Dossier

2019 en 50 albums

par la rédaction, le 14 janvier 2020

#10

Leaving Meaning

Swans

Stupéfiant par la retenue qu'il impose tout au long d'un voyage qui multiplie le grilles de lectures, on pourrait largement voir en leaving meaning. un western de fin du monde tant tout y paraît éteint, bouclant cet opéra sur le schizophrénique "My phantom limb" qui semble rappeler que le Swans des débuts n'est jamais trop loin de ce paysage mortuaire. Pourtant, au beau milieu du vide, il y a l'inhabituel optimisme de Gira, magistral, qui porte la musique de sa troupe au-delà des étoiles dans un voyage passionnant et personnel, façon Solaris ou Interstellar.

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#9

Confessions

Katerine

Qui, il y a quinze ans, aurait pu imaginer que Philippe Katerine serait destiné à une telle carrière ? Qui pouvait deviner que cet hurluberlu, légèrement underground et complètement dadaïste, qui poussait des chansonnettes à mi-chemin entre Serge Gainsbourg et Boby Lapointe, pourrait un jour se balader en slip dans un éventail esthétique aussi large tout en conservant une identité aussi forte ? Pas nous, clairement. On aimait le personnage, on lui reconnaissait un certain talent, mais le virage hip-hop qu’il a amorcé en 2018 et 2019 fait un bien fou à la chanson et au rap. Pas pour expliquer que le rap, c’est de la chanson du 21e siècle, comme le font certaines analyses réductrices, mais bien pour faire exister les deux genres à part. Avec Confessions, Katerine est devenu ce pont ironique et lumineux. Chapeau.

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#8

When we all fall asleep where do we go ?

Billie Eilish

Il y a un peu plus de onze mois, on vous annonçait que Billie Eilish allait rouler sur 2019. Et comme tout bon Goûte Mon Nostradamus qu’on est, on ne s’est pas plantés sur la prophétie. Vous nous direz que rouler sur la pop ne fait pas nécessairement sortir de bons disques : et bien cela ne se confirme clairement pas pour Billie Eilish. La musicienne originaire de Los Angeles vient d’avoir 18 ans, et fait déjà fermer le clapet ceux et celles qui disent que la pop adolescente, c’était mieux avant. When do we fall asleep where do we go ? est un disque sombre et riche, qui joue sur les codes du punk californien sans jamais jouer la facilité du revival. Ce qu’on lui souhaite pour 2020 ? Qu’elle puisse continuer sa carrière tranquillement, sans trop souffrir de sa popularité et sans avoir à tordre son talent pour les majors.

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#7

Dogrel

Fontaines DC

Cette belle place dans le classement, on souhaite l’attribuer autant au groupe irlandais qu’à leur producteur. En effet, Dan Carey est peut-être l’homme de l’ombre le plus important de 2019, lui qu’on a retrouvé aux manettes des albums de black midi, Kate Tempest, Squid ou Warmduscher, et qui a confirmé également le statut de plus bel incubateur du rock anglais avec son label Speedy Wunderground. Bref, si le post-punk a autant le vent en poupe en 2019, c’est en grande partie grâce à lui et sa capacité à tirer le meilleur des artistes qu’il choisit de prendre sous son aile. Quant à Dogrel, il enchaîne les titres qui sonnent au pire comme des singles accidentels, au mieux comme des classiques instantanés. Sans doute parce que la base semble familière (merci monsieur Curtis, merci monsieur Doherty, merci aussi messieurs Smith, Robert et Mark E.). Peut-être aussi parce qu’un bon refrain pop dégage toujours cet air de déjà entendu.

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#6

Duistre Kamers

De Ambassade

Bonne nouvelle pour les gens qui ont en horreur les choses inclassables : De Ambassade n’a qu’une seule et unique obsession, la synthwave, et de préférence bien cafardeuse. Si comme nous vous n’aviez pas résisté au charme poisseux et suranné de « Geen Genade », le plaisir sera total sur un Duistre Kamers qui réussit le petit exploit de reproduit l’idiosyncrasie des premiers émois sur la totalité d’un album sans jamais ne serait-ce que caresser le sentiment de redite, et cela grâce à un jeu permanent sur les cadences, les textures et les ambiances. Entendons-nous bien : la zone de confort définie par Pascal Pinkert est assez restreinte, et la rigueur avec laquelle il se tient à sa feuille de route initiale est remarquable, mais jamais le disque ne lasse ou ne se complait dans le passéisme bidon, probablement parce qu’il n’est composé que de titres extrêmement efficaces, qui activent toutes les bonnes connexions neuronales - celles qui donnent envie de dodeliner de la tête, et celles qui ne donnent pas envie de ressortir toute la discographie de D.A.F. histoire d'oublier pour toujours un minable plagiat.

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#5

Weeping Choir

Full Of Hell

Une époque aussi extrême que la la nôtre mérite des disques qui le sont tout autant. Sur Weeping Choir, première livraison pour la référence Relapse Records, Full Of Hell redéfinit à nouveau la notion de l’enfer en balançant un vortex sonore de 25 minutes, situé quelque part entre grindcore, death metal, noise, hardcore et powerviolence. Sur Weeping Choir, les quatre sinistres drilles semblent être exactement où ils devraient être, pulvérisant tous nos repères liés à la musique extrême. Le fait que cet album sorte à l’aube des 10 ans de la formation est également un signe qui ne trompe pas. Il est une déclaration d’intention de ce vers quoi Full Of Hell s’oriente : un son dense, nihiliste et toujours plus efficace. Si les Américains continuent de sortir leur meilleur album tous les deux ans, il y a de quoi s’inquiéter sérieusement pour la concurrence.

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#4

ZUU

Denzel Curry

Dans ce top, vous trouverez très peu de disques de rap américain. Pourquoi ? Parce qu'à de rares exceptions près, le rap US nous a royalement fait chier cette année. Et l’intérêt qu’on portait sur des disques comme ceux de Kendrick Lamar s’est reporté sur des artistes comme JPEGMAFIA. Très honnêtement, on a la conviction que des artistes capables de faire bouger les lignes et de marquer de leur empreinte une année musicale, on en a entendus peu ces douze derniers mois. Alors que les gros bonnets des années 2000 sont partis ou tendent à disparaître, et que les autres se reposent sur une popularité démentielle du genre pour ne pas avoir à se renouveler, Denzel Curry a su nous titiller là où ça faisait le plus de bien, avec cette énergie et cette fraîcheur qui en font l'un des artistes les plus importants du genre actuellement.

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#3

Bandiera Di Carta

Tomaga & Pierre Bastien

Avec les années, le duo britannique Tomaga est en train de devenir une incroyable machine de la musique expérimentale des années 2010 et, on en est certain, 2020. Quelques jours après la sortie de notre papier, le Français Pierre Bastien lui-même nous écrivait : « Merci d'avoir lu en nous aussi clairement et d'avoir transmis cela à vos lecteurs ». Si cela a été possible, c’est que ce disque, on en est tout bonnement tombés amoureux. Dans plusieurs années, s’il ne reste pas dans les mémoires comme un album classique qu’il faut garder près de soi, alors on ose le dire : ce sera une erreur. Tout dans cette collaboration fait sens. Et si les albums partagés sont souvent pour les artistes une façon de « faire autre chose », ici, il s’agit bien de plonger au cœur de ce qu’on décèle être l’âme d’un groupe devenu majeur.

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#2

IGOR

Tyler, The Creator

Vu sa place dans le classement, autant ne pas y aller par quatre chemins : IGOR est un immense disque, peut-être le premier qui voit Tyler, The Creator prendre réellement le contrôle sur les millions de choses qui lui passent par la tête ; des plus belles aux plus glauques – car évidemment, c’est dans cet équilibre instable entre ombre et lumière que le mythe s’épanouit, que la légende prend forme. Par son relief sérieusement accidenté, par la variété d’émotions qu’il convoque, par la sincérité absolue de son géniteur et par l’audace permanente qu’il affiche, IGOR confirme ce que d’aucuns avançaient déjà avec certitude lorsque la Californien a déboulé dans nos timelines : ce type est tout génial.

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#1

La Vallée Étroite

Balladur

On ne sait pas qui vous attendiez au sommet de notre classement, mais on va vous faire une confidence : nous, on s’en foutait un peu. Pourtant il a bien fallu choisir et rarement un disque aura si rapidement fait l'unanimité. Ce disque, c’est La Vallée Étroite de Balladur. En 2019, le duo de Villeurbanne est sorti de sa cold-wave de confort pour proposer l’album le plus étonnant et le plus pertinent qu’on ait jamais entendu sur Le Turc Mécanique. Désignant la Valle Stretta, symbole de la douleur des migrants qui tentent de faire la route de l’Italie vers la France, ce disque est celui de tous les chemins obliques. Jamais là où on l’attend, La Vallée Étroite a su venir conclure cette décennie loin de tout ce qu’on aurait pu imaginer. C’est certain que l’album de Balladur ne synthétise pas les années 2010, et pourtant, en un sens, c’est une œuvre qui nous a paru plus actuelle que les autres. C’est rock sans vraiment l'être, c'est expérimental sans jamais sombrer dans l'insondable, c’est d'une richesse incroyable, ça transpire la sincérité par tous les pores, et on peut y revenir sans cesse sans jamais souffrir de la répétition. Bref, La Vallée Étroite est tout ce que l'on cherche dans un objet musical et à sa manière, le disque nous aura ressemblé comme peu d'autres ces 12 derniers mois.

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