbit en sont un bon exemple : nom ridicule, musique insupportable, avec un chanteur qui hurle et un batteur qui frappe comme un sourd sur ses fûts. Très bon choix, vraiment. Les spectateurs venus à la Maroquinerie ce 4 décembre 2008 seront rapidement remontés en direction du bar pour échapper à ce massacre auditif, surtout après la délicate performance d'un Matt Bauer, espèce d'extraterrestre seul sur scène avec sa guitare et son banjo, d'une tristesse absolue.

Question nom de scène, les ptits gars de Department of Eagles ont vraiment fait très fort. L'aigle, superbe, majestueux, représente à n'en point douter la plus belle métaphore animalière possible de leur folk évanescent, aux mélodies finement ciselées, qui ne s'apprivoisent qu'après de longues et multiples écoutes. Avec leur dernier album, In Ear Park, les Américains sont parvenus à créer un disque d'une superbe intemporalité, à la fois classieux et d'un classicisme à toute épreuve.

Leur concert à La Maroquinerie n'aura toutefois pas rendu fidèlement hommage à ce disque, sans doute l'un des plus beaux de cette année. Dans une configuration ultra minimaliste, accompagnés uniquement d'un banjo ou d'une guitare chacun, Daniel Rossen et Fred Nicolaus ont offert à un auditoire à l'écoute religieuse un show unplugged, en mettant donc de côté les magnifiques orchestrations présentes sur leur dernière galette. Adieu les pluies de cordes sur "In Ear Park", au revoir les douces percussions de l'excellent single "Nobody Does It Like You", bye bye le piano de "Teenagers". A l'opposé de l'ambiance sombre et froide de l'album, nos deux dresseurs d'aigles ont livré ce soir un show à l'ancienne. Il ne manquait qu'un feu de camp pour se croire en pleine forêt.

Aucune déception, pourtant, à l'écoute de cette magnifique setlist, constituée notamment d'une surprenante reprise de "Too Little Too Late" de JoJo, une star (?) pour ados, qui témoigne d'un très grand sens de l'humour. Malgré quelques ratés dus sans doute à une trop grande imbibition d'alcool pour Daniel Rossen, la douceur de leur musique, d'une infinie délicatesse, telles les caresses d'une jeune femme dans la nuque, provoque des frissons inattendus et, pour tout dire, déstabilise profondément. Beauté évanescente, magie incandescente, la musique des Department of Eagles ressemble à s'y méprendre à une eau cristalline dans laquelle on aurait envie de plonger sans jamais vouloir remonter à la surface. On a hâte de les revoir sur scène dans une configuration plus conforme aux orchestrations de l'album et surtout plus longue que ces 40 minutes ridiculeusement courtes pour se saouler à nouveau de leur délicieuse absinthe.