Translation Lost

Dela

Drink Water Music – 2011
par Soul Brotha, le 8 juin 2011
7

Vu le buzz assez conséquent autour de la sortie de Translation Lost, il semble désormais évident que Dela est un des producteurs hip hop français les plus connus aux Etats-Unis. Il faut dire que ce Parisien, pourtant sans grandes références dans l’hexagone, a su se faire un nom de façon assez brillante au pays de l'Oncle Sam. Il faut aussi dire que Changes Of Atmosphere, son premier album, a surpris pas mal de monde lors de sa sortie en 2008. Surprenant, ce disque l'était déjà par son impressionnante liste d'invités (Talib Kweli, J-Live, Large Professor...) mais surtout pour la façon dont Dela savait mettre ces têtes d'affiches en évidence.

C'est en chantre du boom-bap et du hip hop des années 90 que Dela s'est imposé comme une valeur sûre. Sur le papier, rien de bien révolutionnaire dans sa musique: des samples maîtrisés et des beats finalement assez basiques. Pour autant, il y a quelque chose de plus qu'une simple nostalgie là-dedans, à commencer par une musicalité et un sens de la mélodie assez rares dans ce milieu - à ce niveau, son travail est à ranger aux cotés de celui des Jazz Liberatorz, d'autres Français reconnus de l'autre coté de l'océan.

Nous voila donc devant le deuxième album de Dela. Prévu à la base pour être une simple beat tape, Translation Lost n'accueille qu'assez peu d'invités. Parmi eux, on retrouve le Californien Blu sur deux morceaux sublimes. Le jeune MC, très porté sur les beats jazzys ces derniers temps (jetez une oreille à son récent et délicieux "Amnesia", par exemple), prouve une complicité très impressionnante avec le beatmaker français sur "WhatUWanna" et "Lucy's&LooseLeafs", deux sommets de l'album. De quoi baver quelques instants sur l'idée d'un album commun (ceci est un souhait, pas une information).

Néanmoins, ce fait d'arme restera comme la seule collaboration marquante de Translation Lost. Le reste du disque est clairement plus intimiste, largement porté sur les simples beats de Dela. Cela nous permet d'explorer encore un peu plus l'univers jazzy du bonhomme. Le feeling est souvent nostalgique, quasi-mélancolique et propice à la rêverie. On est même parfois au bord de la musique d'ambiance, particulièrement sur "Mars Part. III" ou encore "Chunky Monkeying". Ceci étant dit, ce deuxième album ne satisfait pas totalement aux (certes, conséquentes) attentes suscitées. Dela plafonne un peu et on ne sent pas de véritable évolution dans sa musique, comme si l'univers de cet artiste était peut être un peu limité à des barrières typiquement hiphopesque. On se surprend, par exemple, à souvent reconnaître les mêmes kits de batteries sur un certain nombre de morceaux.

Pour autant, il serait cruel de blamer Translation Lost. L'examen du deuxième album est réussi en grande partie grâce à la mise en place d'une ambiance envoûtante et nostalgique assez troublante. Si Dela n'est peut être pas un producteur d'avant-garde, il poursuit sa route et arrive fort bien à réaliser ce qu'il fait de mieux: du boom-bap doux, élégant et intègre. C'est déjà pas si mal et le garçon a tout le temps d'aller voir ailleurs, si l'envie lui prend un jour.