BRUTAL 2

Ikaz Boi

Stellar 90 – 2019
par Noé, le 10 octobre 2019
8

À moins de vous attarder sur les crédits de production du dernier album de Niska ou des différents projets d’Hamza, le nom d’Ikaz Boi ne vous dit probablement rien. Et pour cause, si les beatmakers sont de plus en plus visibles dans l’économie du rap francophone, le nom des producteurs n’apparaît pas encore de manière aussi significative qu’aux États-Unis. Dans leur quête de reconnaissance, plusieurs options s’offrent alors aux « faiseurs de beat ». Certains décident de se saisir du micro pour interpréter leur propre topline, d’autres prennent le parti d’apparaître directement sur les clips afin d’être mieux identifié, et enfin les plus courageux optent pour la réalisation d’un projet qui porte leur nom.

Ikaz Boi ne dispose pas d’un name tag caractéristique façon "Mustard on the beat, hoe!" ou "We got London On Da Track", il s’exprime peu dans les médias et ne désire pas particulièrement apparaître à l’écran au côté de ses différents collaborateurs. Pourtant, si on l’associe régulièrement aux autres grands noms du beatmaking francophone comme Myth Syzer, Ponko ou encore Pyroman, l’auditeur de rap lambda sait-il qu’Ikaz est à l’origine de « Nwaar is the new black » de Damso ou qu’il se cache derrière la production de « RERUN » de Quavo et Travis Scott ? Rien n’est moins sûr. Quoi qu’il en soit, Zaki Ghafir s’est imposé au fil des années comme l’un des beatmakers à l’identité musicale la plus affirmée. Un an après la sortie de Brutal, son premier projet, le producteur de La Roche-sur-Yon sort une nouvelle fois de l’ombre et propose le deuxième volet d’un projet pensé pour mettre sur orbite un casting de garçons bouchers triés sur le volet.

Si pour beaucoup le talent d’un artiste réside dans sa faculté à bien s’entourer, BRUTAL 2 tire sa force de sa capacité à bâtir une zone de confort pour chacun de ses intervenants. Le processus de travail de Ikaz Boi laisse libre cours à la créativité de son invité en évitant de trop aiguiller les placements d’artistes avec qui il collabore régulièrement. Ikaz se mue alors en couturier italien en proposant du sur-mesure pour chacun de ses invités : 404 Billy hérite d’une instru de velours lui permettant de détailler de la punchline à la pelle, Hamza nous renvoie aux plus belles heures du R’n’B des années 2000 avec un voix à paillette usherienne tandis que Damso prouve une nouvelle fois son aptitude à trouver des flow ovni sur un beat casual mais élégant. La patte de Zaki opère donc lors des arrangements où sa vision aiguisée du mixage viendra structurer des morceaux cousus main. Pour exemple, le titre « ALFRED » et les adlibs de Zefor rajoutés  à intervalle régulier par le producteur permettent de rythmer un titre que nos indicateurs situent à magnitude 7 sur l’échelle de « Fuck le 17 ». 

Mais ne vous y trompez pas, BRUTAL 2 n’est pas qu’un enchaînement de tubes mongols. Si le premier volet se voyait ponctué d’instrumentales permettant de faire respirer l’auditeur dans une grande foire aux bangers, ce nouvel exercice convoque des atmosphères propices au chant qui s’avèrent plus que salutaire pour le confort d’écoute. Ikaz fait d’ailleurs appel aux rookies Cheu-B ou Kobo pour éteindre les flammes provoquées par les artificiers de 13 Block et rendre ainsi une copie vierge de toute rature. Au regard de la cohérence globale de son projet, on se dit que la place d’Ikaz n’est peut-être pas sur des grosses productions américaines mais bien en France où sa vision et sa direction artistique pourraient donner de l’homogénéité à des jeunes projets qui manquent parfois bien de liant.

Le goût des autres :