World Of Joy

Howler

Rough Trade – 2014
par Amaury L, le 18 juin 2014
7

La presse avait réservé un accueil assez tiède au premier album des mecs de Howler, America Give Up, sorti en 2012. On avait tout d'abord reproché au chanteur sa voix peu originale et le manque de prise de risque. Autant le dire dès le début, si la première critique reste toujours d'actualité (peut-être qu'il aime bien chanter comme ça, Jordan Gatesmith, après tout), on ne peut que féliciter Howler d'avoir tenu compte de la seconde lors de l'accouchement de leur nouveau bébé, World Of Joy. Comme d'hab', Howler joue la carte du contrepoint visuel en proposant une pochette inspirée du graphisme du label de jazz Prestige. Alors que, pour rappel, le groupe joue du punk-rock toutes guitares dehors. Ironie ? Hommage ? Snobisme ? Voyons ce que dit la musique.

Tout commence avec le titre "Al's Corral" dont les couplets et refrains semblent aussi bien assortis qu'une salopette rouge enfilée sur une chemise à jabots jaune canari. C'est un peu maladroit, volontairement crasseux mais bizarrement, ça fonctionne. Assez inexplicablement, on se prend vite d'affection pour la voix insolente de Gatesmith qui déblatère ses histoires avec cette morgue fun qu'on retrouve également chez les Soda Pop Kids, d'autres revivalistes du punk new-yorkais. Tout au long de World Of Joy, on renoue également avec l'urgence des Libertines des débuts mais aussi avec le college punk-rock des divins Replacements, cités comme influence majeure par le groupe. Toutefois, celui-ci est loin d'atteindre les hauteurs littéraires du patron Paul Westerberg, ni son génie mélodique d'ailleurs. Seul le séduisant "Here's The Itch That Creeps Through My Skull" aurait peut-être pu figurer sur Tim (1985), tandis que le reste se contente de jouer fort, parfois dans le vide, comme sur le morceau "Louise".

Mais attention, qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit. Il y a de la qualité dans ce nouveau Howler, notamment du côté des guitares qui offrent à certains moments de réels instants de grâce. Entre les arpèges carillonnants de "Here's The Itch..." sur lesquels un Johnny Marr ou un Peter Buck n'aurait pas craché et les stries byrdsiennes de "Don't Wanna", le guitariste Ian Nygaard insère également quelques soupçons de noise ("Yacht Boys") avant de tutoyer Alex Chilton, le pape de la power pop dans "In The Red". Seulement voilà, a l'instar des autres titres de World Of Joy, cette dernière chanson aurait pu être un grand moment de rock'n'roll si le songwriting était d'une meilleure facture et que les textes n'étaient pas aussi indigents. Et c'est précisément dans ces domaines que l'on attend mieux d'un groupe aux références aussi prestigieuses. Personne ne raconte l'amour et les espoirs déçus comme Paul Westerberg et Pete Doherty, c'est pourquoi l'on se doit d'être exigeant avec Howler afin de les pousser à pondre le prochain chef-d'œuvre binaire du XXIe siècle.