Aeternum

Hexis

Debemur Morti Productions – 2022
par Alex, le 26 septembre 2022
7

Si l’adage dit que “tout labeur donne du profit”, alors personne ne peut imaginer l’ampleur du compte en banque d’un groupe comme Hexis. Blague à part, depuis sa fondation en 2010, le groupe danois n’a cessé de charbonner sans relâche, se bookant chaque année ou presque des tournées insensées dont le routing laisserait rêveur n’importe quel péquenaud détenteur d'un tatouage "Wanderlust". Avec plus de 800 concerts au compteur, des Îles Féroé au Canada en passant par la Mongolie ou la Nouvelle Zélande, rares sont les territoires par lesquels Hexis n’est pas venu déverser sa noirceur, s’imposant sans conteste comme l’un des groupes les plus impliqués et assidus du vieux continent. Au rayon des sorties, les Danois ne s’en tirent pas trop mal non plus puisqu’on recense plus d’une dizaine d’EP’s ou de splits (avec Primitive Man, As We Draw ou This Gift Is A Curse pour ne citer qu’eux) dans leur discographie. Forcément, un tel investissement implique quelques sacrifices et le line-up du groupe basé à Copenhague a si souvent évolué autour de son brailleur en chef Filip Andersen qu’on ne sait plus trop sous quelle incarnation se présente aujourd’hui le groupe en concert (a titre indicatif, la tournée qui vient de débuter pour la défense de cet album rassemble soixante dates en à peine plus de… deux mois !).

Malgré plus d’une décennie d’activités, une expérience du circuit inégalée et un statut de référence européenne du genre, Hexis reste tout de même un secret bien gardé, la faute peut-être à un extrémisme assumé qui se traduit par un black metal monolithique teinté de hardcore, de sludge et d’éléments noise et dark ambient. Si la comparaison avec un groupe comme Celeste est difficile à éviter tant les deux formations, qui ont régulièrement tourné ensemble et s’admirent mutuellement, optent pour la même approche nihiliste et sans compromis, Hexis entend cette fois dévoiler une palette plus large avec un nouvel album paru à la fin de l’été. Aeternum est le troisième disque de l’entité danoise après Abalam (2014) et Tando Ashanti (2017). C’est aussi le premier sur Debemur Morti Productions, maison prestigieuse qui héberge entre autres Blut Aus Nord, Throane, Ulcerate ou encore Plebeian Grandstand. C’est enfin l'œuvre la plus longue du catalogue du groupe avec ses 12 pistes et 46 minutes au compteur.

Là où l’on pouvait autrefois reprocher un certain manque de diversité dans les productions du groupe, Hexis opte ici pour une proposition plus équilibrée, tout en conservant la même viscéralité et cet indéniable attrait pour l’occulte, les titres de morceaux en latin et le mysticisme. Plus de nuances donc sur un disque qui alterne à la fois les morceaux extrêmement abrupts comme le groupe nous y a déjà habitués dans le passé, mais aussi quelques instants plus progressifs et atmosphériques qui lorgnent plutôt du côté du post-metal. Ne nous fourvoyons pas, la formule n’a pas excessivement dévié de son intention initiale, mais les tracks ici sont suffisamment bien assemblés, qu'ils soient courts et moroses ou plus complexes et atmosphériques, que pour saluer le chemin parcouru par ce groupe si singulier. C’est toujours aussi dense et sans fioritures, avec une production qui met admirablement l’intensité de l’exécution en valeur. Évidemment, Aeternum est un disque pour initié·es qui ne tranchera pas nécessairement avec le reste de ses pairs, mais profitons-en tout de même pour saluer la constance de ce groupe qui reste fidèle à ses principes et à une éthique DIY qu'on aimerait voir plus souvent.